Telle une rock star vieillissante, William Friedkin est à la recherche de son lustre passé. Il tente d'innover en donnant à son polar le goût du soufre et de la perversion avec Cruising, mais celui-ci soulève aussitôt la controverse et finit par subir le courroux de la censure. Il s'essaie également à la comédie mais sans grand succès. Comme d'autres avant lui, il décide alors de reprendre ses tubes d'antan et de les remettre au goût du jour. Le pari n'est pas sans risque car on imagine difficilement un rock crade et furieux des 70's passé à la moulinette clinquante et insipide de la décennie suivante. Mais bon, l'homme qui a filmé une gamine s'enfonçant un crucifix dans le vagin, avant de la faire courir bêtement sur les mains dans un escalier, n'a peur de rien et le prouve une nouvelle fois en rejouant French Connection à la mode années 80 : To Live and Die in L.A n'est pas un simple remake, c'est son antithèse bling-bling !
Remarquez, sans faire de mauvais esprit, la démarche à du sens car les années ont beau passer, les tourments de l'homme restent les mêmes : comment concilier sens du devoir et valeurs morales avec une réalité toujours plus sombre et impitoyable. La frontière entre Bien et Mal devient rapidement poreuse et les apparences, dans ce domaine, sont bien souvent trompeuses. Ainsi, lorsque Chance, flic obstiné et tête brûlée, voit son coéquipier tué par celui qu'il traque depuis si longtemps, il se dit que le seul moyen d'arrêter un voyou est de le combattre avec ses propres armes, en enfreignant la légalité ! Et là, le talent de Friedkin est d’entremêler les destins de ces deux antagonistes de telle façon que l'on ne puisse distinguer le bien du mal. Lorsque l'on voit notre flic servir une cause juste en mettant la pression sur un juge ou en volant un agent fédéral, on n'hésite quand même à applaudir. Notre perplexité ne fait que croître à la vue du bad guy de service, Master, un faussaire cruel qui s'avère être également un véritable esthète, raffiné, à l'âme artistique indéniable. Voilà la grande réussite du cinéaste, c'est de dépeindre un monde furieux et désenchanté dans lequel l'ombre et la lumière peuvent cohabiter au sein d'une même personne. To Live and Die in L.A tend à rejoindre The French Connection dans l'esprit mais également dans le style virtuose : les scènes nerveuses, rondement menées, sont légion, on retiendra évidemment la fameuse course-poursuite dans les rues de L.A...
Seulement, à l'instar de cette course-poursuite certes remarquable mais qui ressemble à du remplissage, To Live and Die in L.A apparaît comme une œuvre aussi virtuose que factice. À vouloir jouer ainsi sur les images, Friendkin finit par rendre ses personnages peu crédibles et extrêmement superficiels. L'exemple du héros, Chance est frappant : son aspect " dur à cuire " est tellement grossier qu'il en devient caricatural. Qui peut prendre au sérieux ce personnage frimeur, déambulant gauchement avec Ray-Ban, cuir et bottes de cow-boy ! On peut bien sûr y voir un trait d'ironie venant d'un cinéaste désireux de jouer avec les codes et les apparences. Mais pour que cela soit crédible à l'écran, il faut un minimum d'écriture (ce qui est loin d'être le cas) et posséder un acteur suffisamment charismatique pour transcender le rôle. Sur ce point, William L. Petersen et son look chamallow, semble être une erreur de casting. L'intrigue policière, également très pauvre, ne suscite guère l’intérêt et les nombreuses bourdes du héros finissent même par exaspérer. Finalement le principal problème du film demeure son concept : faire un French Connection version années 80 aurait pu être une bonne idée mais la mayonnaise ne prend pas. Remplacer la complexité d'un Hackman par la frime d'un Petersen, troquer l'univers d'un New York poisseux avec les lumières artificielles de L.A, ou encore passer du score élégant de Don Ellis à la musique "boîte de nuit" de Wang Chung, relève presque de la faute de goût, voire de l'hérésie. En cela To Live and Die in L.A est un bien un film de son époque, aujourd'hui terriblement dépassée.