Quelle découverte stimulante que ce pacha énervé, policier sombre et efficace qui en moins d'une heure et demie réussit là où bon nombre d'outsiders jouant dans sa cour se sont plantés en beauté. Il faut dire que tous les ingrédients étaient sur la table pour concocter un poulet rôti à bout de patience plus que réussi. En guise d'épice surprise qui fait la différence, Gabin le magnifique inonde de son charisme chaque séquence du Pacha. Que ce soit par sa présence physique - peu nombreux sont les acteurs que l'on ne reconnait qu'à leur ombre - ou la fausse nonchalance typique qui le caractérise, il fait main basse sur le film dès sa première apparition, ouvrant les hostilités de sa voix grave reconnaissable entre mille.


Il faut dire que le larron est servi par sieur Audiard, grande plume du cinéma français dont on ne saurait trop vanter la percussion. Nombreuses sont les répliques qui, par leur ton acerbe et ironique, arrachent un sourire alors que l'ambiance générale du Pacha est très sombre. C'est assez génial de voir l'équilibre qu'arrivent à atteindre Lautner, Gabin et Audiard en associant la gravité de leur sujet à des dialogues fleuris mais faussement légers : dans leur signification profonde, ils ne sont pas moins violents que le contexte qu'ils servent.


Le pacha c'est également une bande son envoûtante qui repose essentiellement sur une instru du requiem pour un con de Gainsbourg. Utilisée à toutes les sauces, elle finit de compléter la bobine pour en faire un petit bijou d'harmonie : fond et forme ne pourraient être mieux appareillés au coeur d'une mise en scène servie par les cadres audacieux qui ont contribué à bâtir la belle, et méritée, réputation du Pacha. Difficile en effet de ne pas se laisser charmer quand sa photographie se perd dans la poésie des basses lumières : toutes les séquences importantes du film témoignent d'une minutie maniaque à ce niveau. Le dernier acte notamment, dans la sucrerie désaffectée, est éclairé par un oeil exercé et capturé par une caméra rigoureuse qui opte pour des plans larges afin d'exploiter jusqu'à l'os un lieu propice aux jeux d'ombres.


Alors si vous n'avez toujours pas succombé au charme de ce vizir au phrasé hypnotique, il est plus que temps de céder à la tentation. Le pacha est assurément une sacrée bobine qui saura vous réconcilier avec un cinéma français qui peine tant, aujourd'hui, à retrouver l'authenticité qui habitait ses plus belles réussites sans couleur.

oso
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le 21 sept. 2017

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