Avec Dali, Quentin Dupieux renoue avec un cinéma d'ambition. Fini les comédies légères à la Yannick ou à la Daim, là on est au niveau de Réalité. Dali, c'est avant tout un grand n'importe quoi. Mais un n'importe quoi construit, ordonné, un fourmillement non chaotique d'idées foisonnantes, de divagations en mode exploration.

Sous une couverture de comédie burlesque et absurde, de film en forme de jeu cinématographique qui se suffit à lui-même, Dali est une exploration du temps. Temps du présent, temps distordu, temps du futur, temps du futur antérieur, temps du passé jamais passé, temps du conditionnel et du subjonctif plus que parfait. Dupieux utilise toutes les possibilités du cinéma pour faire, défaire et refaire, multiplier les points de vue, perdre l'histoire pour mieux la (les) retrouver. Dans tout ce fatras de scénettes alambiquées, quelques fils rouges qui permettent à chaque fois de ne pas perdre le fil de l'intrigue : Dali, bien sûr, la journaliste et sa quête de l'impossible entretien, le tableau hideux. Le film, voulu comme une ode à Dali, est sur ce point réussi : il est surréalise et rocambolesque à souhait, avec seulement quelques branches sûres qui permettent de ne pas perdre totalement pied - comme face à un tableau de Dali. Sans compter l'esthétique, absolument bluffante pour un Dupieux, à commencer par la première scène : un piano dans la garrigue duquel coule un flux d'eau continu. Film qui surplombe, film qui explore, film qui divague sans se perdre, Dali est un méta-film, qui boucle autant de boucles temporelles absurdes qu'il est humainement possible de mettre à l'écran. Et ce jusqu'à la fin du film, avec des films dans les films qui enchaînent la même scène pour s'achever enfin sur celle désirée par l'un des Dali.

Car il faut parler des acteurs. Si Anaïs Demoustier est parfaite en journaliste à moitié cinglée, l'originalité du film se situe dans les quatre acteurs qui alternent pour jouer un Dali du même âge. C'est un choix justifié au vu de la personnalité compliquée de Dali, mais risqué puisque la comparaison entre interprètes est alors très aisée. A ce jeu-là, c'est Edouard Baer et, étonnamment, Jonathan Cohen qui gagnent haut la main. Leur performance est remarquable, et malgré leur célébrité, ils arrivent à s'effacer derrière un Dali fantasmé et affriolant. Gilles Lellouche, qui peine à se débarrasser de certains de ses tics, et Pio Marmaï, avec un jeu plus neutre, sont pourtant loin d'être mauvais, mais un ton légèrement en-dessous.

Aujourd'hui, Dupieux est le seul à être suffisamment virtuose pour réaliser ce genre de film. Et je n'ai pas d'autres exemples en tête d'un film quasi-philosophique qui donne autant le sourire lors de son visionnage. Alors, par pitié, la prochaine fois, il faut faire un film plus long : 1h20 c'est beaucoup trop court, on en redemande !

Samji
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le 19 févr. 2024

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