James Mangold s'est illustré au fil de sa carrière éclectique comme un réalisateur polyvalent capable de s'attaquer à n'importe quel sujet tant son expérience technique égal aujourd'hui les plus grands. Suffisamment pour pouvoir s'attaquer à un projet qui devait au départ revenir au maître Michael Mann, l'adaptation d'un livre traitant des coulisses très méconnus autour de la rivalité entre les concepteurs Ford et Ferrari qui a culmina lors des 24h du Mans 1966.


Mangold possède une mine d'or pour pouvoir traiter de tous les aspects humains et techniques de la compétition automobile tout en faisant un parallèle sur les relations compliquées entre les exécutants et les corporations misant sur eux. Et si on peut lui reprocher d'être trop transparent sur ce propos-ci, il l'en exploite toute les directions jusqu'à en faire naître de nombreuses interprétations.


A cet effet, le réalisateur ne laissera aucun doute sur le fait que les rapports de force rythment la conception d'une machine révolutionnaire entre ceux capables de la comprendre et ceux souhaitant l'utiliser à diverses fin.
Christian Bale et Matt Damon incarnent et dévoilent une humanité qui transparaît au milieu de mécaniques physiques et abstraites. Les deux pilotes ne vivant que pour la vitesse, la sensation de vivre une expérience unique réservée à ceux prêt à vivre le risque de leur métier. Collaborant de concert pour créer l'outil ultime de leurs fantasmes. Mangold les dirige de façon à rappeler que derrière ces machines hautement sophistiquées, le rapport humain est déterminant, pour tout d'abord les comprendre comme personne, puis en exploiter toutes les capacités, voire les dépasser. La légendaire Ford GT40 en devient presque un personnage se transformant au même rythme que ses créateurs. A la fois objets de passion et incontrôlable.
Sans perdre de vue la hiérarchie dans laquelle toute cette mécanique se déroule, Mangold équilibre ça avec les pontes de la Ford Motor Company. Gardant toujours en tête le point de vue financier et publicitaire de la boîte qui mise gros sur la nouvelle voiture.
Entre ces deux philosophies fondamentalement opposées, c'est le conflit.


Mais il ne faut pas croire que le film n'est qu'un pamphlet contre les corporations qui brident les exécutants innocents. Mangold prend même un grand soin à apporter le plus de nuances possible afin d'éviter de faire sombrer son film dans le manichéisme puéril.
Là apparaît Henry Ford II qui se trouve dans les deux versants du conflit. Le rôle titre incarné par Tracy Letts se trouve être le centre de l'histoire. Devant maintenir la bonne conduite commerciale de l'entreprise familial mais aussi permettre à ses employés de l'élever à son plein potentiel. Se confrontant tout d'abord à Enzo Ferrari pour sauver sa compagnie puis lançant réellement l'histoire par la conviction de prouver sa valeur. C'est en jouant sur ces ces sentiments là que Shelby et Miles le convainc (dans une scène drôle illustrant très bien l'enjeu émotionnel de la compétition), en même temps que les pontes le ramènent de leur côté en lui rappelant les impératifs financiers de son entreprise folle.


Ainsi, avec tout le bagage en main, la fameuse course tant attendue bénéficie de toute les thématiques pour être à la fois prenante et jouissive. Formidablement mise-en-scène et montée, la séquence du Mans 66 met à l'épreuve chacune des faiblesses des personnages et conclut tous les arcs en segmentant la course par diverses péripéties à haute vitesse, le tout rythmé par une très bonne bande-originale fonctionnelle par Marco Beltrami.


Après avoir été témoin de l'issue de la course, le spectateur est libre de faire toutes les interprétations qu'il souhaite sur comment le fonctionnement de cette industrie de rêve a pu mener jusqu'à ce dénouement. Entre cynisme ou choix assumé d'en faire partie pour partager une certaine gloire au public. James Mangold rappelle avant tout dans du pur cinéma que derrière cette mécanique se cache aussi une étincelle humaine qui ne peut prendre la route que grâce au travail d'équipe, dans la course automobile comme au cinéma.

Housecoat
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le 24 nov. 2019

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