Partagé entre son envie de réaliser une tranche de vie mafieuse à la mise en scène rageuse et son ambition de traiter avec minutie ce qu’implique une relation père-fils, Mendes manque un peu le coche. Les sentiers de la perdition possède un impact visuel indéniable —de nombreux plans restent en mémoire— mais à aucun moment ne parvient à véritablement rendre convaincants l’ensemble de ses personnages.


A commencer par son protagoniste, un tueur à gage peu loquace auquel Tom Hanks prête ses traits. Une erreur de casting monstrueuse : Hanks est capable de bien des pirouettes, mais pour filer le frisson avant de mettre à mort ses proies, on repassera, il a beau jouer des lèvres et multiplier les grimaces, il ne parvient jamais à se débarrasser de sa bouille de gentil bonhomme, ce qui pose un sacré problème.


Pour le reste du casting, les salopards s’enchaînent, avec plus ou moins d’inspiration. Jude Law en fait des tonnes et se perd dans la caricature manquée qui caractérise son personnage. On comprend ce que tente de faire Mendes (il me semble qu’il adapte un comics), mais sa mise en scène est trop posée, le traitement qu’il propose des autres personnages également, pour que son psychographe trouve sa place à leurs côtés.


Pas évident de mettre précisément le doigt sur ce qui déraille : une écriture un peu trop fonctionnelle peut-être, des scènes trop grossières pour esquisser la relation père-fils — cristallisées par le cours de conduite cliché au possible—, ou une tonalité trop variable, toujours est-il que la proposition de Mendes fait l’effet de naviguer entre deux eaux sans savoir vraiment où aller. En témoigne son final, qui devrait générer la décharge émotionnelle radicale du film, l’aboutissement, dans la douleur, de sa thématique centrale, mais qui tombe à plat parce que trop convenu malgré la surprise qui l’initie —évidemment le fiston ne tue pas—. Quand aux dernières secondes, quand Belle et Sébastien retrouvent les bons samaritains de la campagne qui ont pansé les plaies du gentil Hanks quand il était dans le pétrin, il vaut tout simplement mieux les oublier.


Sans être un film manqué, Les sentiers de la perdition fait l’effet d’être incomplet. Un peu à la manière d’un Skyfall, il se repose beaucoup trop sur le savoir-faire virtuose de son Directeur Photo (Conrad Hall abat un boulot monstre ici) mais ne parvient jamais à allier efficacement son ambiance visuelle grandiose, ses personnages capillotractés et ses thématiques pourtant passionnantes.

oso
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le 2 janv. 2016

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