Dans la morosité d’un hiver pluvieux resurgit une enquête en eaux troubles, à la source d’un grand scandale sanitaire. Todd Haynes nous propose aujourd’hui Dark Waters, un plongeon dans les méandres d’arrangements destructeurs.


Habitué à défendre les grands groupes industriels travaillant dans le domaine de la chimie, Rob Bilott va devoir changer de camp, et s’intéresser au cas d’un fermier qui voit son bétail décimé par des eaux contaminées par une substance inconnue. Démarre alors une longue enquête qui va mener aux plus hautes strates de l’économie du pays, un combat guidé par l’obstination et l’opiniâtreté. Des films suivant ce mode de fonctionnement, nous en avons déjà vu beaucoup et, ne nous mentons pas, Dark Waters va largement dépendre des mêmes mécanismes. Toutefois, on est toujours surpris, malgré l’accoutumance, à s’intéresser à ces histoires, et notamment à celle-ci.


Dark Waters est avant tout un film bien raconté, qui parvient bien à poser les bases, à introduire des éléments d’enquête et d’intrigue en les plaçant dans un contexte, en les définissant et en les rendant compréhensible pour un public qui ne serait pas forcément averti. Aussi évidente cette condition soit-elle, elle est respectée par le film de Todd Haynes, qui parvient à embarquer le spectateur et à le mener sur une voie lui permettant de cerner tous les tenants et aboutissants de l’affaire. Dark Waters parvient à mettre en lumière tous les coulisses d’un véritable scandale sanitaire, tout en montrant l’obstination et la dévotion d’un homme, symbole d’une lutte pour des idéaux dans un monde qui n’en a plus. C’est l’exploration d’un but enfin trouvé, d’une recherche de vérité, comme, en se basant sur ces principes et sous une autre forme, La Communion, également actuellement en salles.


On ne pourra, cependant, ignorer le classicisme du film, sur la forme notamment, celui-ci prenant relativement peu de risques de manière générale, suivant un tracé dont nous connaissons déjà les principaux points d’intérêt. On relève cependant un certain recours à des éléments visuels pour créer une ambiance particulière, notamment dans la petite ville de Virginie Occidentale, baignant dans un bleu-vert sombre, comme si la lumière du soleil était quasiment occultée, dans une atmosphère de fin du monde. Dark Waters est un film qui parvient à s’extirper du purement factuel pour que sa cinématographie épouse le sujet, et l’alimente. Ce classicisme, donc, n’a rien de répréhensible, le film de Todd Haynes étant suffisamment bien ficelé et conçu de manière générale. C’est également un film qui s’intègre bien dans son époque, à l’heure où les préoccupations environnementales et sanitaires prennent de plus en plus d’importance dans les esprits, mettant en lumière la limite entre les considérations économiques et éthiques. Traditionnelle opposition entre David et Goliath, entre l’obstiné défendant les faibles et la grande firme qui joue avec et qui crée les règles, Dark Waters ne manque pas d’intelligence dans le traitement de ces rapports de force.


En définitive, même si la structure globale de Dark Waters, très habituelle, peut donner une sensation de déjà-vu, cette dernière est alimentée par une réelle volonté de faire du cinéma, qui rend le film aussi palpitant qu’il est passionnant par le sujet qu’il traite. Mark Ruffalo est, quant à lui, toujours au rendez-vous, très bien accompagné par Anne Hathaway, les deux acteurs se fondant dans ces personnages qui traversent les années alors que les dégâts réalisés par DuPont demeurent. Todd Haynes signe donc un film capable de ravir autant les curieux cherchant à en savoir plus sur ces événements, que les plus pointilleux, qui y verront un bon biopic, bien pensé et réalisé.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 6 mars 2020

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