Conann
6.6
Conann

Film de Bertrand Mandico (2023)

On connait tous Conan. Guerrier descendu des collines de Cimmérie en quête de gloire, gladiateur, pillard, flibustier, et puis grand roi d'Aquilonie ! Héhé, oubliez les codes, Bertrand Mandico a une toute autre histoire à nous raconter !


Le film s'ouvre avec une vieille dame vêtue de blanc, dans une salle épurée et brillante semblable à un cabinet médical. Là, elle fait la rencontre de Rainer, humanoïde au visage canin avec un appareil photo autour du cou. Il invite alors la femme à rencontrer Conann, reine de la Barbarie. Assise sur son trône au milieu de mille richesses, elle nous conte son histoire.

Ce qui semble être à première vue un film de fantasy un peu plus barje et stylisé que la moyenne, s'avère en fait être un tout autre produit, un véritable camélon des genres aussi bien badass que brutal, autant que glamour qu'immonde. C'est une oeuvre qui se découpe en plusieurs phases, chacune avec ses règles et ses propres codes esthétiques.


Partant de jeune fillée kidnappée par d'impitoyables Amazones, Conann devient rapidement une femme assoifée de vengeance, d'amour et de haine. D'abord guerrière, puis sex-symbol, femme fatale et impératrice des arts, ce qui a commencé comme un récit de vengeance dans un univers de dark-fantasy s'achève comme un film biographique cauchemardesque.

Le nom de Conann n'est pas choisi par hasard. C'est évidemment une référence (presque parodique) au personnage imaginé par Robert E. Howard, mais en tournant l'image du guerrier musculeux et sauvage vers le symbole de la femme moderne, fougueuse et au look alternatif. Exit la quête épique à base de serpents et de magiciens, on est là pour dénoncer !


J'avoue ne pas avoir compris l'oeuvre dans son intégralité. Enfin, je pense qu'on peut tous interpréter le film à son échelle, avec sa vision des choses même si il est évident que le réal veut nous conter quelque chose de précis.

Conann est un film sur la femme. La femme dans un monde matériel, où l'image compte plus que tout. La femme est vue comme prisonnière d'un pacte démoniaque qui peut s'apparenter au monde de la mode et du consumérisme, soi-disant élue, elle s'avère en fait être aussi bien victime qu'héroïne de cette histoire. Chaque étape de la vie de cette fille de guérisseuse enlevée par des sauvages peut-être traduit dans notre monde banal. Le passage à l'âge adulte, le premier amour, la perte d'un être cher, le dédun pour le monde environnant, et la prise de conscience du pouvoir que l'on peut exercer sur la foule. Un "rise and fall" où l'idole ensorcelée devient elle-même sorcière.

Mais à quoi bon raconter ça dans un monde normal que tout le monde connaît ? Vous voulez pas plutôt des épées, des effluves de sang et des bagnoles futuristes ?


C'est une véritable claque esthétique. Le film mêle aussi bien les différents univers qu'il mêle les tons. Entre les décors de fantasy old-school, la crasse des ghettos et le minimalisme de l'art moderne, c'est une vraie galerie d'art qu'on dévore des yeux avec fascination et répulsion. Les environnements sont riches et deviennent immersifs grâce à de nombreux plans séquences.

Et bien sûr il y a toute cette violence, ce sang, ces entrailles, cette viande morte ou à l'agonie. La chair semble venir d'une oeuvre de Cronenberg, alors que la mise en scène et le noir et blanc pourraient sortir de l'esprit de Lynch. La chair est sensuelle, que ce soit le(s) corps de l'héroïne ou la peau que l'on tranche avec mille lames, cette chair donne envie, on ressent le besoin de la toucher de la sentir. Bref, toute une expérience sensitive qui peut aussi bien vous faire vomir que vous donner des étincelles plein les yeux (quelque chose cloche chez moi, je crois bien).


En somme, Conann a été pour moi une surprise totale. Sans même savoir à quoi m'attendre, j'ai été épaté par un conte de fée grotesque, sale mais aussi très beau et poétique. Un sandwich d'esthétique où le récit d'une vie à la Citizen Kane se mêle à la folie et à l'expressvité de l'art contemporain, une existence tragicomique et d'une violence sans pareille.


Et souvenez vous : entre l'amour et la haine, il n'y a qu'un pas.

Arthur-Dunwich
8
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le 5 déc. 2023

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6 j'aime

Arthur Dunwich

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