Il s’agit moins ici de désigner un coupable – est-ce le réalisateur ? le studio ? – que de constater l’échec narratif et esthétique de Doctor Strange in the Multiverse of Madness, puisqu’à l’incohérence visuelle du projet s’ajoute le fait que nous n’y comprenons rien : le « multiverse » offre un prétexte au foutoir scénaristique qui ne prend même plus la peine d’articuler ses références hétérogènes mais satisfait le fan prend les multiples allusions à la mythologie des Avengers pour des signes d’intelligence et de culture générale. Il n’en est rien.


Ce que nous avons sous les yeux n’est pas une œuvre à part entière, seulement la convergence oxymorique de deux trajectoires opposées. D’une part, l’ambition industrielle de la maison Disney qui souhaite construire une mythologie de pacotilles qui s’écoule en productions interchangeables et en produits dérivés ; d’autre part, la synthèse d’un geste, celui de Sam Raimi dont la filmographie se voit grossièrement décalquée, sans innovation aucune. Le nom du cinéaste confère un semblant de qualité à une souris milliardaire qui a perdu tout sens créatif et qui conçoit ses projets en cochant des cases. De cette union voit le jour une chimère boiteuse et souffreteuse : les pattes d’un pachyderme, la tête d’un dragon qui aimerait tout détruire sur son passage, le corps tendu entre ces deux aspirations incompatibles. Les segments horrifiques, qui rappellent que Raimi sait concevoir l’horreur, échouent à se greffer à une histoire abracadabrante, tout à la fois creuse et retorde, au sein de laquelle les tunnels de dialogue nous endorment et les retournements de situation nous font rire, puis partir.


La partition musicale que signe Danny Elfman est elle aussi en pilotage automatique, reprenant des thèmes développés pour d’autres films. Un ratage de plus dans le paysage désolé du blockbuster contemporain.

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le 7 mai 2022

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