En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un arabe), à une époque où la représentation était encore rare ou artificielle (alors qu'aujourd'hui, les reportages plus ou moins sensationnalistes, authentiques ou orientés abondent) et hors du champ de vision mainstream.


Film-culte, il a eu une influence considérable et a infiltrées des petites expressions dans le langage populaire, alors qu'il reprenait déjà de nombreuses références (aux Inconnus, au cinéma de la mafia ou à Taxi Driver).


La Haine est un machin totalement immature et faible. Un produit caricatural, proche de la farce sans le faire exprès (avec des acteurs pour le moins inégaux). Les effets sont faciles, risibles et démagogues. Nous naviguons entre la philosophie de wesh et la propagande en mode NPA (l'utilisation grotesque d'images d'archives composées de véritables émeutes).


Et le plus minable, c'est cette incapacité de Mathieu Kassovitz à assumer le réductionnisme de son propos, l'outrance des préjugés collectifs qu'il met en scène, en prenant le parti des présumés champions de la damnation sur Terre. Et naturellement, Kassovitz a besoin de faire le malin, alors il l'indique une bonne fois pour toute avec sa phrase « Toute ressemblance avec la réalité serait fortuite » : ridicule ''vraie-fausse'' mise à distance.


Les méchants pullulent et sont tout autour de la banlieue : problème, l'au-delà de la banlieue, il n'existe pas et les héros de La Haine l'ignorent totalement. Ce sont de simples beaufs attardés, des ploucs de la banlieue... mais puisqu'ils sont victimes de leur sort, leur violence à l'égard de l'extérieur, leur inculture, leur absence de conscience personnelle, de réceptivité, est normale pour Kassovitz. Et même, l'intello de la bande (le noir), enfin celui apte à imiter la sensibilité et l'éveil spirituel, est là pour confirmer. Par conséquent, il y a les journalistes, ces opportunistes amoraux (soit), puis surtout il y a tous ces flics, tous des blancs, de sales français (on retrouve Philippe Nahon de Seul contre Tous) mobilisés par la même haine qui stimule, en particulier, le juif de la bande (Vincent Cassel).


Par conséquent, la médiocrité de ces ''kaira'' est légitimée ; par l'horrible société oppressive et dédaigneuse, par la cité où ils sont et où pourtant, la plupart s'ébattent comme de gros bœufs gouailleurs et purulents, tous teigneux fiers d'eux. Pour Kassovitz, la haine et surtout la violence, la réaction sont inéluctables. Sur ce point il a raison. On ne peut laisser des types dans le genre de Vinz, Hubert et Said tout annihiler ; s'ils étaient honnêtes ils le comprendraient très bien, car ils partagent, finalement, la même intolérance à l'agressivité, les conventions et l'idéal de l'autre.


Naturellement les professionnels de la profession et les cortèges officiels se répandent en éloges galvaudés, emballés par une vision si primaire et revendicative. La Haine, c'est la chair typique de l'emphase institutionnelle peu impliquante mais pour autant, sérieusement délétère à cause de sa combinaison d'hypocrisie, de négligence et de médiocrité. Bien sûr, on cogne sur Le Pen, son pénis et celui de toute cette immonde France égoïste, cynique, autoritaire et ethno-centrée. Comme c'est juste et émouvant !


Le film a hissé ses acteurs vers le haut de l'affiche, Cassel en particulier. On le retrouve dans Notre Jour Viendra, film à la morale d'ado attardé, où en revanche les casos s'affranchissent, tendent vers autre chose que la misère où ils sont nés. Mais sans pour autant se départir de leur nihilisme. Or quel malheur, si la réserve de casos n'est plus disposée, ne se rebelle plus contre les terribles autorités "en place", mais qu'elle s'avère autonome, pour briller ou, malheureusement, casser.

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le 13 nov. 2013

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Zogarok

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