"La saveur des Ramen" réussit un tour de force: si le film nous plonge au cœur du Japon et de Singapour, dans un quotidien différent de celui de la France, il parle le langage de l'estomac, le langage des tripes, commun à tous. Dans un cadre proprement dépaysant, il fait écho à nos expériences les plus familières.
Une importante partie des dialogues est en anglais, car les personnages ne parlent pas forcément la même langue, le japonais ou le mandarin. Pourtant, l'absence d'une langue commune n'est pas une impasse. Goûter une gorgée de bouillon ou inhaler une concoction et voilà, tout est dit. La cœur se livre moins grâce à l'alcool que grâce à un plat mijoté pendant des heures. Dans un festival artistique et poétique, la nourriture arbore ses lettres de noblesse. Elle est don de soi, message, réconciliation.
Il est troublant de voir comment cette histoire, qui se déroule entre le Japon et Singapour, a une valeur personnelle. On se souvient de la saveur d'un certain gratin de pâtes, de la senteur d'une certaine tarte aux pommes.
Il est troublant de voir comment cette histoire, celle d'une famille déchirée, a une valeur universelle. Elle est aussi celle de la seconde guerre mondiale, qui a touché le Japon et Singapour, et que l'on tend à méconnaître, les programmes d'histoire étant centrés sur les pays occidentaux.
Avec ce film, notre rapport à la nourriture et au temps est bousculé. Comme une invitation à retrouver un régime équilibré entre nos questionnements et les contingences du monde que l'on doit digérer. Il ouvre notre appétit, assurément, et aussi sur le monde. Le mélange des saveurs, c'est le mélange des cultures. Le bruit des étales du marché et le calme du foyer ; la dextérité pour hacher les oignons et la patience pour faire mijoter le bouillon. Tout est mesure et tout doit s'équilibrer, telle la préparation du Ramen teh.