Pour une poignée de dollars de Sergio Leone n'est peut-être pas le tout premier western spaghetti, mais c'est clairement LE film qui donna sa renommée au genre. A l’origine, un "Western Spaghetti" c'est une insulte trouvée par les critiques américaines qui ont été offensées par cette vision italienne du western américain. Et puis, comment osent-ils (ces étrangers) s’attaquer à ce genre typiquement américain ? Plus tard, le "Western Spaghetti" sera l'appellation des westerns fabriqués en Europe, ou plus précisément en Espagne. En fait, comme la plupart de ces films étaient des coproductions italo-espagnoles, beaucoup d’entre eux ont été tournés en Espagne. L'appellation "Western Paella" aurait été tout aussi approprié.

Pour une poignée de dollars c’est aussi le film qui a fait de Clint Eastwood une star internationale. C’est le tout premier film de la "Trilogie du dollar" de Sergio Leone, suivrons ensuite Et pour quelques dollars de plus, ainsi que et Le Bon, la Brute et le Truand qui conclura la trilogie. Dans les trois films Clint Eastwood est présenté comme "L’homme sans nom", bien qu’ici ce ne soit pas tout à fait exact. Ici il est s'appelle Joe et représente le cowboy américain qui arrive dans une petite bourgade mexicaine.

L’intrigue de Pour une poignée de dollars serait basée sur le film japonais Yojimbo d'Akira Kurosawa, mais je ne pourrais pas en juger, puisque je ne l'ai jamais vu. Joe (Clint Eastwood) arrive dans la bourgade mexicaine de San Miguel, proche de la frontière avec les Etats-Unis. La ville est occupée par deux familles rivales, les Rodos et les Baxter, qui vivent d’un commerce lucratif de trafics d'alcool et d'armes. Joe y voit une opportunité pour se faire de l'argent et joue les deux camps l’un contre l’autre, entreprenant divers emplois pour les deux familles, tout en ne montrant de loyauté envers aucune des deux. Son erreur viendra quand "pour une fois" il accomplira une bonne action. Ramon (Gian Maria Volonté), le plus violent des frères Rodos, a pris pour maîtresse une jeune femme mariée nommée Marisol, la forçant contre son gré à abandonner son mari et son jeune enfant. Joe l’aide, elle et sa famille, à s’échapper et Ramon jure de se venger.

La plupart des héros des westerns américains, joués par John Wayne, Gary Cooper ou James Stewart, sont de parfaits héros dans tous les sens du terme (faits héroïques et tout et tout). Non seulement ils étaient courageux, forts et virils, mais aussi moralement vertueux, défendant les idéaux d’honneur et de justice contre les méchants. Parfois, ces héros de westerns américains avaient la morale quelque peu suspecte, comme John Wayne dans La Prisonnière du désert de John Ford ou comme James Stewart dans L'Appât d'Anthony Mann, mais les films eux-mêmes ont toujours adopté une ligne moraliste, les héros étant condamnés pour faiblesses morales. Et puis au final tout revient dans l'ordre et nos héros obtiennent la rédemption.

En revanche, L’Homme sans nom a toujours été présenté comme un anti-héros, comme un homme amoral. Il est courageux, mais ne défend aucun idéal ni aucune morale. Il est parfois capable d’altruisme, mais la plupart du temps il est juste motivé par son propre intérêt. C’est un héros solitaire et laconique, un véritable mercenaire qui offre ces services aux plus offrants. Clint Eastwood lui a également donné une apparence physique remarquable et remarquée, caractérisée par son poncho et son cigare. Il arbore également une barbe de trois jours, alors que la plupart des héros de westerns américains sont rasés de près.

Pour une poignée de dollars est l’un de ces films dont on se souviendra surtout pour son influence sur un genre (le western spaghetti) que pour ses mérites intrinsèques. C’est l’un des premiers westerns "révisionnistes", marquant le début d’une tendance non seulement vers plus d’ambiguïté morale, mais aussi vers une représentation plus réaliste de la violence et une tendance qui sera prolongée plus tard par Sam Peckinpah avec La Horde sauvage et Pat Garrett et Billy the Kid. Non seulement les fusillades sont plus désordonnées et moins nettes que celles des nombreux westerns classiques, mais aussi les scènes de tortures sont plus réalistes et viscérales (et difficiles à supporter). Cette ligne révisionniste allait devenir monnaie courante dans les westerns de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix. Pour revenir à Sam Peckinpah, La Horde Sauvage (1969) est un bon exemple de westerns américains influencés par les œuvres de Sergio Leone.

A l’origine, Pour une poignée de dollars a été tourné sans son et le doublage est fait plus tard sous la direction de Sergio Leone. Il n'y a donc pas à proprement parler de VO. C’était une pratique courante dans l’industrie cinématographique italienne de cette époque, pour produire à faible coût des versions dans différentes langues pour les marchés étrangers. Même sur le marché américain, le film est parfois désigné par son titre italien Per un Pugno di Dollari. Le doublage en VF est fabuleux, parfois même considéré comme meilleur que le doublage italien et anglais.

Pour une poignée de dollars souffre d'un rythme parfois vraiment trop lent, malgré la courte durée du film (un peu plus de 1h30). L'action se fait assez rare et est parfois difficile à suivre. Quant à Clint Eastwood, rien à redire, il montre déjà tout le talent et tout le charisme qui feront de lui une immense star internationale. Dans le contexte d'une sortie au milieu des années soixante, Pour une poignée de dollars devait être une expérience nouvelle et sacrément excitante. Mais voilà, dans le contexte d'une découverte de nos jours, le film peut paraitre assez banal pour des yeux d'aujourd'hui.

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le 20 juin 2023

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lessthantod

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