Le vent de fraicheur de l'époque des deux Deng et sa fin

甜蜜蜜 Comrades almost a love story dès son titre (original, pas le titre international qui n'a rien à voir et c'est un peu dommage), fait référence à une chanson 邓丽君 Teresa Deng, et ce n'est pas étonnant tant le film semble presque un hommage à l'impact que cette chanteuse a eu dans la culture Chinoise.


En prenant pour centre une histoire d'amour entre deux migrants Chinois, ce film réalisé juste avant la rétrocession aborde encore une fois la question de la migration et de l'identité Hongkongaise.


La première partie du film montre un Hongkong qui, malgré les mirages et les limites que l'on peut d'ores et déjà distinguer, est ce lieu de fantasme de réussite capitaliste, notamment pour les Chinois de la Chine des années 1980, en pleine politique d'ouverture (en utilisant parfois avec humour quelques détails précis comme les manières dont ceux de culture Cantonaise montrent qu'ils se sentent plus proche des Hongkongais que les Chinois du nord au point que selon la chercheuse Chu Yingchi les différences entre Hongkong et la Chine en deviennent quasiment des différences entre la "Chine du nord" et la "Chine du Sud"), propice à l'émergence de cette histoire d'amour. Une Chine dont pour résumer simplement, il se disait que « 老邓 le vieux Deng [邓小平 Deng Xiaoping] régnait le jour et 小邓 la petite Deng [la chanteuse Taïwanaise homonyme Teresa Deng/Deng Lijun, très souvent appelé Teresa Teng car c'est le système de transcription Taïwanais du même caractère et qui a eu un grand succès en Chine à partir de la politique d'ouverture de celle-ci et], la nuit »


Cependant, la deuxième partie montre peu à peu, à mesure que les personnages s'intègrent aux modes de cette ville, comment Hongkong est peu à peu démystifié, perdant ce statut de rêve des Chinois du continent de l'époque, de réussite sociale facile, où il faut vivre malgré par exemple les crises financières et le monde immobilier instable. Ainsi devenir Hongkongais semble presque dans ce film devenir peu à peu synonyme à rêver de quitter Hongkong pour un ailleurs occidentalisé, mais c'est aussi synonyme d'apparition de questionnements identitaires illustrées au détour des histoires d'amours contrariés de personnages ne sachant où aller.


« Tout le monde à Hongkong parle d'immigrer, (...) les Chinois du continent veulent tous aller à Hongkong, et les Hongkongais parlent tous de partir ailleurs ».


Finalement, l'équilibre entre culture Chinoise et influence occidentale est symbolisé par cette scène de retrouvaille qui réussit à sortir des happy end cliché de ce genre de film à nouveau du fait de Teresa Deng, point central des retrouvailles, même si elles paraissent bien funestes.


On peut toutefois reprocher au réalisateur 陳可辛 Peter Chan certains moments où les effets au piano sont un peu lourds ainsi que la mort d'un personnage qui est une ficelle scénaristique assez lourde pour mener aux retrouvailles et dont l’exécution est particulièrement ratée.


Malgré tout, c'est un film qui, même s'il reste léger avant tout, touche parfois juste. 张曼玉 Maggie Cheung y est irrésistible, incarnant parfaitement, dans son histoire d'amour avec 黎明 Léon Lai (ce dernier n'est pas en reste, même s'il crève moins l'écran... ou peut-être que c'est mon absence d'objectivité habituelle avec Maggie), les tourments identitaires de son personnage pris dans cette histoire, où comme le souligne Chu Yingchi plus l'aube de la rétrocession approche, plus une époque pour Hongkong semble être sur le point de se terminer et avec elle ce qu'elle pouvait représenter pour les Hongkongais et les Chinois du continent.

Noe_G

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