« Puisque la loi ne vous punit pas, nous le faisons » : tel est le credo du groupe de militant écologistes décidés à passer à un nouveau niveau d’action dans la lutte pour la préservation de la planète. Sabotage pourrait être une réflexion sur la question de l’engagement et la nécessité du recours à la violence dans une expansion de la désobéissance civile. Ce ne sera pas vraiment le cas, même si une ébauche de débat surgit lors d’une soirée vite rattrapée par l’alcool et la fumette, où les militants ont bien conscience d’être considérés comme des terroristes, mais sont déterminés à agir sans se perdre dans des dissertations. L’un d’eux résume bien le principe : l’action, pour porter, doit être spectaculaire, parce que c’est le seul biais par lequel on atteindra la visibilité convoitée. Dont acte, pour le récit lui-même, qui se présente dès sa séquence d’ouverture comme un film de braquage : musique electro toute en tension, multiplicité des trajectoires visant à la convergence, actions parcellaires en attente d’éclaircissement pour le spectateur.


Sabotage s’en sort donc en jouant deux cartes apparemment contradictoires. La première, celle de la modestie pour une durée concise et un récit resserré, qui ne dévie pas de sa trajectoire et ne s’égare pas dans des considérations qu’il maîtriserait mal. L’essentiel se concentre ainsi sur la reconstitution méticuleuse de l’action, renvoyant au titre original, How to blow up a pipeline, dans une logique quasi documentaire, aux antipodes du glamour généralement affilié aux films de casse, où la classe des stars suffit à passer tous les obstacles : ici, l’amateurisme est le sujet même d’une action mise en place par des citoyens lambda. La deuxième, en injectant dans ce cadre quelques pulsations d’écriture assez judicieuses, notamment dans la constitution d’un groupe hétérogène, où les motivations et les profils occupent un spectre vaste, des white trash aux natives, en passant par le redneck exproprié et les altermondialistes. Le film emprunte clairement à la série dans son écriture, interrompant malicieusement les petits climax par des flashback dédié à chaque personnage, où seront explicités leur profil et leur mobile. L’occasion d’un état des lieux désastreux sur une Amérique des laissés pour compte, non seulement sur le terrain économique, mais aussi et surtout dans le domaine de la santé publique, où l’exploitation des énergies fossiles épuise autant les ressources qu’elle empoisonne les populations.


On pourra certes émettre quelques réserves sur certaines facilités d’écriture, notamment sur la dernière partie où l’on berne avec une facilité déconcertante des agents de terrain par un cache-cache assez improbable, où ceux du FBI d’une crédulité fort pratique. Mais la qualité du jeu, la vigueur du rythme et la gravité des enjeux fait du film un bel exemple d’équilibre entre séduction de la forme et intérêt du fond, soit précisément ce que cherchent à faire ces nouveaux combattants face à l’apocalypse programmée en toute conscience par les puissants.

Sergent_Pepper
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le 4 août 2023

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