Un récit, c’est l’organisation consciente de thématiques, exploitées et inscrites dans le temps en vue d’une démonstration. Alors que l’individu est traversé d’émotions confuses, parfois contradictoires, que ses interactions avec les autres ne suivent pas nécessairement une progression, le personnage est presque toujours inscrit dans un processus visant à établir des enjeux, en passant par les étapes clairement définies du schéma narratif.


Le récit choral, capable du meilleur (Short Cuts, Magnolia) comme du pire (ce film, donc), consiste à pousser à l’extrême cette logique, mêlant plusieurs récits qui vont s’entrecroiser au gré de hasards et coïncidences qui doivent tout à la virtuosité affichée et cherchée avec insistance par le scénariste. Et, bien entendu, ce doit être long.


Puzzle peut se résumer à cette quête, où chaque mouvement, chaque raccord, chaque note de musique est une nouvelle goute d’huile dans les engrenages d’une mécanique qui tourne à vide.
Il sera donc question de femmes brisées, par papa, par l’ex-mari qui veut la garde de fiston, par le mari gangster, et de faux semblants censés nous révéler la vérité des êtres, celle de sous le masque, qu’ils croyaient laide mais qui les rend tellement touchants, authentiques, vulnérables et bouleversants.


Puzzle est un amas de tous les clichés des romans Arlequin que le scénariste croit dépoussiérer en les assemblant de manière non linéaire. C’est non seulement insultant pour le spectateur (oh oh oh, regarde, les 3 femmes sont tristes au même moment, chienne de vie tout de même, et quand machine tombe du lit, c’est bidule qu’on voit au sol, prestidigitation !) mais surtout d’une ineptie généralisée. Les comédiens, surtout les hommes, donnent le pire d’eux même, Liam Neeson avec ses lunettes penchées sur un écran dans un palace parisien pour jouer à l’écrivain, Adrien Brody déroulant les liasses pour une arnaque dans une Italie de pub pour Barilla.


Mère courage, roses blanches par dizaines dans une chambre, l’amour plus fort que l’arnaque, Haggis ne recule devant aucun poncif, et pour cause, son petit twist bien rance est censé légitimer tout cela.


Le personnage d’écrivain avait imaginé toutes ces destinées, qui naviguaient dans son esprit.


Ouah. Le genre de dénouement qui vous émeut à peu près autant que « Oh mince, le réveil sonne, tout cela était un rêve » ou « Non je déconne, c’était un canular avec des comédiens professionnels » ou encore « Tout va bien petit ours brun, ce n’était que de la confiture de groseille et non du sang ».


Haggis a bien joué avec sa belle plume d’écrivain, on lui répondrait volontiers avec la batte du spectateur.

Sergent_Pepper
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Poussif, Choral, couple et vu en 2017

Créée

le 12 juin 2017

Critique lue 816 fois

7 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 816 fois

7

D'autres avis sur Puzzle

Puzzle
pphf
5

Des pièces qui s'ajustent assez mal

Paul Haggis récidive, tente à nouveau de s’installer dans la peau de Robert Altman, s’érige en spécialiste du récit choral après le succès de Collision. On aura donc trois histoires, trois...

Par

le 26 nov. 2014

22 j'aime

3

Puzzle
JeanVacances
3

La Chronique Mécanique de PUZZLE

Après "Collision", film choral sur le racisme déjà assez maladroit en manichéen, Paul Haggis s'attaque à nouveau au film choral, se concentrant cette fois sur le thème de la relation amoureuse...

le 5 nov. 2014

8 j'aime

9

Puzzle
pierrick_D_
3

Critique de Puzzle par pierrick_D_

Michael,écrivain vieillissant,séjourne dans un grand hôtel parisien où il rédige son nouveau roman,mais son travail est perturbé par l'arrivée de sa jeune et incandescente maîtresse Anna.Julia,femme...

le 28 juin 2021

7 j'aime

4

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

765 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

701 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53