Mon voisin Totoro
7.8
Mon voisin Totoro

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1988)

Mon voisin Totoro est le film préféré de ma petite sœur qui, du haut de ses 16 ans, lui vouerait presque une idolâtrie béate. Pour une fois qu'elle a bon goût, j'en suis plutôt heureux. Tout cela tombait pour moi à point nommé, ayant personnellement pris la ferme résolution de rattraper mes Miyazaki en retard. D'ailleurs depuis que je l'ai vu elle me réclame maintenant une peluche, vu que ce n'est pas donné ces cochonneries et que je finirai tôt ou tard par lui offrir à son anniversaire, cette histoire va finir par ne plus tellement être rentable. Surtout qu'elle commençait à lorgner sur le sofa à 400 balles... Ah les jeunes... Enfin bref, c'est du tout bon ce petit film, simple et sans prétention mais éminemment poétique.


Direction le Japon rural des années 50 où un père et ses deux filles, Satsuki l'aînée et Mei sa petite sœur, découvrent leur nouvelle maison, qui est en fait hantée par des noiraudes. Ce sont des sortes de petites boules noires de suie envoutées qui occupent les maisons abandonnées, donnant l'impression qu'elles sont hantées à ceux qui sont capables de les voir. La mère des deux fillettes étant malheureusement tuberculeuse, ils se sont installés à la campagne pour s'en rapprocher. Le sujet de la maladie est consciencieusement éludé pour rester le plus vague possible, histoire de ne pas alourdir un film au sujet léger et ainsi y incorporer une double interprétation plus subtile. Du coup Mon voisin Totoro reste un film hautement recommandable aux gosses, sauf si vous ne voulez pas qu'ils vous réclament des peluches hors de prix. Il faut bien l'avouer, ces satanées bestioles sont la référence des trucs mignons. La scène onirique de la découverte du fameux nounours est d'ailleurs un sommet dans le genre. Tout comme celle de l'arrêt de bus, qui se permet en plus d'être assez drôle. L'univers est également bien rendu et l'animation est fort honorable pour un animé qui a plus de 25 ans même si j'ai tiqué à quelques passages un peu grossiers. Les thèmes de la bande-son sont également très réussis et certains morceaux sont tout simplement sublimes.


Ce film aux relents d'Alice au Pays des Merveilles, la poursuite du Totoro blanc et le large sourire du chaton voyageur à la tendance consistant à devenir parfaitement hyalin pour s'éclipser ne trompant personne, est une sorte de conte mêlant idyllisme et merveilleux. Idyllique par son côté champêtre de paradis perdu pastoral préservé, pur et merveilleux par l'existence de créatures fabuleuses ou fantasmagoriques, c'est selon. La question de la réalité de toutes ces créatures n'est ni confirmée, ni infirmée, quoique au vu de la propension de Miyazaki à verser dans le fantaisiste et le caractère surréaliste de ses films cela ne m'étonnerait absolument pas qu'il considère ces créatures comme existantes dans son histoire. Cependant il ne faut pas se tromper de nostalgie, ce n'est pas le Japon de cette époque qui est regretté, mais les bonheurs simples de l'enfance qui rythment le film. Je ne suis pas le premier à dire qu'il s'agit d'une ode à l'enfance. Quoique je pense plus à une élégie lyrique de l'enfance du monsieur en question, attendu que l'époque n'étant finalement regretté seulement puisqu'il s'agit de la sienne.


Les fameuses créatures nommées Totoro apportent une dimension vraiment intéressante au récit. On peut se demander s'ils ne sont pas là pour contrebalancer la phase difficile que vivent les fillettes à cause de la maladie de leur mère. Comme une sorte de monde protégé réservé aux enfants et loin de tous les problèmes propres aux adultes, un univers à part où l'insouciance est reine. On le voit assez bien dans le passage où les déités champêtres font pousser un arbre gigantesque à partir de quelques graines plantées dans le sol puis emmènent Satsuki et Mei voler avec eux (oui ils volent les bestiaux). La fameuse scène du bus montre également une certaine déconnexion avec le monde des adultes, et surtout de ses risques. Totoro s'y pose en une sorte de protecteur. On comprend très vite que rien ne peut arriver aux deux petites. À ce propos la disparition de Mei n'inquiète pas le moins du monde tant il paraît évident qu'elle va vite être retrouvée.


Les gens qui se plaignent des deux gamines braillardes n'ont jamais vu mes cousines ou mangé à la cantine surpeuplée d'un centre aéré. Parce-que niveau décibel on passe du vent dans les arbres au décollage d'un bon gros Airbus A380. Sérieusement elles crient avec une voix aiguë (certaines mauvaises langues pourraient utiliser l'adjectif criarde, ce que je me refuserai à faire par déontologie et éthique personnelle), elles courent partout, rient en permanence, pleurent... Enfin ce que fait toute gamine normale à cet âge-là, sauf quand elles flippent. Leur père, qui de nos jours serait caractérisé comme un écolo-bobo gauchiste (pour preuve c'est une sorte de prof dont on ne sait pas trop ce qu'il fait de ses journées portant des lunettes et se déplaçant à vélo), est souvent absent et laisse ses gamines vagabonder tranquillement sans aucune surveillance. Gauchiste va.


Toute personne ne vivant pas en contact d'enfants pourrait prendre ces deux petits êtres pour des hamsters sous amphétamines, mais non rassurez-vous ; pas de substances dangereuses ni de bestioles poilues mis à part les Totoro et le chat-bus : ce sont juste des gamines énergiques. Rangez fusils, kalachnikovs, missiles nucléaires, canards en plastique, grenades lacrymogènes, lance-flammes et autres joyeusetés et pensez toujours à prendre un contraceptif approprié pour éviter les accidents. Si ce n'est pas un accident je ne peux plus rien faire pour vous. Soit-dit en passant j'adresse mes plus sincères condoléances à tous les parents et à tous les titulaires du BAFA qui doivent certainement en baver.


Reste que j'ai un peu hésité à chanter « Mignon mais gros », nonobstant le fait que je n'aie pas tellement envie de me faire caillasser aujourd'hui. Enfin ce film donne envie de sourire : son efficacité à faire passer tout ce positivisme et à relayer aussi bien cette impression béate que l'on peut avoir après l'avoir visionné est réellement bluffante. Il ne se repose pas sur un scénario, ici réduit au strict minimum, mais sur sa faculté à faire passer des émotions. C'est cela qui fait sa force. Malheureusement ce type de film perd malheureusement une bonne partie sa magie s'il est visionné trop tard mais n'en reste pas moins de très bonne facture. Du coup j'ai un seul regret par rapport à ce film : celui de ne pas l'avoir vu alors je croyais encore en l’existence du Père Noël. Attention, je parle bien de croire que celui-ci se trouve en Laponie avec ses potes les lutins et Rudolph le renne, pas dans le portefeuille de mes parents.

Brad-Pitre

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