Le temps de la réhabilitation pour (God)zilla ?

Bien que l'on puisse attribuer la véritable origine du genre "kaijù eiga" au King Kong de 1933 (film américain mais qui a rencontré un très grand succès au Japon) et au film Le monstre des temps perdu de 1953, le premier Godzilla paru en 1954 et ses très (très) nombreuses suites constituent réellement l'explosion de ce genre à part entière qui verra apparaître d'autres créatures devenus populaires au Japon comme Mothra ou Gamera.


Reprenant de nombreuses idées du Monstre des temps perdus, créature préhistorique réveillée par un test nucléaire, Godzilla ne servait pas uniquement de "réponse japonaise" au grand Kong, mais également, et surtout, de "thérapie" pour le peuple nippon traumatisé par les bombardements d'Iroshima et de Nagasaki. Godzilla reflétait ainsi cette peur constante de la bombe atomique et en était directement une incarnation vivante, ce dernier semant morts et destruction et pouvant lui aussi tout brûler via son souffle atomique.
Si la thématique du nucléaire sera toujours présente, elle vas néanmoins peu à peu s'estomper au fil des films, la licence tombant alors dans le grand public familial avec un Godzilla devenant le sauveur de la Terre signant ainsi "l'apaisement" (à défaut d'autre mot) des japonais vis à vis des bombardements. Si le style "kaijù familial" a ses nombreux fans, il faut bien reconnaître que le seul intérêt réside dans le fait de voir un ou plusieurs acteurs en costume de monstre gesticuler et détruire de belles maquettes.
Il faudra attendre 1985 pour qu'un soft-reboot apparaisse, ramenant la créature sur des rails plus sérieuses....mais retombera finalement dans les mêmes travers avec les films suivants.


Au début des années 90, la société de production TriStar, une filiale de Sony Pictures, obtient les droits auprès de la Toho-société créatrice et détentrice du personnage- pour mettre en chantier un Godzilla américain.
Après plusieurs refus de différents réalisateurs, parmi lesquels Roland Emmerich et Joe Dante, (tandis que Terry Gilliam et Tim Burton furent envisagés) le projet finis entre les mains de Jan De Bont, réalisateur du gros succès Speed ....et de sa malheureuse suite..
Le réalisateur souhaite alors un film proche des opus japonais, dans lequel Godzilla affronterait une créature mythologique (le Griffon) et en avait en tête Bill Paxton et Helen Hunt pour les rôles principaux. Mais suite à de nombreux désaccords entre le réalisateur et la production (notamment sur des question de budget) De Bont claque la porte, et s'en ira réaliser Twister , film catastrophe avec... Bill Paxton et Helen Hunt.


Tout ceci étant déjà bien assez long venons en au fait, le film finis entre les mains du premier à avoir refusé...Roland Emmerich, qui avait décliné l'offre notamment parce qu'il trouvait les films originaux trop grotesques et ridicules. Il finira par accepter en voyant les travaux de Patrick Tatopoulos sur le redesign (approuvé par la Toho) du monstre mais aussi parce que le réalisateur, voulant alors mettre en scène un film sur fond de météore frappant la Terre, s'est fait couper l'herbe sous le pied par les sorties d' Armageddon et Deep Impact .
A l'époque, Roland Emmerich a rencontré le succès avec Universal Soldier et Stargate et s'apprêtent à exploser avec la sortie d' Independance Day .Les gens de chez Sony/TriStar vont avoir tellement confiance en lui, que le film coûtera finalement plus cher que ce qu'il aurait du coûter du temps de Jan De Bont..(Rien que la campagne marketing sera colossal.)
Malheureusement, bien que rencontrant un joli succès au box office, les critiques du film seront plutôt mitigées, les fans de Godzilla scandalisés, et le film se traîne depuis une réputation à la fois de mauvais Godzilla et de mauvais film de monstre.. Mais est ce bien le cas ?


GODZILLA 1998: CRITIQUE


L'un des principaux reproches que l'on peut aisément faire au film, c'est sa direction d'acteurs et ses personnages, Matthew Broderick en tête (heureusement qu'en VF il est aidé par le très bon Jean-Pierre Michael). Notre Jean Reno national est en roue libre mais son charisme aide à faire passer le tout. En revanche, Maria Pitillo est vite irritante, et on se demande pourquoi ce n'est pas le "héros" Nick Tatopoulos qui a mis fin à leur relation.
Bien que la plupart des personnages soient finalement assez clichés et très typés "90's", ils restent assez haut en couleur et sans doute moins fadasses que ceux de la version-plutôt réussie- de Gareth Edwards sorti en 2014 si l'on s'amuse au jeu des comparaisons.
Un autre gros soucis du film réside dans sa seconde partie, ou le métrage subit une baisse de rythme et lorgne beaucoup trop et dangereusement vers un plagiat de Jurassic Park les mini-Godzilla ressemblant à s'y méprendre aux Velociraptors et la vu de Godzilla pourchassant nos héros rappelant le dernier tiers du Monde perdu . Mais pour autant, ces "baby Godzilla" sont ils réellement une idée plus grotesque qu'affubler Godzilla d'un fils géant tout mignon ressemblant à Denver le dernier dinosaure avec le personnage de Minilla ? Pas tellement.


Mais le cœur du problème, celui pour lequel le plus grand nombre s'accorde à dire que cette version est si mauvaise, c'est Godzilla lui même..
La créature préhistorique quasiment invulnérable et inarrêtable laisse la place ici à un lézard géant subissant les dégâts des armes humaines et passe plus de temps à fuir et se cacher qu'autre chose. Pire pour les fans, Godzilla se voit retirer son souffle atomique au profit d'un souffle "gazeux" capable d'embraser les éléments alentours.
Pourtant, le cœur même de ce qu'est Godzilla, ce qu'il doit représenter, est présent...mais disons... mis à jour.
Au lieu d'être un "cousin" du dinosaure réveillé par une explosion nucléaire, le Godzilla de Roland Emmerich est un iguane muté par les essais nucléaire français du Pacifique de 1995.
Sans doute d'avantage inspiré par King Kong (qui lui même a inspiré Godzilla..la boucle est bouclée), la version 1998 est un animal qui se retrouve dans un monde qu'il ne connaît pas et se retrouve traqué malgré lui par les humains (Emmerich ira jusqu'à reprendre la mort du Kong version 1976 pour la fin de son film). Plutôt que d'incarner métaphoriquement la bombe atomique, le Godzilla de Roland Emmerich représente plutôt la culpabilité des humains: c'est par la faute de l'Homme et de ses essais nucléaires si il est tel qu'il est, et tout au long du film, on se rend compte que finalement, celui qui fait le plus dégâts au sein de Manhattan...c'est l'humain et sa puissance de feu.
Certes, c'est complètement éloigné du concept de "dieu destructeur" original, mais ça n'est pas moins stupide qu'une incarnation de la bombe atomique qui se retrouve transformé en sauveur de la Terre dans les films suivants ou qu'un monstre préhistorique ayant provoqué destruction et tsunami avant d'être acclamé par la foule au sein du même film (Godzilla 2014).
Le film conserve donc (à sa sauce certes) le fond du Godzilla classique...c'est sur la forme et dans son exécution qu'il est finalement différent.


A côté de ça, le film propose des effets spéciaux fort réussis, non seulement pour l'époque mais qui encore aujourd'hui peuvent avoir leur petit effet. La musique de David Arnold est plutôt réussie sans toutefois égaler la musique originale de Akira Ifukube ni celle d'Alexandre Desplat pour la version 2014.
Au final, le Godzilla de Roland Emmerich est il si mauvais que ça ? Sans être son meilleur film, ni le meilleur film de monstre géant américain, le métrage reste malgré tout un bon divertissement dans lequel se dissimule plus de messages qu'on ne pourrait le croire.
Est il un bon Godzilla ? Là en revanche, c'est beaucoup plus discutable selon ce qu'on en attends...les fans de combats fun et idiots entre deux monstres caoutchouteux brisant des maquettes ne peuvent clairement pas y trouver leur compte..


La version de Gareth Edwards, plus proche des films originaux et plus réussi d'un point de vue filmique, à lui d'avantage plu aux fans du célèbre kaiju en dépit de personnages plats et séquences autant voir plus clichés que le film d'Emmerich (en plus de tarder à montrer son Godzilla, optant plutôt pour un teasing ascendant).
Sa suite réalisée par Michael Dougherty et parue en 2019 a rencontré moins de succès, aussi bien critique que commercial, mais semble avoir plus de popularité que la version 1998, notamment du aux présences de nombreux kaijù classiques tels que Mothra, Ghidorah ou Rodan.
Paradoxalement, et de façon presque amusante, Godzilla II: king of monsters ressemble plus à un film de Roland Emmerich (notamment 2012 ) que le véritable Godzilla de Roland Emmerich.
Finalement, pour retrouvé un "vrai" Godzilla moderne, "réaliste" et fidèle à l'esprit du film original, il faut se tourner vers son pays d'origine avec la sortie en 2016 de Shin Godzilla (ou Godzilla Resurgence ) mais son aspect ultra politique et presque documentaire peut en rebuter plus d'un(e).

JulienPetit
6
Écrit par

Créée

le 15 avr. 2020

Critique lue 180 fois

Bat Juju

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