MO – NU – MEN – TAL !!! Les infiltrés s’impose de droit comme le film de l’année 2006 pour plusieurs raisons.

Scorsese revient enfin à son cinéma et à un univers qui lui est personnel. Moins bridé que sur « Aviator » ou lyrique que sur « Gangs of New York », il raccroche ici avec une mise en scène percutante, intense et extrêmement habile. Chaque plan vient justifier l’action et suggère la précarité évidente d’un univers perverti. Il ne se contente pas de mettre en image un scénario un peu convenu, ce qui l’intéresse c’est de faire évoluer ce microcosme dépeint avec un réalisme saisissant. Scorsese s’amuse aussi, il pille dans ses œuvres précédentes et nous gratifie d’un certain nombre de clin d’œil. Pour exemple, sa référence à Capone dans « Les incorruptibles » de De Palma où l’on voyait De Niro ému aux larmes à l’Opéra est reprise avec un Nicholson qui semble tout autant en extase, le sourire aux lèvres. Mais Costello est pire que Capone, il est totalement déshumanisé. Il sourit certes, mais l’arrogance l’emporte ici sur la sensiblerie.

Le discours général refuse tout manichéisme. Chaque personnage exerce une pression sur l’autre dans un jeu de dupe où mensonges et petits arrangements viennent trahir les codes. Plus déroutant encore est le fatalisme affiché. Les meilleures intentions ou prétextes ne suffisent plus à la rédemption. L’homme est seul face à ses choix et subit inextricablement une destinée liée à ses origines, son statut ou son caractère. Cette noirceur reflétant la perception de Scorsese de notre société…

Il aurait été impossible d’arriver à un tel résultat sans un casting musclé. La troisième collaboration DiCaprio / Scorsese s’avère de droit la plus payante. L’acteur n’a jamais été si véridique et poignant. Il fait de Billy Costigan un écorché vif, sorte de loup rejeté de la meute. Cette solitude nous touche et crée un affectif immense. Son image de bellâtre est loin derrière… C’est la gorge nouée qu’on le voit éructer son jeu. A un point tel qu’il réussit l’exploit de reléguer au second plan un Nicholson pourtant génial en mafioso cabotin et démentiel. Matt Damon, Martin Sheen et Mark Wahlberg participent également à ce florilège d’interprétation.

Pour toutes ces raisons, et l’on pourrait y ajouter bien d’autres, comme le remarquable montage de Thelma Shoomaker, « Les infiltrés » est un film exceptionnel qui fera date. Accompli jusque dans le moindre détail on ne peut que l’encenser.

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le 11 sept. 2014

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Fritz Langueur

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