Pour les amateurs de l’agent le plus beauf de France, le retour aux affaires ne pouvait que réjouir, et il n’y avait pas trop à craindre de voir Nicolas Bedos prendre le relai de Michel Hazanivicius : en termes de singularité et d’irrévérence, le second se défend bien, et la qualité de ses derniers films atteste d’une maîtrise formelle qui pouvait rassurer.


Et le constat est là : OSS 117 est rassurant. Comme déjà bien disséminées dans les bande-annonce, les saillies sont féroces, dans cette France à l’aube des années 80 où l’on craint de voir arriver Mitterrand et les chars russes place de l’Etoile. Hubert Bonisseur de la Bath est resté dans cette certitude proprement gauloise, flatte les croupes et répond avec un grand sourire quand sa dernière soubrette lui dit « So nice to see you », « Me Too ». Bedos s’amuse, et on l’attendait sur ce registre, à dévider toutes les crispations de l’époque, en multipliant les clins d’œil à l’actualité (par la crainte d’une « guerre civile » si la gauche l’emporte aux élections…), et donnant carte blanche à son héros qui, entre misogynie, racisme et homophobie, ne sait plus où donner de la tête. La question du politiquement correct en rajoute une couche, son supérieur lui enjoignant de ne pas commettre d’impairs avec leurs « amis africains » pour feindre de valider leur indépendance fantoche, Hubert se retrouvant évidemment encore plus maladroit lorsqu’il essaie de jouer un rôle auquel il ne croit pas.


La nouveauté réside peut-être davantage dans le jeu de massacre sur ce qui restait d’aura à l’agent, qui entre panne sexuelle, incompétence notable sur le terrain, et poursuite de ses fantasmes homo refoulés, prend cher, surtout par la concurrence d’une nouvelle génération en la personne de Pierre Niney, qui redynamise avec talent la franchise.
Les vannes fusent, la bêtise se donne en spectacle, mais le plaisir est émoussé par un pari finalement assez stupide, qui consiste à avoir tout misé sur les saillies et le charme des comédiens. Dujardin n’a évidemment rien perdu de son talent, et c’est toujours un plaisir de le voir retrouver ce rôle emblématique. Mais cet opus, dénué de véritable intrigue, manque considérablement de romanesque, et suit une ligne faiblarde au point qu’on se demande quand va véritablement s’achever l’exposition. À l’exception d’un prologue d’une belle maîtrise visuelle qui convoque la vitalité d’un Indiana Jones (course sous des rafales et saut dans un hélicoptère) et d’un générique ouvertement emprunté à James Bond, la suite s’enlise dans une paresse monotone. On peut, isolément, s’amuser de certaines idées (Tintin au Congo pour se replonger dans l’histoire du continent Africain, la carte ridiculement imprécise, l’imitation terriblement gênante à la Michel Leeb des accents des femmes conquises, la flûte du silencieux pour charmer le serpent sur l’air de l’île aux enfants…) mais aucun liant ne vient porter l’ensemble, et Bedos se désintéresse totalement des personnages extérieurs au duo, particulièrement des femmes qui donnaient pourtant joliment le change dans les épisodes précédents et se bornent ici à satisfaire leur besoin d’homme comme des Bond Girls Random.


Moins absurde, plus paresseux, moins surprenant : OSS 117 a beau prétendre qu’il sera là pour toujours, on n’est pas sûr de le souhaiter aux spectateurs.


(5.5/10)

Sergent_Pepper
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Festival de Cannes 2021

Créée

le 4 août 2021

Critique lue 8.7K fois

159 j'aime

10 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 8.7K fois

159
10

D'autres avis sur OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
Grimault_
3

Le temps béni des colonies

Faire une suite à un diptyque désormais culte a tout du projet casse-gueule. D’autant que Michel Hazanavicius est parti et que c’est Nicolas Bedos aux commandes. Certes, ce dernier a fait ses preuves...

le 4 août 2021

120 j'aime

20

OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire
Moizi
4

Cette fois il se contient ! (ça tourne mal)

Je ne sais pas trop quoi penser de ce troisième volet d'OSS 117... les deux précédents étaient les seuls films de Michel Hazabidus que j'aimais bien et la reprise de la franchise sans lui, avec un...

le 7 août 2021

81 j'aime

1

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

765 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

701 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53