Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? King-Kong ?

Plus de vingt ans après la naissance de ce colossal chef-d'oeuvre, je ne cesse d'apprécier chaque nouvelle immersion avec autant de terreur que d'admiration. Le génie de Spielberg me terrasse comme lors de mes premières visions crédule et infantile du film.


John Hammond (Richard Attenborough), à la fois âme insatisfaite par son expérience précédente du cirque de puces et individu débordant d'une ambition sans limite, va tout mettre en oeuvre afin que l'illusion devienne réalité grâce à sa nouvelle attraction : Jurassic Park. Il va tenter de convaincre et persuader chacun des privilégiés qu'il convie sur Isla Nublar, son île proche du Costa Rica, afin d'obtenir l'accord en amont pour la dévoiler au monde entier et assouvir ses desseins puérils. Sa phrase favorite, "j'ai dépensé sans compter", qu'il répète fièrement va avoir une incidence dévastatrice par la suite pour ses proches.


Après la visite appétissante de l'enclos des raptors, chacun va faire part de son opinion sur cette illumination rocambolesque.


Le docteur Alan Grant (Sam Neill), paléontologue aux méthodes archaïques, nostalgique face à la technologie, est impressionné par les créations d'Hammond mais émet quelques réserves quant au danger de ces dernières. Il va prendre le temps de se poser les bonnes questions en admettant qu'il est impossible de prédire les interactions futures entre l'homme et le dinosaure séparés de plusieurs dizaines de millions d'années d'évolution.
Sa collaboratrice et amie intime, le docteur Ellie Sattler (Laura Dern), va le soutenir en soumettant que la nature va chercher à se défendre violemment si elle se sent menacée.
Le docteur Ian Malcolm (Jeff Goldblum), chaoticien par excellence, use de ses théories pour affirmer que le projet d'Hammond va vite se retrouver hors de contrôle. Pour lui la vie trouve toujours son chemin et ce n'est pas en jouant à l'apprenti sorcier qu'on va se mettre en travers de sa route et la dompter. Il se demande de quel droit disposent Hammond et sa clique de scientifiques pour en arriver à un tel manque d'humilité en face de la nature. Il va même jusqu'à rétorquer que la découverte de John n'est qu'un viol envers la nature.
Reste Donald Gennaro (Martin Ferrero), qui va soutenir leur hôte dans sa mégalomanie, n'y voyant qu'un banal intérêt financier. Cette vieille sangsue d'avocat se voit déjà faire fortune avec les visites anticipées du parc à des tarifs exorbitants.


Les personnages secondaires n'en demeurent pas moins mémorables.
Robert Muldoon (Bob Peck), le garde chasse personnel de John Hammond qui apparaît dès les premières images du film, la caméra en contre-plongée s'avançant vers lui en fait un archétype de badassitude, impassible, tenant fermement son fusil à pompe, incollable sur les vélociraptors, ses bébêtes fétiches.
Ray Arnold interprété par Samuel L. Jackson au look de scientifique déluré. Vêtu d'une blouse blanche, d'une paire de lunettes ringarde et fumant clope sur clope, cet accoutrement lui attribue une personnalité fort sympathique.
De son côté, Dennis Nedry (Wayne Knight), grossier geek obsédé par l'argent, s'occupe du codage des infrastructures du site mais joue double jeu en tentant de voler pour vendre au plus offrant des embryons de dinosaures. Mais sa vénale démesure va très vite tourner au vinaigre pour lui comme pour nos acolytes.


S'ensuit alors une série de catastrophes ininterrompues, à la fois viscérales et spectaculaires, sous un cyclone diluvien.


On commence à ressentir un indescriptible malaise dès la mise en route de la visite guidée du parc menacée par une tempête imminente. Quelque chose ne tourne pas rond. L'atmosphère lourde est chargée d'une tension moite. Les dinosaures demeurent terrés comme s'ils manigançaient sournoisement un mauvais coup. Réactions en chaîne et malchance vont jouer en défaveur des personnages, jusqu'au moment où... C'EST LE DRAME !!! N'ayant pas eu le privilège de découvrir l'oeuvre avec toute son intensité lors de sa sortie en salle obscure, je m'imagine, enfant, vivre une des scènes les plus magistrale jamais créée au cinéma.
Tout commence par une vague secousse faisant trembler la terre au lointain. Ce grondement bref mais lancinant, se rapprochant distinctement à chaque nouvel uppercut sismique fait monter en moi une peur paralysante. Spectateur impuissant, j'assiste alors à un cataclysme. Le gigantesque et cauchemardesque Tyrannosaure déchaîne son courroux avec un rugissement surpuissant et tonitruant. En effet après l'éternité le séparant de notre époque, ce théropode de 12 mètres de long nous fait comprendre qu'il n'a rien perdu de sa nature première. Ce prédateur à la férocité inouïe n'épargnera personne, allant même jusqu'à s'attaquer à Lex (Ariana Richards) et Tim (Joseph Mazzello) les petits enfants de John, dépassés par la situation mais néanmoins courageux.


La suggestion est un atout majeur dans ce film. Affichés par quelques bribes au début, les dinosaures vont progressivement se dévoiler par le biais des visages abasourdis et inquiétants des acteurs, des bruitages, des vues subjectives. Le "pas qui fait trembler la terre" évoqué par l'ondulation de l'eau est absolument traumatisant !
Les effets spéciaux sont bluffants. L'alternance judicieuse d'images de synthèses sur les plans d'ensemble et d'animatroniques sur les plans rapprochés, rend le réel et le factice quasi indiscernables. Si bien qu'on est plongé indubitablement aux côtés des survivants qui essaient tant bien que mal de sortir de ce pétrin.


Mélange de genres sur fond éthique intelligemment nuancé, le film met en scène avec brio, des plans qui déboîtent, des répliques cultes, des personnages au charisme sans précédent, un humour noir utilisé avec parcimonie, la frayeur à son paroxysme, des ambiances angoissantes, des scènes d'anthologie... Et que dire des thèmes musicaux aussi triste et mélancolique qu'homérique, interprétés par le somptueux John Williams.


Spielberg nous projette dans un véritable survival horror cinématographique subtilement dissimulé derrière l'extraordinaire aventure, avec un casting restreint mais efficace à souhait. L'intrigue principale à huis clos qui se situe sur une île sauvage, emprisonne notre équipe de savants à la merci de créatures dénuées de raison dans un safari mortel dont ils sont les cibles. Le fait que les personnages doivent constamment fuir la menace omniprésente en courant et se cachant, sans arme ni défense ni aucune aide venant de l'extérieur, renforce cette idée angoissante.
Certes, on pourra trouver à redire sur les incohérences, les anachronismes en pagaille confrontés aux faits imaginaires de notre histoire. Mais bon sang ! C'est du cinéma ! Qui plus est, on baigne carrément dans la science-fiction alors permettons-nous ces absurdités insignifiantes qui ne viennent en rien tâcher une fiction de cette ampleur.


Malcolm avait raison ! La vie ne peut pas être contenue, la vie prend le large, la vie conquiert de nouveaux territoires, elle renverse toute les barrières, c'est parfois pénibles, c'est parfois dangereux, mais c'est comme ça. La vie trouve toujours un chemin !


Le film laissera au fil du temps son empreinte de pas indélébile, au même prix que la découverte d'un fossile qu'on se doit de montrer au grand jour.

Freddy_Krudette
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le 25 avr. 2014

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Freddy_Krudette

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