Haneke n'assume pas son film et travestit son propos via un discours faible et donneur de leçons, jouant des artifices moralisateurs pour masquer le fond du film.


D'autres s'y sont essayé auparavant, avec un peu plus d'humilité, bien que souvent moins de classe cinématographique.
Car Haneke est un bon cinéaste. Audacieux.
Certaines scènes ici évoquent autant la tension de certaines scènes de Bergman tendance Cris et Chuchotements que la facilité et la malhonnêteté de Lars Von Trier dans Dancer in the Dark (film que j'aime au demeurant, et réalisateur que j'admire la plupart du temps, malgré certains aspects de sa filmographie qui m'énervent ou me fatiguent).
Il est facile de se laisser bluffer, le film est un électrochoc, une lente torture vécue tant par la famille que par le spectateur, pour une grande partie en temps réel, l'effet est saisissant.
Une utilisation extrêmement intelligente du montage et du silence, avec je trouve un coté poseur malgré tout.
La scène du rewind est à mon sens plus ridicule et "gadget" qu'autre chose. (quand j'en vois crier au génie pour cette ruse de cours d'école en mode "je te vois pas tu me vois pas, miroir magique, plus que tout l'univers, et en vrai ça s'est même pas passé alors hein!", ça me fout la boule au ventre)
Mais bon, tout ça pour dire que finalement, ma colère ne vient pas fondamentalement du film que je trouve bon malgré pas mal de choses que je lui reproche.
C'est le discours de Haneke sur sa démarche qui m'écoeure.


Torture Porn est un terme qui regroupe des films d'horizons différents mais qui ont en commun un rapport "pornographique" à la violence et au sadisme. Porno dans le sens où les images appellent au voyeurisme le plus bas du spectateur.
Ce dernier est choqué, écoeuré, bien sûr, mais il est aussi dans une attente malsaine du pire.


Bon nombre de films se croisent donc dans cette zone du cinéma, de Hostel aux dérives sadiques de Cannibal Holocaust, en passant par Dancer in the Dark, les films d'exploitation des 70's comme l'impressionnant et indéfendable I Spit On Your Grave aka The Day Of The Woman (dont un remake a été tourné il y a peu), l'excellent Thriller aussi appelé They Call Her One-Eye ou le célèbre Last House on the Left de Wes Craven, trois exemples qui se trouvent être aussi ce qu'on appelle communément des Rape & Revenge movies (l'étiquette est assez explicite pour ne pas épiloguer).
Certains se sont timidement réfugiés derrière des discours analogues à celui de Haneke, donc à présenter le film comme des critiques de la violence par la violence, destinés à confronter le spectateur à l'insoutenable l'horreur pure pour le pousser à se questionner, dépasser la séduction de la violence en la poussant assez loin pour dépasser la limite du spectateur, ce genre de trucs.
D'autres, dans une démarche plus digne, à la manière d'un Hubert Selby Jr. (l'auteur du génial et insoutenable roman Last Exit to Brooklyn), ont préféré assumer leurs films.
Ce sont ces derniers que je respecte.
Quoi que dise Haneke, ce film est un torture porn fait par un bon réalisateur qui comprend le medium de l'image.
Les ficelles utilisées ici, masqué par une pseudo digne démarche, restent les mêmes que celles d'un quelconque Saw, pour citer autre chose qui me met la nausée pour d'autres raisons que les images proposées.
On reste dans le spectacle, quel que soit l'artifice intellectuel utilisé pour légitimer un film poseur.


Ca ne m'a pas empêché d'apprécier le magistral Ruban Blanc du même Haneke, ou encore Caché.
Mais surtout le Ruban Blanc, qui m'a ébranlé tant par l'ambiance, le mystère, la tension, l'horreur qui règne dans ce film, que par la magnificence de l'image, maitrisée parfaitement, offrant des plans à mettre les larmes aux yeux tant ils sont puissant visuellement (l'école allemande de Dreyer (prolongée par le suédois Bergman entre autres) est une bonne école, et la référence visuelle à ce dernier est nette).

toma_uberwenig
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ahhhh presque oui, mais non : les films qui auraient pu...

Créée

le 7 avr. 2011

Critique lue 5.8K fois

58 j'aime

35 commentaires

toma Uberwenig

Écrit par

Critique lue 5.8K fois

58
35

D'autres avis sur Funny Games

Funny Games
Sergent_Pepper
7

Eye can’t get no Satisfaction

(contient des spoils) Quelques années après son film, Michael Haneke expliquait en entretien qu’il regrettait qu’il soit devenu culte pour de mauvaises raisons. Thriller réputé pour sa violence...

le 25 mai 2020

64 j'aime

4

Funny Games
Gaor
10

Vous n'auriez pas des oeufs ? C'est pour la voisine.

Ce film ne peut se regarder sans un décryptage. Car lorsqu'on a compris qu'Haneke joue avec ton rapport à l'image, ton incapacité à t'en extraire et sa facilité à te choquer, faire de toi une...

Par

le 19 mai 2010

62 j'aime

5

Funny Games
toma_uberwenig
3

Moralisation et malhonnêteté

Haneke n'assume pas son film et travestit son propos via un discours faible et donneur de leçons, jouant des artifices moralisateurs pour masquer le fond du film. D'autres s'y sont essayé auparavant,...

le 7 avr. 2011

58 j'aime

35

Du même critique

Invasion Los Angeles
toma_uberwenig
8

Debord décrypté par un ex-catcheur

C'est de loin la meilleure, la plus claire explication possible de ce que Debord essaie de nous faire comprendre dans la Société du Spectacle. Bon, d'accord, les extraterrestres et les lunettes...

le 1 avr. 2011

84 j'aime

12

The Wicker Man
toma_uberwenig
10

Come. It is time to keep your appointment with the Wicker Man.

S'il n'en restait qu'un, ce serait celui-ci, presque sans hésitation. Et je profite du fait que ce soit le 1er mai, date au centre de l'intrigue du film, pour me décider à en parler. Tout commence...

le 1 mai 2011

74 j'aime

27

Si tu tends l'oreille
toma_uberwenig
8

Le temps retrouvé

Si vous abordez ce film avec les faux espoirs instillés par la bande annonce d'être confronté à un conte surnaturel, vous serez déçu. Et ce serait dommage, le film ayant beaucoup à offrir à ceux qui...

le 4 mai 2012

67 j'aime

3