En adaptant Dersou Ouzala, le récit autobiographique écrit par Vladimir Arseniev, Akira Kurosawa narre l'improbable rencontre et forte amitié entre un autochtone sibérien et un topographe russe au début du XXème siècle.
Kurosawa prend son temps pour mettre en place et conter cette rencontre entre un explorateur effectuant des relevés topographiques dans une région alors méconnue des russes et un sibérien errant dans ses terres qui va d'abord lui servir de guide. C'est d'abord et pour chacun, la découverte d'un mode de vie et de pensée totalement différent, notamment pour les russes "civilisés" qui vont peu à peu faire connaissance avec Dersou, vivant en osmose avec la nature et se servant de ses redoutables talents de chasseurs pour vivre. Il mènera l'expédition dans ses contrées peu connues et permettra à Arseniev d'en sortir indemne. Et ce sont les retrouvailles qui viendront, celles qui verront les rôles s'inverser et qui montreront la vraie amitié qui se sera forgé au fil du temps et l'attachement qu'ils auront acquis l'un à l'autre.
C'est après cinq ans sans cinéma et dans une période difficile sur le plan privé qu'Akira Kurosawa revient avec Dersou Ouzala où il démontre à nouveau tous ses talents, notamment pour mettre en avant le contexte et les personnages et en faire ressortir la puissance et les émotions. Il filme les sublimes contrées de la vallée de l'Oussouri comme personne, à l'image des magnifiques séquences de tempête de neige ou de traversée de fleuve, et elles font corps avec l'âme des personnages et cette amitié qui prend peu à peu forme. Les tableaux humains qu'il dépeint permettent de nous attacher aux deux personnages et les thématiques de la nature, du respect, de l'amitié et des visions du monde sont toutes bien traités, sans lourdeur et en parfaite harmonie avec le reste.
Kurosawa maîtrise son art à la perfection et sait prendre le temps nécessaire pour rendre son récit passionnant. La construction du film est remarquable, sachant retranscrire avec justesse l'attachement qui va peu à peu se mettre en place entre les deux protagonistes. Il lui donne de la puissance et fait ressortir toute l'émotion des personnages et enjeux, tout comme il donne de la beauté et de la mélancolie à son récit comme en témoignage les nombreuses scènes se déroulant dans les régions inexplorées par les russes. Bénéficiant d'une justesse d'écriture et du talent de son réalisateur, Dersou Ouzala bénéficie aussi d'excellentes et justes interprétations, avec Maksim Mounzouk et Youri Solomine qui savent retranscrire l'émotion, l'humanisme et la profondeur de leur personnage.
Kurosawa se retrouve en terre soviétique après quelques années malheureuses sur le plan privé pour mettre en place une rencontre improbable et une amitié naissante. Il en fait ressortir toute l'intelligence, l'humanisme, la beauté et surtout l'émotion, tout en mettant en avant les magnifiques paysages des longues et froides contrées russes.