Dragons avait marqué un virage important dans l’évolution de Dreamworks Animation. Le studio se détournait enfin de l’humour potache, épuisant et un peu vain de ses premiers succès (Shrek, Madagascar) pour afficher une nouvelle forme d’ambition narrative assumée et venir jouer clairement dans la cour des génies de Pixar. Dragons 2 marquera le moment où ils y sont parvenus. Sans copier la firme à la lampe, qui reste sans rival pour trouver l’alchimie entre un concept fort et des émotions brutes, Dan De Blois livre un film d’aventure magistral à la virtuosité technique et artistique sidérante, mais surtout au cœur gros comme ça.
Fresque sociétale (comment les Vikings et les dragons ont appris à vivre ensemble, la place du chef dans un clan) et familiale (la communication entre un père et son fils, l’absence de la mère) plus profonde qu’il n’y paraît, la saga Dragons dans son deuxième acte se concentre sur les rites du passage à l’âge adulte, sorte d’écho à la propre évolution du studio. Le ton se fait plus sombre, plus complexe. Il est temps pour Harold (magnifique personnage) de faire des choix et d’affronter son destin. Construit sur ces enjeux forts, mais classiques, DeBlois développe un scénario plein d’audace, dense et furieusement moderne, qui n’hésite pas à sortir du chemin balisé du film familial. En découle des moments de pur drama, intenses et sincères, vierge de tout cynisme, magnifiés par une mise en scène d’une élégance folle.
Les ballets aériens sont d’une fluidité saisissante, mais plus que la performance technique, c’est cette capacité à y ajouter à chaque fois une dose d’authenticité, de fondamentalement touchant, qui impressionne. Que ce soit l’éclatante complicité d’Harold et Krokmou dans leur première envolée, l’ampleur des combats, la vivante animation qui agite la grotte aux dragons, la plupart des scènes est parcourue d’un supplément d’âme assez miraculeux. En point d’orgue, l’apparition Miyasakienne de la mère, moment de grâce renversant de beauté et d’intensité.
Rarement (jamais ?) un film d’animation n’aura retranscrit avec autant de justesse les sentiments humains sur des visages virtuels. L’émotion transmise par ces regards animés a quelque chose de fascinant et de souvent désarmant. L’envoûtante musique originale aux sonorités celtes de John Powell et les chansons de Jonsi (Sigur Ros) finissent de sublimer la mise en scène de Dean DeBlois.
Si Dragons 2 n’oublie pas d’être drôle, grâce notamment aux personnages secondaires et à une intelligente utilisation de l’arrière plan, il se fait au final d’une étonnante gravité, quitte à dérouter son spectateur qui se surprendra à essuyer une petite larme qu’il n’avait pas vu venir. La poésie à la fois burlesque et déchirante qui en émane est d’autant plus frappante qu’elle est inattendue.
On fermera donc très volontiers les yeux sur quelques moments de flottements dans le récit pour apprécier pleinement la nouvelle et très belle maturité acquise par Dreamworks animation.

Dragons 2 est un pur émerveillement, à la fois dépaysant et audacieux, tout en se parant d’une ampleur dramatique rare pour un divertissement grand public. Visuellement parfaitement abouti, techniquement irréprochable, sa principale qualité réside cependant principalement dans le fait qu’il touche au cœur.
Touché, oui… Vraiment, c’est formidable Dragons 2.
Thibault_du_Verne
7

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Créée

le 21 nov. 2014

Critique lue 280 fois

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