Lake, 18 ans, sort avec une fille de son âge mais éprouve une fascination et une attirance pour les hommes âgés. Dans la maison de retraite où il travaille, il ne tarde pas à s’éprendre de M. Peabody, un pensionnaire de 81 ans…

Faites le test autour de vous en relevant les sourires narquois, mines interdites ou commentaires graveleux que l’énoncé du synopsis et du titre de Gerontophilia suffiront à susciter. Peut-être vous-mêmes aurez vous réagi ainsi. D’autant plus que, si vous êtes familiers du cinéma punk/porn/trash de Bruce LaBruce, vous savez qu’il ne redoute jamais de titiller/perturber/choquer le spectateur. Qu’il glisse sa caméra du côté des prostitués de Santa Monica Boulevard à L.A. (Hustler White), filme un zombie qui ramène les morts à la vie avec son membre viril (L.A. Zombie) ou mette en scène une révolutionnaire berlinoise luttant contre « l’opium du peuple » qu’est l’hétérosexualité monogame en poussant ses hommes à coucher entre eux (The Raspberry Reich), il ne se borne pas à la demi-mesure. Or, le réalisateur canadien fait son retour avec un film d’une étonnante douceur, plein de tendresse, qui se révèle comme son oeuvre la plus grand public. La force de son propos ne se dilue pas pour autant dans la mièvrerie ou le consensus timide. Gerontophilia est un film engagé qui parle de la manière dont les sociétés occidentales traitent les personnes âgées en les reléguant dans des maisons de retraite lorsqu’ils deviennent trop dépendants. Par la même occasion, il prend à rebours l’obsession du jeunisme et la vénération des corps sculptés, si fréquentes dans la communauté gay où, passé un certain âge, les plus vieux sont condamnés à une certaine invisibilité.

Sexy Gandhi.

La transgression dans Gerontophilia est douce comme le sourire qui illumine le visage de Lake. LaBruce nous invite à emprunter le regard de ce jeune homme qui observe les vieux messieurs avec une convoitise gourmande. Ralentis, gros plans charnels, oeillades complices : les têtes grisonnantes deviennent objets de désir. Il faut alors tout considérer d’un oeil neuf en adaptant notre vue à l’univers de Lake. L’immense portrait de Gandhi qui s’élève au-dessus de son lit prend ainsi un sens beaucoup plus sexuel que pacifique. C’est cette malice, cette ironie joyeuse, que LaBruce met à l’oeuvre tout au long de ce beau film romantique. Il parvient à rendre ce fétichisme, et cette histoire d’amour, complètement évidents, en reléguant au second plan toute idée de jugement moral. Parce qu’il y a des choses qui ne s’expliquent pas (d’ailleurs, LaBruce s’affranchit des étiquettes, ne cherchant jamais à assigner une orientation sexuelle à son héros, qui passe d’une relation hétéro à une romance homo). Le cinéma de LaBruce est parcouru de figures révolutionnaires, Lake est indéniablement l’une des plus puissantes (parce qu’il refuse de se renier et s’assume sans concession) et la plus angélique (on ne cesse de le comparer à un saint). Son coeur est sa seule arme. Aussi tendre que caustique, aussi pudique qu’osé, aussi rieur que mélancolique, Gerontophilia est une réussite.
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le 28 mars 2014

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