Tout d'abord, ce film est un chef-d'œuvre d'un réalisateur qui en comptabilise plusieurs : Stanley Kubrick.
Ce film rendant volontairement inconfortable, son spectateur est à mes yeux la plus grande réalisation de Kubrick. Vais-je m'attirer les foudres de bon nombre de fans ? Surement.
Il est subversif, violent, tortueux et torturant, mais il est surtout magnifique. Tout y est beau, même dans les scènes les plus brutales. La musique pensée par Wendy Carlos est aussi irritante que le sujet abordé par ce film.
Peut-on contrôler la violence humaine ? Peut-on transformer les hommes dans ce qu'ils ont de plus intrinsèque ?
Ce film débat donc du principe de résilience, de la capacité d'un jeune homme qui, bercé dans une société de tout les excès est imprégné de brutalité et se retrouve contraint à un retour en arrière. On nous pousse à questionner la légitimité de cette société malade à soigner ses enfants qu'elle a condamnés avant même leur naissance.
En effet, Alex Delarge (campé par le splendide Malcolm McDowell) est un électron libre, ne vivant que dans la violence, avec les siens, comme son unique expression de la supériorité, avec autrui, comme une volonté puissante de se confronter aux interdits. Tout cela accentué par sa consommation excessive de drogue, mélangé à du lait comme une métaphore habile de sa démocratisation. En effet, pour pousser un peu plus loin sa signification, lorsque le premier aliment de l'humain se retrouve être celui qui le perverti, alors l'homme est comme prédestiné à la perversion.
Cette première partie du film mettant en scène les élans de violence d'Alex et son groupe se retrouve brutalement (là encore pour nous ancrer même scénaristiquement dans cette dystopie irascible) confrontée à la justice. Cette même société, l'ayant jeté dans cette vie dérangée dès son enfance, vient aujourd'hui le punir pour ce qu'elle lui a légué.
C'est alors que le film sombre un peu plus dans les tréfonds de l'âme humaine, lorsqu'il va accepter un nouveau programme de réhabilitation tentant de décomposer l'esprit humain et d'en extraire la violence. Alex va ici se retrouver inondé en permanence de stimulus agressifs dans l'optique de créer un ressenti de dégoût face à la brutalité.
Mais en réalité ce dégoût est contraint et non pas acquis, mais peut-on contraindre un esprit ? Ce film tente de nous montrer que non, son esprit soit disant soigné se retrouvera en réalité encore plus détraqué qu'avant. Nous faisant donc comprendre que soigner le feu par le feu ne sait que raviver la flamme.
Nous sommes donc ici confrontés à un rejet d'une société niant sa part de responsabilité. C'est-à-dire, comment une société aveugle, n'enfantant que des aveugles peut attendre de ceux-ci qu'ils ne se perdent pas en chemin ?
Ce film est donc une réussite artistique montrant nos échecs sociétaux et surtout l'endroit où il pourrait nous mener. C'est un film qui par la violence nous mets en garde sur l'intériorité de l'homme et la perversité de nos sociétés déjà remplies de rouages rouillés qui rejette ce qu'elle engendre de tordu lors de ses tressaillements.