Bruce LaBruce est un artiste canadien connu pour sa représentation de l'homosexualité particulièrement trash, malgré une bonne dose de sentiments. Son dernier film était LA Zombie, avec la superstar du porno François Sagat (Homme au bain), dans la lignée de son 'culte' Otto or Up with Dead People avec des zombies gay. Parmi ses autres perles underground, LaBruce compte The Raspberry Reich, farce sur les activistes queer et communistes ; et surtout Hustler White, sa consécration grâce à un fist-moignon.

En 2014, LaBruce change de costume et s'engage dans les circuits traditionnels, avec un film calibré à cette fin. Gerontophilia se passe donc d'exploits trash et est visible sans risques par l'ensemble du public, en tout cas sur le plan esthétique. Il secoue néanmoins de profonds tabous en présentant un jeune homme, Lake, préférant à sa copine les charmes de messieurs octogénaires. LaBruce ne tire jamais son sujet vers la vulgarité ou l'outrance, flirtant même avec la bluette conforme, charmante et légère.

C'est les acteurs qui ont changés. Lake est présenté comme une sorte d'ange gardien, avec une libido différente. Il se coule dans les attentes des autres, avec application, sans traîner la moindre toxicité. Il est tellement dans le don de soi, si pur et égal, que son amie le qualifie de « saint ». Le prix de cette sainteté est une absence de volonté manifeste, de besoin de dominer son existence : pour autant Lake n'est pas éteint, il vit sa vocation et pas seulement ses désirs, eux-mêmes reliés à cette vocation et ce sens intrinsèque de la mission.

Au lieu de présenter un passionné ou une espèce de fétichiste, LaBruce fait de son personnage un bienfaiteur. Lake est loin de toutes tentations excentriques ou d'une curiosité charnelle appuyée. La Bruce a toujours représenté l'homosexualité de façon inhabituelle et provocatrice, peu compatible avec le gay lisse politiquement adéquat ni le gay tapageur politiquement exalté. Cette vision-là, plus spécifique, est à la hauteur de sa réputation.

Elle est surtout largement plus efficace que les autres, puisqu'insérée dans le monde commun, racontée avec des formes conventionnelles (sans devenir lénifiante) et donc normalisée. LaBruce, qui se moquait si mal des anarcho-queer dans Rapsberry en crapotant à leur niveau supposé, avance maintenant comme un réformateur ; pas de revendication, juste des illustrations saines d'orientations extraordinaires. Il se donne maintenant une large visibilité et peut devenir autrement dérangeant : un peu comme John Waters après Hairspray, sauf que lui était au-delà de toute quête d'insertion sociale ou de banalisation de ses joyeux monstres.


http://zogarok.wordpress.com/2015/01/02/dernieres-seances-2014/

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le 31 déc. 2014

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