Nous savons que chez Lynch l'artifice renforce l'émotion du spectateur, qu'une importance aux détails est là pour donner du sens et qu'un de ses thèmes fétiches concerne bien sûr les corps.
Qu'ils apparaissent sans âme en tant que cadavres (on pense à Laura Palmer omnisciente malgré ce corps sans vie dans Twin Peaks, puis réssucitée pour Fire Walk With Me), mais aussi possédés (Red Lodge), souvent Lynch nous montre des corps et des âmes qui suivent chacun leur route.
Sauf dans Elephant Man qui réunit en un personnage les deux concepts pour nous montrer comment l'esprit va vers le sens.Effectivement il fallait alors travailler sur un corps abominable, il fallait aussi situer l'action en période de mutation, la révolution industrielle propice aux troubles et faire de ce film une narration classique hyper maitrisée.
Là où l'on fait bien trop souvent de Lynch ce réalisateur cérébral, on oublie trop souvent le cinéaste matérialiste, le peintre avant le réalisateur qui cherche à matérialiser l'image, donc même si l'on dit qu'Elephant Man est un classique il n'en demeure pas moins une oeuvre profondemment baroque avec sa galerie de personnages ambigus et ce noir et blanc de vérité qui renforce les émotions.
Jamais Elephant Man ne sera filmé en gros plan comme pour insister sur la banalité de la monstruosité.Film humaniste avant tout, Lynch nous dit qu'il ne faut pas stigmatiser les corps mais que le désir et la hantise de voir sont les vrais sujets qui embarquent le spectateur.Ainsi les apparitions de l'homme éléphant sont justement dosées car si on ne le voyait jamais ce serait bien sûr un film d'horreur.
N'en résulte pas moins que le triomphe de la beauté plastique au coeur même de l'ensemble du film comme tout film de ce cher Lynch.