Deux mois après son puissant éloge du journalisme dans Pentagon Papers, Steven Spielberg, 71 ans, revient à la Science-Fiction avec Ready Player One. Et qui de mieux que le maitre du cinéma populaire des années 80 et 90 pour adapter le livre éponyme très dense d’Ernest Cline ?



  1. Le monde est au bord du chaos. Les êtres humains se réfugient dans l’OASIS, univers virtuel mis au point par le brillant et excentrique James Halliday. Avant de disparaître, celui-ci a décidé de léguer son immense fortune à quiconque découvrira l’œuf de Pâques numérique qu’il a pris soin de dissimuler dans l’OASIS. L’appât du gain provoque une compétition planétaire. Mais lorsqu’un jeune garçon, Wade Watts, qui n’a pourtant pas le profil d’un héros, décide de participer à la chasse au trésor, il est plongé dans un monde parallèle à la fois mystérieux et inquiétant…



La Madeleine de Proust :



La plus grande force du livre d’Ernest Cline était bien évidemment son ambiance. Le personnage de James Halliday ayant grandi dans les années 80, l’OASIS qui tourne autour des grands mythes de cette décennie. Dans cette réalité virtuel, les gens se transforment en Géant de fer, roulent dans la Dolorean de Retour vers le Futur, croisent King Kong et des T-Rex de Jurassic Park… Les attentes vis-à-vis de l’adaptation du roman au cinéma étaient donc très fortes ! C’est une prise de risque : qu’allait faire Spielberg de toutes ces références, ayant lui-même signé un grand nombre des films cultes de cette époque ?


Spielberg, bien que septuagénaire, en a sous le coude et nous le prouve avec ce long métrage ! Ready Player One est un grand film à l’univers foisonnant, à l’ambiance électrique et qui résonne au son des « eighties ». Pourtant, il n’est pas une énième Madeleine De Proust comme pouvait l’être, récemment, la série Stranger Things sur Netflix. S’il est bien question d’évoquer les années 80/90, c’est avant tout pour parler de transmission, d’héritage, de passage de flambeau, et non juste pour flatter la culture du spectateur et le ramener dans son enfance.


Le grand réalisateur sait parfaitement se servir de cette atmosphère pour en faire un film bouillant ; il s’agit d’un des grands films de la décennie en révolutionnant le cinéma. Les longues années de production du projet (surtout en post-prod’) ainsi que le premier essai de Spielberg à la motion capture (technique qui permet d’enregistrer les mouvements d’une personne pour la retranscrire sur ordinateur) dans Les Aventures de Tintin transforment Ready Player One en une expérience immersive, inédite de nos jours, dépassant même l’effet qu’a eu Avatar de James Cameron. La première course au début du film en est le parfait exemple : il s’en dégage une énergie, une force esthétique et une beauté visuelle, le tout transporté par l’idée même du mouvement, de la synergie des véhicules autant que de la caméra, qui forcent le respect. On est passionné, à cet instant comme à chaque moment passé dans l’OASIS autant qu’en dehors, et on en sort lessivé, mais émerveillé.



Rivalité Constante :



Pourtant, Ready Player One n’est pas qu’un exercice de style, loin de là. Le film entre collision avec toute cette vogue autour des années 80, omniprésente au cinéma et à la télévision ces dernières années : contrairement aux autres, Steven Spielberg utilise toutes ces références pour en dégager un propos, autant que différents niveaux de lecture. Les deux heures vingt de Ready Player One sont traversées par la dualité, un combat omniprésent, la guerre de plusieurs mondes.


En premier lieu, la réalité face au virtuel. Comment préférer le monde réel, dur, froid, aux mains des grandes multinationales, face à la poésie et le plaisir de l’OASIS ? Mais aussi l’argent et le mercantile face à la passion et l’innocence, l’enfance face au monde adulte, le passé face à la modernité ou l’optimisme de croire en un monde meilleur face au défaitisme. En cela, le film s’oppose, ou complète, les dernières réalisations SF du maitre : dans La guerre des mondes, Minority Report ou A.I Intelligence Artificielle, le constat de base sur le monde était amère. Ici, à l’inverse, l’optimisme et la candeur qui ont fait la force des productions Amblin dans les années 80 sont de mise (la boîte de production créée par Spielberg est connue pour ses films de Science-Fiction et d’aventure centrés autour d’enfants). Tout n’est pas perdu, les choses peuvent et doivent aller de l’avant. Il y a une place pour le rêve !


Au fond, Ready Player One est un film de SF optimiste (à l’inverse des deux Blade Runner), qui nous fait grandir et nous pousse vers l’avant. Un film sur la transmission, sur la volonté d’apprendre et d’apprécier le passé, mais aussi sur la nécessité d’aller vers l’avenir. C’est également un film aux nombreux niveaux de lecture, aux métaphores et analogies diverses. On pense notamment à toute la métaphore autour de la société Apple. James Hallyday en Steve Jobs, créateur fou évincé de sa propre société, Morrow en Wozniak, talentueux « ingénieur » ayant grandement participé à la création de l’entreprise mais oublié de tous, et Sorrento en John Sculley, le mercantile PDG. Mais aussi au rapprochement évident entre la grosse multinationale IOI, qui souhaite un monopole total et ne comprend rien à la pop culture qu’elle exploite, et les studios américains (Cela fait bien sûr penser à Disney). En bref, ce long métrage possède autant de niveaux de lecture que de références à des personnages des années 80, c’est-à-dire à chaque plan ! Ready Player One est donc le film aux mille et une références.


Pour conclure Ready Player One est bien le film annoncé. Un tour de force visuel et narratif, auquel on sort les yeux remplis d’étoiles. Un film intelligent, qui marque par sa mise en scène du mouvement et son propos, sur l’héritage, la transmission et le passage à l’âge adulte.


Léo Jacquet


https://lecoincritique.wordpress.com/2018/03/31/ready-player-one/

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le 30 août 2018

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Léo  Jacquet

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