L'exemple type d'un film auquel un second visionnage est essentiel à l'appréciation. Contrairement à beaucoup d'autres ils ne s'agit pas d'une question de meilleur compréhension mais plutôt d'accepter que le film ne nous offrira pas tout à fait ce que semble nous promettre la forme dans laquelle il s'inscrit partiellement.
Sa bande-annonce indique un film noir, loufoque, drôle, rythmé et effervescent... Et au premier visionnage on constate qu'il est bien tout cela, mais jamais de la manière à laquelle on s'attend, ce qui désarçonne suffisamment pour que, si l'on ajoute une narration partant un peu dans toutes les directions, le spectateur puisse se retrouver passablement éjecté de l’œuvre.
Alors que c'est peut-être justement là tout le génie du film, à l'image de l'écriture de ses personnages, que l'on cerne pour la plupart dès les premiers instants suivant leur apparition, et resterons fidèles à cette impression tout en parvenant à nous surprendre continuellement, bien souvent pour la plus grande souffrance de nos muscles abdominaux.
Les codes des différents genres dans lesquels il s'inscrit, en particulier le néo-noir, subissent un traitement similaire, à la fois respectés et transgressés à longueur de film, la plupart du temps dans le même mouvement. Ainsi la voix-off n'a de cesse de parler de la paranoïa et l'incompréhension de Doc, lui parlant souvent à lui même, jusqu'à carrément prendre forme humaine pour véritablement discuter, les moments de tensions se prennent pour la plupart les pieds dans le tapis, amorcés ou désamorcé par l'absurde comme le burlesque, et les essentiels personnages badass sont systématiquement risibles, aussi paumés que tout le monde dans cet univers paranoïaque ensoleillé.
Bien que n'ayant que très peu lu de bouquin de Thomas Pynchon il me semble que son ton y est retranscrit avec une certaine fidélité. Ton auquel s'ajoute celui d'un Paul Thomas Anderson travaillant sur une base collant particulièrement bien à son rythme, ainsi qu'à son amour de la rupture et du contrepoint.
En bref si comme moi vous aviez éprouvé un sentiment de déception face à ce film sans pour autant trop lui en tenir rigueur, redonnez lui sa chance. Il fait un bien fou, peut-être pas en tant que polar, ce qu'il est pourtant, à sa manière, mais comme une galerie de personnages délicieux tous plus givrés les uns que les autres, que l'on découvre en suivant un Joaquin Phoenix impérial en looser privé. Si jamais vous pouvez en plus profiter de la sortie de Licorice Pizza pour l'attraper dans l'une des quelques salles programmant les précédents PTA vous aurez tout gagné.