La science-fiction est un genre qui tend à diviser et à susciter beaucoup d’exigence de la part des spectateurs. Une exigence d’autant plus grande par le faible nombre de films de science-fiction parvenant aujourd’hui à lever le niveau et à réellement se distinguer. Interstellar, en 2014, était un très beau voyage dans l’espace, s’aventurant aux confins de l’espace et du temps. En 2015, Ridley Scott avait proposé un Seul Sur Mars bien mené et un brin décalé. En 2016, Denis Villeneuve arriva avec son Premier Contact, un film lui-même très attendu.


Pas d’aventure intersidérale, pas de conquête spatiale, pas de monstre tueur. Denis Villeneuve a ici fait le choix singulier de réaliser un film de science-fiction certes, mais très terre-à-terre. Des extra-terrestres apparaissent bien dans l’intrigue, mais ceux-ci n’ont pas pour but d’éradiquer l’espèce humaine à coups de canons laser. Très loin de la touche “catastrophe” très chère à Roland Emmerich dans Independance Day par exemple, Denis Villeneuve propose un film intimiste, presque poétique, à l’attrait surtout philosophique.


L’intrigue se déroule de manière relativement lente, les soubresauts sont peu nombreux, et les personnages principaux sont très classiques. C’est ainsi que Premier Contact permet de changer des guerres de civilisation en s’axant sur une volonté de communiquer commune aux humains et aux extra-terrestres. Les uns s’invitent sur Terre pour délivrer un message, et les autres viennent à leur rencontre pour tenter de le décrypter. Et le déchiffrage de la langue des extra-terrestres a une part très importante dans l’intrigue, un choix judicieux car très rarement mis en valeur au cinéma, mais c’est surtout une mise en abyme de la nature humaine, la ramenant à ses propres origines et à ce qui en fait sa particularité : la capacité à communiquer de manière intelligente.


Ce choix scénaristique est tout à fait bienvenue et fait de Premier Contact l’une des plus belles réussites en termes de science-fiction ces dernières années au cinéma. Intelligent dans son déroulé, rationnel dans son traitement de l’histoire, il ne s’égare pas et se permet même d’extrapoler quant aux questions du temps et des dimensions, comme Interstellar le faisait il y a deux ans, ou 2001 : L’Odyssée de l’Espace il y a cinquante ans. En effet, le langage est un outil très présent dans le film, mais celui-ci permet surtout de mettre en lumière les questionnements que Premier Contact soulève à propos de notre rapport avec le temps. Sommes-nous maîtres de notre destin ? Devons-nous l’accepter comme une fatalité ? Nos actions présentes influent-elles sur l’avenir ou sont-elles une partie d’un grand ensemble déjà défini ? En voyageant de manière assez ambiguë entre les différentes « couches temporelles », le film vient poser ces questions, et interroge le spectateur, sans avoir la prétention d’y répondre.


Film de science-fiction certes, Premier Contact est surtout un film philosophique, utilisant les extra-terrestres comme des alter ego, des miroirs reflétant la nature humaine, ses capacités, ses bons côtés et ses mauvais côtés. Leur apparence particulière et énigmatique les rend presque « divins », transmetteurs d’un message encore plus grand adressé à l’humanité à propos de sa destinée. Très intelligent, bien construit, il fait partie des très belles surprises de l’année 2016. Petite révolution dans le cinéma de science-fiction, il fait également plus que jamais de Denis Villeneuve l’un des réalisateurs en vogue, très attendu cette année pour Blade Runner : 2049.

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le 2 mai 2017

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