Les Implacables
7.1
Les Implacables

Film de Raoul Walsh (1955)

Le western, traditionnellement, est un genre qui rime avec grand spectacle. On va voir ce type de production avant tout pour le goût de l'aventure, pour ces grands espaces et pour retrouver une certaine idée de la liberté. Quoi de mieux, en effet, que la vision d'une horde de cow-boys conviant leur troupeau de bêtes cornues à travers une nature hostile, prenant courageusement d'assaut aussi bien les vastes plaines désertiques que les canyons escarpés, pour nous en mettre plein les mirettes ! Le modèle parfait, et indépassable, en la matière se nomme Red River tourné par le grand Hawks en 1948. Seulement, dans ce domaine, Raoul Walsh n'a rien du novice puisque, dès 1930, avec The Big Trail il avait déjà posé les bases de ce type de spectacle. Avec ce film, il avait non seulement exalté la nature sauvage du far-west, fait passer le bétail, comme les chariots, à travers les endroits les plus improbables (avec notamment une impressionnante descente de falaise), mais il en avait profité également pour donner ses premiers galons au jeune John Wayne. Alors, bien évidemment, lorsqu'il remet le couvert en 1955, avec un film similaire, son savoir-faire saute immédiatement aux yeux. L'intrigue a beau être linéaire, cousue de fil blanc et les stéréotypes assez nombreux, on se prend vite d'affection pour des personnages idéalement campés et on est immanquablement captivé par le spectacle, béat d'admiration devant ces grands morceaux de bravoure. Le film a beau être un peu trop mollasson et manquer d'ampleur par rapport aux œuvres précitées, il n'en demeure pas moins un excellent western avec ce qu'il faut d'action, d'humour et de spectaculaire. Avec The Tall Men ce ne sont pas les personnages qui sont "implacables", mais bel et bien la mise en scène du père Walsh. Du spectacle, avant tout !

Le spectacle est visuel avant tout et la caméra walshienne se donne bien du mal pour rendre hommage à cette terre et à cette nature ricaine. La vraie vedette du film, c'est elle ! Et l'intrigue, qui voit le cheminement d'un immense troupeau du Texas jusqu'au Montana (on ne sait pas trop où ça se trouve, mais ça doit faire une sacrée distance !), n'est qu'un prétexte pour filmer ces vastes contrés sous toutes les coutures : on passe ainsi en revue une belle variété de paysages qui vont de l'univers glacial et neigeux (esthétiquement, un must !) jusqu'aux régions arides et rocailleuses. Avec The Tall Men, on visite, on prend l'air, on voit du pays, mais surtout on s’émerveille devant la maîtrise formelle du cinéaste qui réussit le tour de force de rendre grâce à la majesté et au gigantisme des lieux. Walsh en profite pour soigner la dimension épique de son film, avec des scènes qui rappellent The Big Trail, et prend un malin plaisir à faire passer ses p'tites bêtes à cornes et ses cow-boys par de dangereux canyons et à les faire traverser d'imposante rivière, juste pour la beauté de la chose. Le tout est filmé en cinémascope, bien entendu !

Mais à côté du visuel, il y a une vraie histoire et même si elle est assez classique, elle n'en reste pas moins passionnante à suivre. Dans une première partie, Walsh installe ses personnages, détaille la psychologie de chacun et développe les relations qui les animent, que ce soit sur un plan amical (entre Gable et son frère), conflictuel (entre les deux frères et Robert Ryan) ou amoureux (entre Gable, Ryan et Jane Russell). Les thèmes sont classiques mais restent très efficaces notamment grâce à la bonne prestation des différents acteurs. Clark Gable n'est peut-être pas au mieux de sa forme, mais il fait le job. Sourire en coin, œil malicieux, moustache parfaitement lissée, il tient bien son rôle de "vedette" et sa relation, gentiment tumultueuse, avec Russell ne manque pas de piquant. On s'amuse volontiers de leurs échanges et de leurs déboires, même si l'histoire d'amour, en elle-même, peine à être convaincante. À leurs côtés, Robert Ryan tient un rôle pour le moins ambigu, puisqu'il interprète un riche propriétaire terrien, froid, impassible, prêt à tout pour réaliser son rêve de grandeur. Un être ambivalent, ni bon ni mauvais, qui voudrait ressembler à l'idéal romantique incarné par Gable mais qui sait en même temps garder les pieds sur terre. Avec ces deux personnages, s'opposent deux conceptions de l'Amérique, une "old scool" incarnée par les rêves modestes du vieux cow-boy et une autre plus "moderne", plus capitaliste, qui aura vite fait de reléguer au rang de doux souvenir le bon vieux temps du far-west, avec ses cow-boys, ses Indiens et tout le toutim... Avec Walsh, on a le droit une nouvelle fois à un western qui sait manier humour et grand spectacle, sans pour autant sacrifier le fond ou les personnages ! Pas si mal pour un film à grand public !

Procol-Harum
7
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le 21 août 2023

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Procol Harum

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