Les farces anar du tandem Delepine / Kervern sont devenues un rendez-vous régulier du cinéma hexagonal : à chaque opus son lot de vannes dévastatrices envoyées un autre responsable du déléter air du temps. En même temps colle à l’actualité de campagne électorale en s’attaquant à la politique, qui sera forcément locale pour les anciens de Groland.


L’idée foutraque consiste à coller littéralement deux maires que tout oppose, en les obligeant à évoluer ensemble. Comme souvent chez le duo, les conventions d’écriture ne sont pas totalement abandonnées au profit du grotesque, et l’arc général patine parfois dans la facilité. L’exposition accumule un certain nombre de clichés, que ce soit pour faire le portrait du parfait salopard sexiste, raciste et tapant volontiers dans la caisse (Jonathan Cohen s’en donne évidemment à cœur joie), ou de son futur acolyte écolo idéaliste et empêcheur de consommer en rond. Il en ira de même pour le dénouement, assez convenu et s’autorisant de poussives leçons de morale et de maturité humaniste dont on pouvait se passer. Entre temps, tout le monde en aura pris pour son grade, fidèlement à un titre qui reprend la rhétorique prétendant dépasser le clivage droite/gauche pour n’épargner personne et ne pas s’enliser dans un programme idéologique. Les droitards, les opportunistes et les capitalistes concentrent certes la part belle des attaques, mais leurs opposants (écolo et féministes principalement) n’échappent pas à la satire, englués dans les contradictions de certaines radicalités.


Mais ce n’est pas sur cette fonctionnalité de la démonstration qu’on attend les compères, qui ne sont jamais aussi bon que lorsqu’ils s’attellent au détail de leurs séquences. Le comique s’épanche dans l’arrière-plan et l’intrusion d’idées foutraques, comme ce karaoké monosyllabique (« Bé ») ou un affichage en dehors de la zone de netteté où le prix de l’essence grimpe à une vitesse vertigineuse. En flirtant avec le film à sketches sans s’embarrasser de vraisemblance, les réalisateurs invitent les copains pour la foire aux caméos, entre Yolande tenancière de bordel, Thomas VDB en dresseur équestre des candidats à l’amble ou François Damiens pour une logorrhée répétitive d’une saveur imparable. La situation grotesque de la fusion des corps est aussi souvent exploitée avec un vrai sens comique, notamment dans la leçon de golf ou la fausse interpellation sur le capot d’une voiture. Si les motifs d’indignation et de découragement sont toujours les mêmes face à un monde qui ne tourne pas rond au point de faire de l’écologie un argument de déforestation à des fins capitalistes, il reste toujours la possibilité chercher les derniers motifs d’en rire, tel un ornithologue en observation des espèces en voie de disparition.


(6.5/10)

Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Politique, satire, Vu en 2022 et Vu en salle 2022

Créée

le 13 avr. 2022

Critique lue 862 fois

30 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 862 fois

30

D'autres avis sur En même temps

En même temps
Virgule1
8

O tempora, o mores !

Dans le carcan actuelle de la comédie française, difficile de faire rire tout en tentant la satire sans se vautrer dans le mauvais goût: une décennie de Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu? et de ses...

le 9 avr. 2022

16 j'aime

5

En même temps
Moizi
7

J'ai ri, mais moi je voulais chialer !

Effacer l'historique m'avait assez déçu, ça me faisait l'effet d'un film de vieux qui ne sont plus en phase avec leur temps (bon c'est un peu toujours ça le cinéma de Delépine et Kervern : des anars...

le 12 sept. 2022

12 j'aime

En même temps
Caine78
4

En même temps, je n'en attendais pas grand-chose

J'aime bien les « personnes » Benoît Delépine et Gustave Kervern, et si j'en avais l'occasion, je serais ravi d'aller boire un verre avec eux. Vraiment. Mais comme réalisateurs, j'ai beaucoup de mal,...

le 3 sept. 2022

11 j'aime

1

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

765 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

701 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53