Impossible de rester de marbre devant la noirceur qui habite Naked. Film dépressif par excellence, il marque surtout les esprits par la performance sans limite de son acteur principal, l'excellent David Thewlis. Littéralement habité par son personnage, c'est un homme marqué par la vie qui semble avoir perdu tout espoir de bonheur qu'il incarne à l'écran, pour le meilleur et pour le pire, souvent le pire d'ailleurs. Marginal dans sa façon de vivre, mais également de penser, il se joue de ses rencontres en démolissant les convictions des âmes qui lui prêteront assistance ou seulement un peu d'attention. Toutes les joutes verbales qui ponctuent le film sont le seul liant de cette histoire presque invisible, uniquement faite de relations humaines. On sait évasivement qui sont les personnages, d'où ils viennent et ce qu'ils ont vécu mais pas davantage, Mike Leigh préfère instaurer un mystère autour des hommes qu'il met en scène afin de garder active la brutalité qui les anime.


La belle force de naked réside dans le regard que porte le cinéaste sur ses acteurs, et sur les hommes qu'ils incarnent. Dans une ville de Londres qui n'a jamais été aussi poisseuse, Johnny ne rencontre que des âmes à la dérive. Certaines semblent lucides sur leur cas, d'autres se voilent la face, comme ce vigile qui se persuade de son bonheur, en passant ses soirées à regarder par la fenêtre, sa voisine qu'il désire secrètement, idéalisant complètement cette silhouette qui se trouve être dans la perdition la plus totale. Ces mini scénettes, toutes très lourdes de sens, rythment le film. On pourra reprocher à ce dernier d'être par moment un peu longuet, mais rien n'est vain et chaque dialogue, parfaitement ciselé, contribue au portrait humain désespérant qui se dessine alors. D'autant plus que l'image est également créée pour l'être à son tour. Tout ou presque est filmé de nuit et la caméra ne permet jamais de vraiment respirer, préférant des points de vue très oppressants visant à générer l'empathie avec ce qu'éprouvent les personnages.


De ce fait, pas évident de garder le sourire et c'est l'ambiance bien plombée qu'on subit le générique de fin. Leigh tente d'apporter un peu d'humour, acide, à quelques reprises, mais les petits sourires qu'il arrache sont bien vite effacés par le pessimisme total qu'il réinvite immédiatement à l'image. C'est un sentiment assez particulier qui se joue au moment de faire le bilan. Pour ma part, je ne sais toujours pas si j'ai apprécié le film, je sais par contre qu'il m'a salement remué. Rien que pour l'impressionnante performance de David Thewlis, Naked se doit d'être vu, mais cette force de suggestion et cet oeil acerbe que pose Leigh sur l'humanité est évidemment pour beaucoup dans ce respect instantané que l'on ressent pour son travail une fois le visionnage terminé.

oso
7
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le 6 mars 2014

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