Pour moi, la trilogie du Parrain est le top du top des films de gangster. Je ne m’en lasse pas !


Dès l’ouverture les codes sont posés : on s’adresse au Parrain (Marlon Brando) avec respect, ce n’est pas un vulgaire assassin, c’est un protecteur qu’on vénère et devant lequel on se courbe… Ce milieu de la mafia sicilienne au cœur de l’Amérique est exposé ici sous ses deux faces : d’un côté le monde des « affaires » qui se passe dans l’ombre. Corleone, le Parrain reçoit dans une pièce obscure, dans une ambiance feutrée, les personnages sont habillés de noir, le parrain est taiseux et tout puissant, l’atmosphère est lourde et oppressante. Là d’une phrase se décide la mort des uns ou des autres à la manière d’une simple formalité. De l’autre côté, il y a la famille : ici lors du mariage de la fille du Parrain. L’atmosphère est colorée, bonne enfant, joyeuse. On chante, on danse on rit. C’est l’extrême opposé de ce qui se trame dans l’ombre.


Passé cette séquence d’ouverture, on assiste en l’espace d’un peu moins de 3h à la reconfiguration d’une famille de mafieux. Le parrain Corleone chute pour avoir refusé une proposition d’un clan rival qui lui proposait de s’associer en trempant dans la drogue, présentée comme l’avenir du business des gangsters. Corleone terrassé sur un lit d’hôpital, c’est son fils Sonny qui prend la relève. Très différent de son père, tête brûlée, impulsif, il est vite mis hors circuit. C’est alors au tour de Michael (Al Pacino) de prendre en main les affaires de la famille avec le soutien de son père qui s’est rétabli. Nous assistons à la transformation de ce jeune homme au départ destiné par son père à la politique. Il devient le nouveau Parrain. Lui, qui avait été tenu soigneusement à l’écart des « affaires » est comme un poisson dans l’eau. Comme son père, c’est un taiseux. Il est redoutable, il garde la tête froide. D’un regard, d’un geste impérial il se fait comprendre et obéir.


Cette transformation d’un garçon rangé en un Parrain redoutable est consommée dans deux scènes d’une grande force suggestive. D’abord la scène du baptême de son neveu dont il est le parrain. Au cours du dialogue rituel, il prononce les phrases du renoncement à Satan et à ses œuvres tandis qu’alternent après chacune de ses réponses les images de plusieurs assassinats qu’il a commandités et qui se déroulent pendant la cérémonie. La dernière est celle où il ment de sang froid à Kay sa femme qui l’interroge avec angoisse pour savoir s’il est responsable des meurtres dont l’accuse sa sœur et dont parle les journaux. Après qu’il ait nié, pétrifiée, elle le voit dans l'embrasure de la porte recevoir les hommages du baise-main en tant que nouveau Parrain. Le premier volet se termine sur cette glaçante investiture.


The Godfather comporte quelques scènes d’une grande violence, mais ce qui prédomine c’est le rapport entre les mafieux et à l’intérieur de chaque clan. Il reflète de manière suggestive tout un milieu fait de code d’honneur, d’allégeance, de violence psychologique sous couvert de protection. Un monde où chaque parole et geste pèsent, où le silence est roi, où les sous-entendus sont omniprésents. Le tout accompagné de la sublime musique mélancolique et lancinante de Nino Rota.

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le 3 janv. 2022

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abscondita

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