« Jus - rassis – queue ». Park.

Une chose sur Jurassic Park. Il est loin d’être le film « commercial » dont tout le monde parle à n’en plus finir. Steven Spielberg s’est montré adroit avec cette oeuvre intergénérationnelle connue comme le loup blanc, en cela qu’il a anticipé avec une certaine assurance toute la commercialisation, la médiatisation insurpassable ainsi que la vente de produits dérivés autour du film, en le pointant du doigt …dans le film.

Le logo du parc est partout, son très populaire squelette de Tyrannosaure sur ce fond rouge sang vif, « annonciateur de malheurs » se trouve scotché sur les portes de jeep, sur les casquettes, les jouets, un peu partout. Faux film commercial donc, qui rit des limites et dérives qu’entrainent la libéralisation extrême et le battage médiatique systématique de ce genre de blockbuster très bon marché. Quand l’avocat de John Hammond fait des plans sur la comète, cyniquement, en parlant de forfaits à la journée - coutant la peau du sexe – dont pourrait bénéficier les « clients » pour visiter le parc, Ian Malcolm (Jeff Goldblum) dénonce le manque d’humilité devant cette puissance de feu dinosaurienne, cette révolution scientifique d’avant-garde, post-darwiniste. Spielberg réglait-il ses comptes avec ses producteurs arrivistes et véreux ? L’homme créateur d’émotions, souvent décrié, reconnu du monde cinéphilique uniquement depuis « Minority Report » (2002), est capable (évidemment) d’un certain recul sur son œuvre.

Le film n’est pas si exceptionnel, il est un concentré foutraque d’images mémorables et de moments un peu plus pompeux. Les scènes pédagogiques sur « comment faire un dinosaure ? » un peu gonflantes ne sont pas si inintéressantes bien que manquant de rythme en réalité, cependant elles possèdent au moins le mérite de nous faire rêvasser sur la possibilité de concevoir réellement des dinos, notamment avec ce côté « documentaire », donc un brun réaliste, présentant des scientifiques essayant d’extraire du sang de moustique pour en arriver à l’objectif souhaité.

L’ayant vu récemment, je peux affirmer qu’il est une chose à voir au
cinéma, c’est bien l’entrée en scène fracassante du T.Rex. Cette succession de séquences toutes plus incroyables les unes que les autres ont sciemment été étudiées pour n’être vues que sur grand écran, provocant l’effet escompté au spectateur de cinéma. Le champ / hors-champ que Spielberg utilise intelligemment pour faire exploser les émotions du spectateur est une chose qui doit être notée : il est génial quand il use de ce procédé typiquement cinématographique et il le sait. Le professeur Grant (Sam Neil) est dans une jeep, est tranquille et se laisse promener. La jeep s’arrête, Grant hallucine, ouvre la bouche, jette son chapeau, se lève, enlève ses lunettes car il « n’en croit pas ses yeux » au sens propre. On ne voit pas ce qu’il voit, mais cela procure déjà une émotion forte. Le jeu des acteurs nous aide à éprouver la peur, la tristesse, la surprise, la joie, la colère. Grant détourne la tête du Dr Sattler (Laura Dern) qui à son tour voit « la chose hallucinante » en hors-champ, et c’est alors que Spielberg dévoile enfin, en « champ », c’est-à-dire dans le « champ » de la caméra, la vision majestueuse du brontosaure. Une jeune fille crie, mais on ne voit pas ce qui la fait crier (bien qu’on s’en doute un peu) / le plan qui suit ne montre qu’une grosse patte du T.Rex qui fait trembler la terre et les eaux.

Et pour une fois la 3D sert le film et n’est pas un gadget superflu dans l’air du mauvais temps. La tête du T.Rex en gros plan qui sort de l’écran, ça vaut son pesant d’or. Les effets spéciaux ont très bien vieilli et ne sentent pas le moisi. Le jus d'adrénaline ressenti lors des pures séquences d'action qu'on nous offre sur un plateau d'argent n'a rien perdu de sa superbe, c'est du bon pain qui est loin d'être rassis. Réussite visuelle, ces vélociraptors vicieux et charognards, des vautours reptiliens aux grosses griffes battant le sol au rythme de leur souffle de cheval. Dans la cuisine, dans le musée, dans une remise, dans la jungle, ils suivent les protagonistes à la trace comme des chiens qui sentent les trous de balles de pékinois.

Et j'me marre encore plus des conneries de Malcolm élucubrant sur sa théorie du chaos. Et en version française SVP! - du coup, j'me demande c'que ça vaut en VOSTFR?
Errol 'Gardner

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8

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