COMA commence comme une lettre audiovisuelle, avec des images illisibles, des sons indiscernables et des sous-titres sans paroles, dédicace, réflexion, adresse du cinéaste à Anna, sur l'époque actuelle (confinement, climat), sur le cinéma. Puis la lettre devient récit, Anna corps, l'époque image.

C'est l'histoire d'un rêve, mais de qui ? Qui rêve ? Anna, au premier abord. C'est elle qui voit dans ses jouets un soap opera en stop motion avec de cyniques et aléatoires rires enregistrés, c'est elle qui suit le compte de Patricia Coma, sa curieuse météo et son étrange jeu, le Révélateur, c'est elle qui se perd dans la forêt noire la nuit. Son pouvoir est celui de nous partager ces rêves. Donc, c'est le rêve du cinéma, puisqu'un film peut figurer le rêve. Agencement de sons et d'images, de lumières et d'ombres, de musiques et de silences, que la session de Zoom, réinventant le split screen, vient parfaire : voilà ce que c'est que le degré zéro du cinéma. Faire de tels choix de mise en scène, se défaire d'une chronologie apparente et d'une logique quelconque évidente, c'est un rêve de cinéaste. Donc, c'est Bonello qui rêve. De quoi rêve-t-il ? C'est une rêverie sur son art, sur son temps, sur l'avenir... Il rêve sa fille en animation, en prise de vue réelle, il rêve les films en stop motion, mais il cauchemarde. Le cynisme du montage de ces images avec (ou contre) ses sons, agrémente un regard sur le monde, moqueur, sans pitié. Aucune issue n'est possible, comme ces filles perdues dans la forêt, aucune liberté n'est envisageable, credo de Patricia Coma qui veut faire comprendre la vie à ses followers, tout se referme. Coma, c'est un microcosme, un univers unique. "Ça veut dire sommeil profond, ça a donné chômage." Tout est dit sur le ton du film. Le monde se retrouve au chômage, endormi, pendant que des images d'incendies, de glaciers qui s'écroulent, défilent lentement sous les yeux du public, qui ne peut pas s'endormir, trop intrigué, mais qui est pris dans la rêverie générale. Le monde est sous respiration artificielle puisque la nature n'existe plus. Le cinéma, par excès d'artifices, retourne à sa nature. Écologie de l'art, sobriété selon Bonello.

Alfred_Babouche
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le 28 mai 2023

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Alfred_Babouche

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