Sous couvert d’un certain voyeurisme assumé, l’œuvre d’Haneke semble lui échapper, dépassée par l’abondance d’une violence fortuite au possible.

  • Le triste drame social qui habite le cinéma d’Haneke voit sa limite dans Funny Games dont la scène d’ouverture en contre plongée semble déjà être un désaveu complet tant par sa copie conforme à l’ouverture de Shining qu’à son usage excessif de musique classique. Le cinéaste semble chercher tout au long du récit à recréer la forme dissertative de son cinéma sans jamais parvenir à en faire émerger le fond. Par sa volonté de désuet la totalité des images, celui-ci ne fait qu’en assener la gratuité, extraient de toute réflexion possible car parsemées d’un formalisme intellectuel.
  • Là où dans Benny’s video l’image s’inscrivait dans une multiplicité esthétique et esthétisante au drame social apparent, Funny Games n’en n’use que faiblement par l’incorporation des personnages dans un huis-clos à l’allure de réalité virtuelle. Séduisant dans le traitement des images choquent, le cinéma d’Haneke est bien plus fort lorsqu’il ne se fonde pas sur la violence comme modèle mais comme support.
  • Cherchant à transcender certains codes cinématographiques tel que l’interpellation directe du spectateur, Haneke ne parvient à décrocher chez celui-ci qu’un agacement face au manque de subtilité narrative. Construisant l’ensemble de son récit sur le jeu et la manipulation, les codes de l’horreur sont quant à eux respecter voir même enrichie par quelques scènes de silences et d’angoisses bien maîtrisés mais trop difficilement justifiés, face à une absence de discours, délaissé au profit d’une violence gratuite et perverse.
  • Trop souvent servis par un accomplissement théorique, chaque film du cinéaste se voit être la parabole d’un questionnement existentiel face à un défaut d’humanité. Ici dépourvue de véritable développement, (si ce n’est ces quelques répliques lassantes sur le jeu mis en place par les tortionnaires,) celui-ci n’est qu’une naive partie de jeu.
  • Dès lors le voyeurisme ne peut justifier cette représentation excessive de violence car le spectateur se plait à regarder ce que son auteur a avec plaisir conçu.
  • On saluera malgré tout la faculté qu’à Haneke de mettre en scène l’espace et de l’habiter par la gestion totale des pièces et de leurs recoins, point d’orgue de son cinéma (voir Amour, La pianiste). Instaurant une macabre mise en scène aux jeux décuplés, la conclusion du film maudit restera la même : la forme en est remarquable mais le fond désolant.
Hugo_lesc
5
Écrit par

Créée

le 13 août 2023

Critique lue 9 fois

Hugo_lesc

Écrit par

Critique lue 9 fois

D'autres avis sur Funny Games

Funny Games
Sergent_Pepper
7

Eye can’t get no Satisfaction

(contient des spoils) Quelques années après son film, Michael Haneke expliquait en entretien qu’il regrettait qu’il soit devenu culte pour de mauvaises raisons. Thriller réputé pour sa violence...

le 25 mai 2020

64 j'aime

4

Funny Games
Gaor
10

Vous n'auriez pas des oeufs ? C'est pour la voisine.

Ce film ne peut se regarder sans un décryptage. Car lorsqu'on a compris qu'Haneke joue avec ton rapport à l'image, ton incapacité à t'en extraire et sa facilité à te choquer, faire de toi une...

Par

le 19 mai 2010

62 j'aime

5

Funny Games
toma_uberwenig
3

Moralisation et malhonnêteté

Haneke n'assume pas son film et travestit son propos via un discours faible et donneur de leçons, jouant des artifices moralisateurs pour masquer le fond du film. D'autres s'y sont essayé auparavant,...

le 7 avr. 2011

58 j'aime

35

Du même critique

Yannick
Hugo_lesc
7

Rhinocéros

« Un théâtre où on ne rit pas est un théâtre dont on doit rire » Bertolt Brecht Dans une unité du cadre, Quentin Dupieux parvient à composer avec la mise en scène théâtrale toujours desservie par un...

le 7 août 2023

7 j'aime

3

Un vrai crime d'amour
Hugo_lesc
9

Ville à coeurs ouverts

Abordant de nombreuses problématiques qui habitent alors le cinéma italien des années 70, Luigi Comencini réalise ici l’une des plus grandes œuvres du cinéma post néoréalisme. Dans les années 70, les...

le 16 août 2023

5 j'aime

1

Barbie
Hugo_lesc
3

Lost in false dreams

L’immense publicité qui accompagnait la sortie du film de Greta Gerwig laissait déjà présager la réussite commerciale de son film. Casting cinq étoiles, de Margot Robbie à Will Ferrell en passant par...

le 20 août 2023

5 j'aime