La survie, une sacrée paire de Manche !

Après nous avoir emmené dans les étoiles et à l'autre bout de l'univers avec son chef d'oeuvre Interstellar, Christopher Nolan abandonne la science-fiction pour nous ramener sur Terre, ou plutôt en pleine mer, dans un film d'un tout autre registre mais du même calibre. Exit les vaisseaux spatiaux et les planètes lointaines. Exit le futur dystopique et le sentimentalisme. Le réalisateur du Dark Knight nous mène cette-fois ci dans la terrible réalité de la Seconde Guerre Mondiale.


Cette réalité nous est dépeinte avec un réalisme impressionnant et la volonté de Nolan est de nous plonger immédiatement dans le coeur de l'action, et ce, pour toute la durée du film. En effet, lors du visionnage, le spectateur ne se voit proposer aucune seconde de répit et reste scotché à son siège en permanence devant le déferlement d'action auquel il a droit.


Les hommes qui luttent pour leur survie ici n'ont pas d'histoire, nous ne savons rien d'eux, à peine leur prénom. Cette absence de background permet d'en faire des Messieurs Tout le Monde, des anonymes qui méritent tous le titre de héros tant ils sont courageux et résistants dans les épreuves qu'ils affrontent.


L'ennemi allemand n'est même pas montré, il se manifeste seulement par d'innombrables bombardements qui vont faire suer à grosses gouttes nos héros anglais. Cela permet de montrer que le danger peut venir de partout et se manifester à tout moment, et on doit l'accepter avec une certaine fatalité :


Ainsi, les hommes resteront immobiles et ne tenteront pas de s'enfuir lorsque la jetée sur laquelle ils se trouvent est bombardée.


L'idée de génie du réalisateur est d'avoir choisi de dérouler son récit selon trois timelines bien distinctes qui finiront par se rejoindre : ainsi, l'épisode de la jetée dure 1 semaine, celui de la mer 1 jour et celui dans les airs 1 heure. Ce rapport particulier au temps fonctionne à merveille et confère une certaine originalité à la narration qui est la bienvenue, cela m'a un peu rappelé Inception.


Que dire du casting sinon que tous les acteurs excellent dans leur performance ? Malgré l'absence de dialogues ou presque, ceux-ci s'illustrent par bien d'autres manières. Même Harry Styles, novice en la matière, m'a impressionné. Mais j'ai surtout adoré le jeune Fionn Whitehead, qui porte à lui seul une bonne partie du film sur ses épaules, et Cillian Murphy qui est un de mes acteurs préférés et que je trouve malheureusement très sous-côté.


Il n'y a qu'à voir le désespoir sur son visage lorsqu'il apprend que le bateau qui l'a repêché se dirige vers Dunkerque.


La bande originale d'Hans Zimmer, quant à elle, a été un peu critiquée car elle n'atteint pas la variété et la virtuosité de celle d'Interstellar. Néanmoins, je l'ai trouvée excellente et qu'elle se mariait parfaitement à ce qu'on voit à l'écran. En réalité, c'est le genre de bande originale qui touche à la perfection si on ne l'écoute pas séparément du film. Les morceaux tout seuls sont loin d'être excellents, mais lorsque ceux-ci accompagnent l'action, on est obligés de s'incliner et d'avoir des frissons devant cette association entre son et image.


La photographie est également superbe, si ce n'était pas un carnage qui se déroulait sous nos yeux, le film serait une parfaite publicité pour le Nord-Pas-de-Calais (ah mince, il faut dire Haut-de-France maintenant...), tant ses plages sont sublimées par la caméra. D'ailleurs, la première scène, la seule qui se passe dans les terres et non en pleine mer ou sur la plage, est particulièrement réussie et la photo ainsi que la réalisation y sont pour beaucoup.


Ce film est très différent des films de guerre tels qu'Il faut sauver le soldat Ryan ou le dernier en date Tu ne tueras point. Ici, il y a très peu d'effusions de sang et le gore est remplacé par une angoisse permanente sans que le danger soit palpable comme les combattants des troupes ennemies. Dunkerque est spectaculaire à sa manière, mais pas de la même façon que les films pré-cités. Nolan fait de la mer un ennemi à part entière qui remplace les soldats allemands et leurs fusils. De même, les bombardements sont totalement aléatoires et ne visent pas une personne en particulier. Pour ceux qui voulaient voir un film de guerre classique et des combats sanglants, passez votre chemin.


Dunkerque est de la trempe de ces films dont on ne ressort pas indemne. Difficile d'enlever de sa tête les images terribles qu'on a vues quelques temps après le visionnage. C'est un must-see pour tous les amoureux du cinéma et pas seulement pour les amateurs de films historiques (car ce n'en est pas un). Il s'agit d'un chef d'oeuvre de mise en scène, d'un chef d'oeuvre tout court.


Merci à Christopher Nolan de rendre ses lettres de noblesse au cinéma film après film. Il est le réalisateur actuel qui sait faire correspondre le plus ses films à la définition que je me fais du cinéma. Dunkerque vient un peu plus renforcer l'adulation que j'ai pour cet homme. Vive Christopher Nolan et vive le cinéma !

Créée

le 19 juil. 2017

Critique lue 3.1K fois

25 j'aime

8 commentaires

Albiche

Écrit par

Critique lue 3.1K fois

25
8

D'autres avis sur Dunkerque

Dunkerque
Sergent_Pepper
4

Sinking Private Nolan

Voir Nolan quitter son registre de prédilection depuis presque 15 ans, à savoir le blockbuster SF ou du super-héros, ne pouvait être qu’une bonne nouvelle : un écrin épuré pour une affirmation plus...

le 22 juil. 2017

200 j'aime

37

Dunkerque
guyness
4

Effets de Manche

J'ai pleinement conscience de l'extrême prudence, de la taille des pincettes qu'il me faut utiliser avant de parler sans enthousiasme excessif d'un film de Christopher Nolan, tant ce dernier a...

le 22 juil. 2017

178 j'aime

56

Dunkerque
Halifax
9

La Grande Evasion

La jetée, une semaine La mer, un jour Le ciel, une heure Trois lieux, de multiples histoires, un seul objectif : s'échapper pour survivre. Christopher Nolan ne s'embarrasse pas de contexte. Puisque...

le 18 juil. 2017

160 j'aime

8

Du même critique

Tenet
Albiche
8

Tenet bon (très bon)

Alors que sur les réseaux sociaux, la bataille cinéphilique qui opposait les plus fervents admirateurs de Christopher Nolan à ses détracteurs les plus motivés semble s'être enfin calmée, je ne peux...

le 26 déc. 2020

62 j'aime

16

Les Misérables
Albiche
8

Comment ne pas être un pitbull quand la vie est une chienne ?

Difficile de se sentir légitime d'écrire une critique sur ce film, quand comme moi, on a vécu dans un cocon toute notre vie, si loin de toute cette violence et de cette misère humaine si bien décrite...

le 26 nov. 2019

56 j'aime

8

Game of Thrones
Albiche
10

"That's what I do. I drink and I know things."

Ma critique ne comportera quasiment aucun spoilers et ceux-ci seront grisés, vous pouvez y aller sans risque si vous n'êtes pas encore à jour dans la série. Cette critique a été écrite avant que la...

le 28 août 2017

55 j'aime

32