Il y a des fois, on fait des choses irraisonnées, sans pouvoir s’expliquer pourquoi on les fait. A savoir regarder un film dont quelques personnes déjà vous ont dit que c’était nul à vomir et qu’ils préféraient encore se taper les 28 saisons de Joséphine ange gardien plutôt que de s’infliger à nouveau une telle torture. C’est donc un peu comme si je savais que la chose devant moi était de la merde mais que j’avais quand même envie de m’en approcher pour la renifler. Et dans le cas de Cosmic Sin, autant vous dire que je n’ai pas été surpris par l’odeur.


Pourtant tout ne partait pas si mal au début. Un petit fumet, un semblant de SF visuellement faible mais thématiquement ambitieuse. Je ne parle pas de la première scène du film où un couple tente de baisouiller en pleine nuit sous une tente de tombola alors qu’ils viennent à peine d’emménager sur une planète inconnue. Mais tout le restant de l’exposition du film est assez intrigant pour pousser le spectateur trop curieux à vouloir en voir plus. L’idée est de figurer avec peu de moyens une société humaine qui, 500 ans dans le futur, a pu coloniser l’espace grâce à la propulsion quantique, un moyen de voyager au-delà de la vitesse de la lumière et qui a permis la colonisation de bon nombre de mondes éloignés sans pour autant y trouver une seule race extra-terrestre. Alors qu’ils se préparent un petit plan cul sous leur tente, le couple de colons du début est attaqué par de mystérieux humanoïdes. La nouvelle a tôt fait de parvenir sur Terre où, à 1h du matin, le général Ryle (Frank Grillo) décide de convoquer James Ford (Bruce Willis), un ancien général renégat assimilé à un criminel de guerre, pour lui demander son petit avis. Celui-ci prône la prudence en cas de tentative d’invasion extra-terrestre et recommande la préparation d’une bombe quantique capable d’éradiquer toute une race et leur planète si jamais elle se révélait hostile. Ce qui, bien sûr, est le cas ici. Quelques minutes après, plusieurs colons humains reviennent sur Terre (par quels moyens ? ça, j’ai pas trop compris) et, contaminés par un mystérieux parasite extra-terrestre, attaquent la base militaire durant la nuit. Une fusillade plus tard, le restant des militaires décident de contre-attaquer sans attendre l’ordre de l’Etat-major et partent direct dans l’espace via la propulsion quantique (qu’une jolie brune met trente minutes à nous teaser) pour mettre un terme à la menace alien.


Alors vu comme ça, l’intrigue n’a rien de franchement originale, ni de vraiment honteuse il faut l’avouer. Les premières séquences du film feraient même presque croire à une adaptation officieuse du jeu Doom avec ce vieux général accusé de crime de guerre et que l’on vient chercher pour aider, cette base militaire emplie de soldats bad-ass dissertant en pleine nuit sur un conflit possible avec une espèce alien inconnue et ces décors industriels aux couleurs criardes et fluorescentes censées cacher la misère d’une production de SF low cost tournée à l’arrache. Vous savez, c’est la grande mode en ce moment dans les films futuristes bas de gamme : figurer le futur par le truchement de tout plein de couleurs fluorescentes qui, non seulement vous brulent la rétine, mais servent aussi à vous faire croire que le futur ressemblera à un immense décor industriel aux murs violets et rouges fluos et des effets de jeux vidéos. Le procédé était déjà l’apanage des nanards SF des années 90 (remember American Cyborg et ses abus chromatiques dignes d’un Batman Forever sous ecsta) et n’a visiblement pas changé trente ans plus tard. Le futur pour les réalisateurs de SF sans talent s’apparente en fait à un immense décor de rave party.


Bref, une fois l’arrivée des colons contaminés dans la base militaire, tout se casse rapidement la gueule. On aurait pu croire à une invasion alien qui aurait un minimum de gueule, on aura juste droit à une fille au mascara qui dégouline et crache sa salive empoisonnée à la gueule des soldats humains. A la pauvreté de l’idée s’ajoute une mise en scène d’une indigence telle qu’il devient évident que le réalisateur ne sait pas où placer sa caméra pour filmer correctement la séquence. Après ça, c’est l’escalade dans la nullité, la débâcle devant la caméra, la désertion-même du réalisateur derrière son combo. Les acteurs survivants enfilent tous une combi SF ridicule que même Paul W.S. Anderson ne voudrait pas dans ses films. Puis ils plongent dans l’hyperespace on ne sait trop comment via des CGI dignes d’une PS3, se crashent tous sur la planète des aliens sans se casser un doigt, et partent bourlinguer dans les bois pendant une bonne demi-heure en y croisant deux trois aliens encapuchonnés et une simili-Vasquez à tresses jaunes. Toute la seconde partie du film ressemble ainsi à un mauvais épisode de la série Stargate SG-1, à savoir que nos « héros » arpentent une planète forestière plus proche d’un bois tarnais en période automnale qu’une Endor aux arbres immenses et bourrée d’Ewoks. On se fait chier de manière indescriptible pendant trente bonnes minutes de vide scénaristique et pourtant quelque chose fait qu’on veut quand même voir la suite parce que le film garde encore ses mystères : Quelle est cette flotte de vaisseaux en CGI moisis attendant en orbite ? Qui sont les agresseurs encapuchonnés et masqués (des aliens sans visages ou des humains contaminés) ? Quel est l’intérêt de la scène de la grotte filmée n’importe comment où Bruce Willis voit le fantôme de ce qu’on suppose être sa défunte femme ? Où sont passés les aliens qui l’attendaient à l’extérieur quand il en ressort avec le jeune soldat ? Et surtout, surtout, à quoi sert le personnage de Frank Grillo, acteur bad-ass et talentueux, qui pourtant flotte ici comme un con pendant trois quart d’heure dans le vide spatial ? Mentionné en premier au générique devant Bruce Willis, Grillo apparait en tout et pour tout quatre minutes dans le film, disparait à mi-métrage façon Steven Seagal dans Ultime décision puis revient à la fin pour un sacrifice dont on ne comprend strictement rien.


On pourra critiquer le pauvre Bruce Willis pour ses choix de carrière récents (qui se résument à une longue série de films pourraves censés payer tout juste ses impôts) mais toujours est-il que le vieux McClane est le seul à porter le poids de ce navet de bout en bout, essayant même d’apporter une profondeur quasi-sophocléenne à son personnage de général dévoyé et vieillissant, accablé par le poids du remords depuis qu’il a ordonné le génocide de toute une colonie hostile. A travers lui, le scénario essaie même de disserter sur la notion de responsabilité des chefs militaires en temps de guerre et le poids de la culpabilité qu’ils doivent se trimballer tout le restant de leur vie. Un maigre effort de sous-texte qui se remarque à peine, noyé sous une tonne d’incohérences, de séquences ratées, de CGI du siècle dernier et de cadrages dégueulasses. Cosmic Sin est un péché cinématographique, voire véritablement cosmique, un étron flottant à la vue de tous sur le catalogue d’Amazon, et que ni Paul W.S. Anderson, ni Uwe Boll, ni même Christophe Lambert n’auraient jamais osé commettre.

Buddy_Noone
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le 20 août 2021

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