Résolument ambitieux, Lone Star joue sur un tel nombre de tableaux qu’il en devient difficile à circonscrire.
C’est avant tout un film sur le passé et l’héritage. Le personnage principal est un sheriff, fils du précédent que la communauté s’acharne à sanctifier, poids mort d’autant plus ingérable que les affaires de famille n’ont pas arrangé la relation filiale. La découverte d’un cadavre remontant à 40 ans en arrière est l’occasion de remuer ce passé sur lequel on est volontiers révisionniste. A plusieurs reprises, le passage d’une époque à l’autre se fait par le biais d’un travelling qui fait cohabiter dans un même espace deux temporalités, belle façon de donner chair aux fantômes de l’histoire.
La belle idée est de faire du fils un homme de 40 ans, déjà fatigué par la vie, divorcé et ayant échoué à rivaliser avec la grandeur paternelle, dont la conquête amoureuse ne pourra se défaire d’une histoire pesante (et un brin poussive, reconnaissons-le, dans sa dimension explicitement « tragédie antique »).
Le récit se complexifie par son contexte géographique : ville frontalière du Mexique, elle tente de vivre avec trois communautés différentes, wasps, latinos et noirs. Le mélange est tendu, les rancœurs et les non-dits assourdissants. Liaisons mixtes, racisme, ghettoisation, expansion d’une communauté au détriment de l’autre, tous ces thèmes sont évoqués par l’entremise de personnages archétypaux plutôt touchants et crédibles.
Film sur la communauté, Lone Star en révèle surtout les petits arrangements : devenir maire, rester sheriff, tenir un bar, construire une nouvelle prison, tout est politique, renvoi d’ascenseur, entre copinage et corruption.
Les enjeux d’un tel écheveau sont réellement passionnants, mais si profus qu’on se prend à imaginer ce qu’aurait donné une série sur ce pitch, accordant davantage de temps à chaque personnage et sa version du racisme, sa vision de la tolérance, sa gestion du passé.
Bien joué, construit avec efficacité, Lone Star est doté des meilleures intentions et s’en sort plutôt honorablement dans sa tentative de fouiller la fuyante et complexe histoire de l’identité américaine.
Sergent_Pepper
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le 14 nov. 2014

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