LA LETTRE INACHEVÉE (1960) de Mikhaïl Kalatozov
Ce remarquable long métrage souvent oublié entre les deux monumentaux "Quand passent les cigognes: (Palme d’or 1957) et "Soy Cuba" (1964), se révèle dans son écrin inédit en 4K (restauration par Mosfilm cinema concern) un film èpique de survie particulièrement singulier
Inspirée par la nouvelle éponyme du romancier Valéri Ossipo, cette saisissante fresque tragique suit le destin d’une jeune troupe de géologues (trois hommes et une femme) à la recherche de gisements de minerais au cœur de la taïga sibérienne. À partir d’une intrigue simple à la narration épurée, le film propose un exemple frappant de l’idéal communiste, par le biais du sacrifice individuel pour le bien commun de l’État soviétique.
Ce récit limpide agrémenté d’aventures amoureuses et de rebondissements épiques offre surtout l’occasion de retrouver le vertigineux langage cinématographique du réalisateur.
Deuxième collaboration avec le remarquable chef opérateur Serguei Ouroussevski, les mouvements d’appareils retrouvent d’emblée une maestria peu commune, et les flamboyants plans-séquences, contre-plongées, se succèdent comme autant de défis à la gravité pour illuminer de multiples beautés le nihilisme de l’épopée.
Cette sensationnelle œuvre formaliste creuse ses racines ethnographiques dans le passé documentariste du metteur en scène, et s’inspire des audaces avants-gardistes visuelles du cinéma soviétique des années 20 de façon encore plus spectaculaire.
Chaque séquence coupe le souffle, emportée par une inventivité créatrice formelle impressionnante pour illustrer (de manière parfois un peu trop démonstrative) chacune des vibrations de cette jeunesse sacrifiée au sein de cette nature impitoyable, métaphore du régime politique.
Une œuvre poétiqur exaltante dont l’immense Andreï Tarkovski trouve l’influence de son admirable "L’enfance d’Ivan" (1962). Une pépite à extraire de l’oubli pour notre bonheur cinéphile commun.