En guise de préambule, une petite légende amérindienne :


Un jour, Loup déclara que si quelqu’un mourait, il pourrait le ramener à la vie en décochant une flèche sous lui. Mais Coyote ne fut pas d’accord, car il pensait que ramener les gens à la vie était une mauvaise idée, il y aurait alors trop de monde sur terre et plus assez de place pour tous. « Non, dit-il, laissons les gens mourir, laissons pourrir leur chair et que leurs esprits s’en aillent emportés par le vent de sorte que seuls subsistent leurs os asséchés ». Loup finit par acquiescer, mais décida en secret que le fils de Coyote serait le premier à succomber. Ce qui arriva. Aussi Coyote vint bientôt retrouver son cousin pour lui apprendre cette triste nouvelle, et lui rappeler ce qu’il lui avait proposé : « les gens pourraient revivre si tu tirais une flèche sous eux. » Mais Loup rétorqua alors ce que Coyote lui avait répondu à propos des gens qui devaient mourir. Et il en fut ainsi…



I. To catch the feel of this night



The Mann expression


À l’origine de Collateral était une rencontre, écho lointain de celle que narre le film : le croisement de deux hommes, Stuart Beattie, Michael Mann, et leurs deux projets distincts. Du premier : The Last Domino, scénario tarabiscoté mais extrêmement bien structuré d’un film-concept qui, à une autre époque, aurait sans doute intéressé Alfred Hitchcock - on pense à Strangers on a train et à North by Northwest. Du second, l’envie de revenir à « un matériau linéaire et une pure fiction » (1) après deux films - trois si l’on compte The Aviator développé avec John Logan puis finalement refilé à Martin Scorsese - dont la complexité narrative et les sujets biographiques avaient réclamé de savantes architectures et un très rigoureux travail de documentation. D’un côté, donc, l’histoire d’un taxi new-yorkais contraint et forcé de conduire un contract killer lors d’une folle nuit où le temps, compressé, aurait le macchabée pour unité de mesure. De l’autre, le projet d’un cinéaste influencé par le « ciné-œil » de Dziga Vertov et souhaitant depuis longtemps retranscrire ce qui faisait au tout début du millénaire l’essence de l’expérience nocturne d’une ville unique : Los Angeles.


Une cité qu’à force de repérages pour divers projets concrétisés ou avortés, il était arrivé à connaître comme sa poche. Une cité, comme il l’explique dans le making of du film, dont il voulait aussi montrer « le côté sauvage sous la surface ». Et une cité enfin qui, jusqu’à il y a peu, se parait la nuit venue d’une robe de smog couleur orangée : cette aura électrique, produit, dixit l’expert en thriller urbain, de « la vapeur de sodium des feux de circulations rebondi[ssant] jusqu’à la couche des nuages ». Or donc, une fois adopté par son réalisateur, le film aura vu sa structure transplantée de la ville qui ne dort jamais à la cité des anges. Le réalisateur trouvant dans ce transfert de fond d’écran l’occasion d’une de ses fameuses immersions atmosphériques dans un milieu multiculturel que personne, jusqu’alors, n’avait su traduire en termes cinématographiques avec une telle alliance d’hypnotisme et de vérité subjective. De quoi radicalement changer la nature du métrage. Et ce depuis sa surface, toute en vibrantes nuances de vert cactus, orange abricot, gris métal et bleu néon, jusqu’à ses plus profondes fondations, et notamment celles de ses deux principaux protagonistes.


Du script original au métrage final, le premier passa ainsi de juif à Afro-Américain issu de la classe moyenne et connaissant par cœur, comme les notes d’une partition, la rythmique des artères de sa cité. Le second, après des mois de character building et, pour son interprète, d’entrainement au tir à balles réelles, à la planification d’assassinats et au combat au corps à corps auprès d’un ancien des forces spéciales britanniques, hérita pour sa part d’un background équivalent à une longue notice nécrologique (des origines blue collar à Gary, Illinois, une mère morte en lui-donnant la vie, un père vétéran du Vietnam, alcoolique et féru de jazz, une enfance passée de familles d’accueil en centres de redressement, etc.). Et que dire de son super-professionnalisme si typiquement mannien… ou cruisien (là aussi, une rencontre !). Quant à Jamie Foxx, qui parle de son expérience sur le tournage comme d’une école, la très réputée « Michael Mann university », il aura de même eu droit à son stage de préparation. Celui-là à base de cours de conduite et de rencontres auprès de taxi drivers du cru. Parce que l’acteur, chez Michael Mann, doit maîtriser la moindre des aptitudes de celui auquel il prête son corps, histoire de « croire en lui-même et le projeter plus profondément dans son personnage ». L’objectif clairement fixé étant de donner à sentir (et non connaître !) son vécu par ses simples gestes, attitudes, expressions.


Entre ces deux mouvements, d’un côté la plongée dans l’intériorité des personnages, de l’autre la projection de celle-ci tout autour d’eux, se définit le très personnel mode d’expressionisme du cinéma de Michael Mann, un cinéma en focalisation à la fois interne et externe. Un cinéma qui, selon un processus relevant du registre poétique autant que de la recherche d’une forme d’hyper-réalisme, tâcherait de diffuser dans l’atmosphère de ses images l’état d’âme le plus intime de ses protagonistes. L’exemple le plus spectaculaire étant peut-être cette scène de The Insider où Jeffrey Wigand, seul dans son appartement, perd pied et voit la tapisserie se transmuter en une vision de ses filles, loin de lui. L’on pourrait aussi parler du personnage éponyme d’Ali dans le métro de Chicago (2). Mais l’on retiendra surtout ici la scène des coyotes où, parallèlement à la course de la voiture arrêtée à un carrefour, la narration se suspend momentanément, le temps de laisser la mise en scène extérioriser ce qui semble alors ne se passer que dans le seul esprit de Vincent, les yeux dans le vague, l’esprit abstrait du récit alors qu’un des animaux traversant la route semble à travers la fenêtre du taxi lui renvoyer l’image-miroir de sa propre condition. Instant de pause existentielle conçu pour être sensoriel avant d’être intelligible, parce que pris en charge par la seule science de l’image alliée au travail sur le sound design (3).


The Mann equation


Considérant la longueur et l’extrême méticulosité du travail fourni pour en arriver à de si volatils résultats, une question se pose alors : pourquoi aller enraciner si profondément, minutieusement et systématiquement chacune des racines de son film si, parmi celles-ci, la plupart ne germent à la surface de l’image que d’une façon quasi subliminale, ou du moins si subrepticement que la conscience du spectateur, abusée par l’effet de réel, peine à pleinement s’en apercevoir ?


Le fait est qu’à l’instar d’un Stanley Kubrick, d’un Roman Polanski ou encore d’un David Fincher, Michael Mann est un véritable control freak. Le genre de cinéaste capable d’engueuler son directeur photo pour la lumière pénétrant soudainement son cadre avant de se rendre compte qu’il s’agit du Soleil, en train de percer après avoir passé la nuit à faire et refaire la même scène... Aussi, on le comprend, le professionnalisme maladif des héros de ce cinéaste-là n’est autre que le sien propre. Mais pourquoi donc alors, à la manière d’un de ces flics undercover qu’il aime tant fréquenter, Michael Mann est-il à ce point obsédé par l’idée de sur-maîtriser son sujet ?


La réponse à cette question, l’intéressé la confiait à F.X. Feeney et Paul Duncan dans le livre qu’ils lui consacraient en 2006 (Michael Mann, Taschen, p. 176) : « les gens qui ne se rendent pas compte à quel point un réalisateur responsable et maître de son outil est un auteur, ou du moins devrait l’être, sont des gens qui n’y connaissent pas grand-chose au cinéma. La moindre petite touche peut changer le sens d’une scène. À l’inverse, un artisan qui considère seulement le cinéma comme du théâtre filmé n’est qu’un interprète ». Façon lapidaire de dire qu’à ses yeux, le cinéma est un médium où, dans l’idéal, tout devrait faire sens dans l’esprit du spectateur, que celui-ci en soit conscient ou non ! Et rappeler cet absolutisme de Michael Mann, ce n’est pas le mettre sur un piédestal de façon au(teu)ritaire, mais seulement expliquer l’origine fondamentale de tout un processus créatif. Sorte de method directing extrêmement poussé, d’éthique du travail plus que bien fait autorisant in fine le commentateur à ne rien laisser au hasard, à ne rien mettre sur le compte d’un impensé, ou si peu.


Cela dit, et pour en revenir plus précisément à Collateral, voici comment l’auteur revendiqué explique dans le commentaire DVD sa prise en main du projet : « Ce qui m’a plu, c’était de raconter une histoire comme elle se développe elle-même. Comme nous ne couvrons que dix heures, nous ne voyons que des fragments [de] vie[s] entière[s]. Le défi [était] donc de concevoir [c]es fragments de sorte qu’ils donnent un aperçu représentatif des personnages. » Le modus operandi fut donc le suivant : une fois le script adopté, avec la précision d’un profiler, Michael Mann s’est posé la question de l’identité de ses personnages (qui sont-ils ? d’où viennent-ils ? et vers quoi tendent-ils ?) avant de se demander comment informer le spectateur à leur propos. Réponse : ce serait par leurs actions et réactions aux circonstances du récit. Alors seulement pouvait-t-il se lancer dans un travail d’écriture où le script de Stuart Beattie, légèrement remanié, serait utilisé comme structure portante en dessous de laquelle seraient conçues de très conséquentes backstories en guise d’infrastructure. Certains éléments particulièrement signifiants de ces fondations étant ensuite sélectionnés pour affleurer à quelques moments déterminés à la surface du film, histoire de nourrir sa superstructure : la mise en scène dans l’espace en quatre dimensions (ne surtout pas oublier le temps !).


Corollaire de ce travail architectural à trois niveaux (la structure comme squelette, l’infrastructure comme sous-texte « drivant » souterrainement les destinées des personnages et la superstructure pour connecter le spectateur à l’expérience subjective de ces derniers) : si le petit détail longuement préparé n’a en apparence que très peu d’utilité en lui-même, il n’est est pas moins un composant essentiel de l’édifice global. Voyez plutôt : à chacun de ses gestes, la mécanique Tom Cruise - chronométrée à 1,4 s pour abattre deux hommes en cinq balles - atteint la précision d’une montre suisse. De quoi laisser imaginer un passé militaire… justement conçu en backstory. CQFD. Ce n’est bien sûr là qu’un exemple parmi de nombreux autres, mais il dit bien le sens de la méthode Michael Mann : faire de chaque personnage une manière d’iceberg émergeant progressivement à la surface d’un univers filmique que l’on devine aussi vaste et profond qu’un océan. Une approche permettant à chaque métrage du cinéaste d’apparaître, non pas comme une construction fictive se déroulant dans un univers artificiel aux frontières limitées par le cadre, mais plutôt comme une manière de scan sensoriel et de capsule temporelle de son époque de production.


Ce à quoi œuvre par exemple déjà l’ouverture de Collateral, où le son, celui de l’atterrissage d’un avion suivi du brouhaha du hall de l’aéroport (tous deux audibles alors qu’apparaît le logo Dreamworks), y précède l’image. Car l’espace-temps dans lequel le film s’inscrit excède les limites de sa diégèse. Sensation que Michael Mann, cinéaste de l’immersion plus que du paysage, reproduira deux heures plus tard en refermant son film sur l’image d’une rame de métro s’enfonçant dans la profondeur de champ, dans une tournée sensée se poursuivre bien au-delà du générique de fin.


The Mann experimentation


Dans le même mouvement, donc, le film en termine tout en laissant entendre que, si quelque chose à pris fin cette nuit dans cette rame de métro, cela n’affectera en rien le cours indifférent du monde, aux airs de serpent se mordant la queue. Idée qui, si l’on jette un coup d’œil dans le rétro, faisait déjà toute la tragédie de Heat, grand frère de Collateral au début duquel Neil McCauley naissait à l’image au sortir d’une rame de métro avant de finalement perdre la vie sur le tarmac du même aéroport où Vincent apparaît ici pour la première fois. Vincent qui, en une manière de chaîne de transmission - il porte le même patronyme que l’homme recueillant autrefois l’ultime soupir de McCauley, Vincent Hanna - fait donc le trajet inverse de son aîné : de l’aéroport au métro. Soit là en fait la manifestation d’une destinée programmée par les propres choix de vie des personnages. Car moins que l’arbitraire d’un jugement tombé du ciel, on le verra, la cité-réseau telle que la filme ici Michael Mann dessinerait plutôt le circuit d’une causalité incarnée et circulaire : suite de freeways, d’échangeurs, d’intersections et de collisions où le libre-arbitre négocierait avec un hasard écrit de façon plus ou moins vraisemblable et, surtout, avec la contrainte du milieu, pareille à la gravité.


Sous le regard du cinéaste et ses vues en plongée comme prises par un microscope géant, c’est alors un véritable système autonome qui semble s’animer. De quoi rappeler, à 75 ans d’écart, la Odessa fantasmée par Dziga Vertov dans son œuvre d’avant-garde futuriste et révolutionnaire, L’Homme à la caméra. De ces deux films, chacun à sa façon soucieux de témoigner de son époque (1929 / 2004), se dégage en effet une similaire poésie de la désolation urbaine (la cité endormie au début de l’un / L.A. et ses airs de ville de western pour l’autre), ainsi qu’une semblable manière de faire de la cité, organisme autogouverné prenant vie telle une horloge par l’action du montage-pensé, un personnage à part entière. Entité cybernétique dont la mise en scène ferait interagir les différents éléments : yeux (image récurrente des deux films), veines (les rues bondées d’Odessa / les grandes artères de L.A.), poumons (des cheminées industrielles chez Vertov / des raffineries chez Mann) et même des pensées sous forme imagière (des affiches de film chez l’un / publicitaires chez l’autre). Le tout formant une sorte de super-machine, somme des interactions de chacun de ses éléments, y compris l’Homme, ramené à l’état de simple rouage du système global.


Autre point commun entre les deux films : ce motif des croisements qui, dans L’Homme à la caméra, apparaissent sous la forme géométrique du chassé-croisé des tramways et des passants, d’une caméra-œil qui panote de gauche à droite à chaque passage de train, ou encore d’une image se scindant en deux puis trois pour réunir et croiser plusieurs mouvements. Dans Collateral, ce sont les trajectoires de certains agents du récit qui, sous l’influence d’une cruelle ironie du récit, se croisent une première fois en prélude à une seconde, fatale pour l’un des personnages. Et de fait, c’est justement ce croisement des vies et leurs frictions qui organisent ici tout le récit, le conduisant littéralement d’une rencontre à l’autre, d’un lieu compartimenté au suivant. Et ce en suivant un parcours précisément balisé : d’abord depuis l’aéroport LAX au quartier d’affaires du Downtown, ensuite des logements ouvriers de South Union aux immeubles huppés de West Hollywood, et enfin de South Central à Koreatown pour finalement revenir au Downtown, véritable centre de gravité du film à l’attraction duquel il s’agira en définitive pour Max de s’arracher.


Tout cela pour dire que la correspondance d’un film à l’autre, une fois de plus, ne doit rien au hasard. Car si, contrairement à Michael Mann, Dziga Vertov prétendait refuser toute forme de fiction ou de narration, ses théories et pratiques demeurent une importante source d’inspiration pour le réalisateur de Collateral (4). Explications : regarder L’Homme à la caméra, film qui se regarde en train de se fabriquer, c’est comprendre que pour son auteur, filmer et agencer des images du réel n’est pas simplement et naïvement l’enregistrer. Il y a entre les deux un double travail de montage : d’abord au tournage parce qu’il faut déjà sélectionner certains éléments au détriment d’autres, et ensuite lors du montage proprement dit. Le but étant, non pas d’effacer les marques de l’énonciation, mais au contraire d’affirmer la médiation du cinéaste, biais par lequel sa pensée fond sur le réel pour en façonner et ordonner les images qui lui conféreront un sens. Et pour ce faire, quand bien même il revendiquât toujours la nature documentaire de ses travaux, le cinéaste russe ne se gênait pas pour recourir à tous les « procédés » : surimpressions, ralentis, accélérés, arrêts sur image, split-screens, stop motion ou encore un constant jeu de rimes visuelles d’une image à l’autre (5).


Or, un tel rapport au réel et sa transfiguration en images se retrouve semblablement chez Michael Mann, cinéaste qui aborde la mise en scène sous le double angle de l’abstraction et de, je cite, « l’expérience sensorielle ». Tournage et montage devant être l’expression de sa pensée plus ou moins filtrée à travers les sensations des personnages, lui non plus n’hésite ainsi pas à recourir à tous les outils et éléments de langage audiovisuels susceptibles de servir cette vision. Photo-boarding, étalonnage numérique, plans subjectifs, ralentis, modulations de la bande sonore, courtes focales pour coller au plus près de l’expérience des personnages, longues focales et variations de l’ouverture du diaphragme pour rendre l’espace filmé plus ou moins présent (net) ou distant (flou), effets de feedback d’une scène à l’autre, de forshadowing tout au long du récit… : autant de moyens visant à subjectiver le réel tout en le chargeant de sens. Une approche parfaitement antinaturaliste en somme, et dans laquelle s’intègre alors pleinement l’usage pionnier, fait pour environ 90% des prises de vue de Collateral, de deux caméras numériques haute définition : la Thomson Viper et la Sony F-900. Deux gros bateaux qui, à une époque où la pellicule 35 mm était encore reine, amenèrent Michael Mann à inventer l’une des imageries dominantes des années 2000-2010. Mais dans quels buts, précisément ?


D’abord, parce qu’il s’agissait pour ce film se déroulant quasi intégralement de nuit d’obtenir une image à la profondeur de champ inédite. Celle qui, sans éclairages d’appoint et grâce à l’hypersensibilité des capteurs numériques à la lumière, permettait d’afficher dans le même cadre et au même niveau de netteté un visage au premier plan et les détails d’un immeuble situé des kilomètres plus loin. Ensuite, parce que ces premières caméras HD offraient pour la première fois la possibilité de filmer la nuit urbaine telle que chacun la voit à l’œil nu, dans toutes ses nuances de couleurs, et avec à la clés le même et paradoxal effet d’irréalité que chacun aura pu éprouver en pareilles circonstances. Et enfin, dernier atout, ce recours presque intégral au support numérique venait renforcer l’impression d’immédiateté du récit. Sorte de sentiment d’ « être-là », immergé par les sens dans la temporalité en action, induit par la « texture » pixélisante - le grain du numérique en quelque sorte - d’une image comme électrique, presque en mutation sous nos yeux, en temps réel.



II. Dealing with the Devil of the Concrete Jungle



Locked in translation


L.A. est donc la star de Collateral, son alpha et son omega. Et cependant, comme effleuré plus tôt, se dessine de cette tentaculaire cité un autre regard, plus intellectuel, plus existentialiste aussi.


La caméra de Michael Mann gagnant en hauteur depuis quelques hélicoptères, la mégapole parait en effet comme se dé-spatialiser, s’extraire de son contexte pour mieux faire son entrée dans le monde des idées. Cette ville, que le réalisateur comparait onze ans avant Blackhat à internet (6), apparaît alors tel un vaste réseau assimilable aux circuits d’un ordinateur. Réseau-monde, reflet du nôtre, où l’Homme, « connerie cosmique » incarcérée dans sa voiture, esclave moderne coupé de tout véritable lien avec ses congénères, est pris dans le cycle quotidien du métro-boulot-dodo, n’est plus qu’un signal lumineux en mouvement parmi une multitude de signaux lumineux en mouvement, simple information volant dans les airs, dans un jeu d’échanges standards quotidiens. Ce que Michael Mann offre alors à notre regard, ce semble être l’expression visuelle la plus littérale de ce mode de vie éclatée et autistique que semble tant détester Vincent (lui qui en est pourtant l’incarnation psychotique). Un mode vie que l’on serait tenté de qualifier, en empruntant l’expression à Sidney Lumet et Jean-Baptiste Thoret, de régime du « running on empty ». Ou l’inertie d’un système où chacun circule pour que rien ne bouge : agitation perpétuelle fort jolie à l’œil, certes, mais terriblement vide de sens, car ne débouchant sur nul autre horizon que sa perpétuelle reconduction, sans plus aucune possibilité d’accidents, et donc d’espoir de changement.


Or, dans la pensée de Michael Mann, dont on sait par ailleurs la fascination pour la psychologie des taulards, le milieu détermine toujours pour beaucoup les perspectives s’offrant à l’individu, parfois même jusqu’à l’écraser tel un fichier à effacer (voir à ce titre la mort d'Alonzo au début de Miami Vice, sans aucun bruit dissolu dans le flux continu d’une voie rapide). Dès lors, tout l’enjeu pour cet individu, héros romantique se voulant autodidacte, seul maître de son destin, est de se défaire de cette influence aliénante. Ceci dans le très pragmatique but de reprendre l’entier contrôle de sa vie et, à l’image d’un bateau fendant les eaux droit vers l’horizon, comme à la poursuite d’une nouvelle Frontière, de tracer son propre sillon. Aussi peut-on voir dans cette farouche volonté d’échapper à l’emprise « totalitaire » d’un monde globalisé la continuité en même temps que la radicalisation d’un geste courant dans le cinéma US des 70’s. Que ce soit chez l’admiré Sam Peckinpah et ses perdants magnifiques en fuite vers le Mexique, dans la boucle libertaire - mais condamnée d’avance, celle-ci - du Vanishing Point de Richard C. Sarafian, ou même déjà dans The Graduate de Mike Nichols, lui aussi commençant et finissant sur des rails guidant un déplacement sans réelle liberté de mouvement (cf. l’escalator au début, puis le bus à la fin).


Mais là où Michael Mann se distingue, c’est que, bien qu’issu à sa façon du même bouillonnement culturel qui allait donner naissance au Nouvel Hollywood (7), lui ne se contente pas de nous refourguer cette vision du monde par de simples mots (même si les dialogues, il est vrai, révèlent souvent toute une philosophie de la vie chez lui). Non. Cette vision du monde, lui en fait un véritable enjeu cinématographique en l’exprimant quasi uniquement par l’image. Qu’est-ce à dire ? Simplement qu’il scénarise avec soin le moindre déplacement, la plus petite prise de position de ses personnages dans l’espace-temps filmique, cette cartographie tout à la fois physique et mentale dans laquelle ils gravitent à la façon de météores. Leur cheminement psychologique et leur quête existentielle - notions ô combien abstraites - étant ainsi souvent exprimés de la façon la plus concrète. C’est-à-dire, dans le premier cas, par une trajectoire particulière dans un territoire donné, et dans le deuxième, par une façon unique de mettre en rapport un corps immobile, un visage pensif, un regard mélancolique avec l’espace négatif d’une composition devenue support de projection mentale.


À titre d’exemple de cheminement psychologique scénarisé de la sorte, l’on pourra ainsi évoquer la piste de course autour de laquelle ne cesse de courir le prisonnier Ray Murphy dans The Jericho Mile, comme pour y dessiner, là où ses codétenus recourent au tatouage, sa propre ligne de conduite. Laquelle forme donc une boucle, mais a en fait valeur de ligne droite, en tant que manifestation de la volonté du personnage, droit comme un « i », de « faire son temps », autrement dit le maîtriser envers et contre toutes les inflexions et compromissions auxquelles on pourrait vouloir le soumettre. Quant à l’idée de quête existentielle exprimée picturalement autour d’une figure solitaire momentanément en retrait de l’action, on la retrouve exemplairement dans cette scène de Blackhat où Nick Hathaway, fraîchement sorti de prison, fixe l’horizon désert d’une piste d’aéroport. Comme s’il y cherchait quelque chose qu’on lui aurait pris, allez savoir, peut-être son temps à lui aussi, ou bien un signe de son appartenance à ce monde-là, et qui se serait comme évaporé pour laisser place à un grand vide. Une scène presque fordienne, en substance.


Et pour cause, comme chez John Ford, on parle là d’un cinéma expressionniste au sens le plus plein du terme. Façon de faire qui, outre le fait que c’est la règle du road movie et le devoir de tout film d’action un tant soit peu pensé que de faire rimer trajectoires physiques et mentales, trouve chez Michael Mann une origine singulière dans le grand intérêt qu’il porte à l’architecture des villes. Et à ce qu’elles disent, par leurs reliefs de verre et de béton, par l’entremêlement de leurs voies rapides et la désolation de leurs zones de friches industrielles, ou de façon plus générale par leur plan d’organisation et la façon dont s’y canalisent les marées humaines, de notre mode de vie tout compte fait guère éloigné de celui des fourmis. À ce propos, voici ce que l’auteur de ces images si caractéristiques de notre temps confiait en 2014 à Michael Henry Wilson : « J’explorais pas mal Chicago quand j’étais jeune, je me baladais la tête ailleurs, comme dans un rêve. […] J’avais un oncle qui connaissait très bien l’architecture de [cette ville] et il m’a fait connaître, à moi et à mon frère, tous [s]es grands architectes […]. Tout ça pour dire que pour [m]es films j’avais engrangé tous ces endroits, toutes ces images. Et les sentiments qu’ils provoquaient, aussi. » (8).


Tout ça pour dire aussi que, pour Max ici, l’enjeux est le suivant : trouver le courage de sortir des ornières du système auquel il avait abandonné la direction sa vie et, au terme de ce que l’on pourrait qualifier de « processus d’individuation », parvenir à reconquérir son autonomie de bipède pour enfin se forger une nouvelle identité, apte à affronter le monde. Alors que Vincent, Coyote de cette histoire révélant peu à peu son humanité abîmée, ce vide abyssal dissimilé derrière un masque d’indifférence et une gestuelle de T-1000, sera sans vraiment le savoir l’élément déclencheur de cette « révolution », celui par qui le bug en forme de bœuf dans « le système » arrivera. Et ce non sans y perdre au passage, non pas un fils quant à lui, mais quelque chose de l’ordre de l’incarnation et finalement de la substance vitale.


Question of lives and lines


Premier plan du film : Vincent apparaît dans le hall de l’aéroport LAX où son avion vient d’atterrir. Chemise blanche, lunettes noires, costume, barbe et cheveux gris : l’homme est en mode caméléon urbain, anonyme, si bien qu’à plusieurs reprises l’on perdra le contact visuel avec lui. Comme autrefois Neil McCauley au début de Heat, il est filmé au moyen d’un téléobjectif, longue focale qui, au fur et à mesure que le personnage avance vers nous, garde le point sur lui. Vincent, toujours net à l’image, apparaît ainsi comme détaché de tout ce qui l’entoure, la foule, floue, sans relief. Car sociopathe et tueur à gage passant probablement sa vie dans des lieux de transport tels que celui-ci, il est sans attache, peut-être même sans aucun pied à terre. Pour preuve, sa démarche légèrement ralentie semble plus aérienne, un peu comme s’il flottait ou glissait sur les gens.


Puis soudain, le choc : la rencontre à 90° avec la trajectoire d’un ex-chauffard réputé distributeur de tatanes (Jason, de son p’tit nom). Sous l’effet de la collision, ce dernier laisse tomber sa valise au pied de Vincent, qui pose la sienne de l’autre côté. Les deux hommes échangent les viriles politesses de circonstance et, comme si de rien n’était, ni vu ni connu, chacun repart avec la valise de l’autre. Un « Bienvenu à L.A » plus tard, le beat du premier morceau de la B.O. (pouls façon autoradio de la ville) est lancé. Et la caméra de récupérer Vincent en marche, mais cette fois selon une nouvelle configuration, en courte focale, où nos yeux sont désormais juchés juste derrière son oreille gauche. C’est le Michael Mann shot par excellence, celui qui place le personnage en amorce de plan, à droite, tandis que le reste de l’image (sa direction, son horizon) demeure brumeuse. Nous sommes ainsi à l’affût de ses sens dont on aura bientôt l’occasion de comprendre à quel point ils sont affûtés, lui qui domine de son regard l’espace dans lequel il se meut.


S’ensuit un plan de transition sur les yeux d’une potentielle cible, pense-t-on - en fait l’image publicitaire que tous les taxis de la ville arborent sur leur toit et que l’on recroisera. Par ce drôle de raccord transitant par les yeux de la ville (?), mi séduisants mi surveillants, l’on passe ainsi de l’aéroport à la centrale de taxis, du lieu d’arrivée du touriste au lieu de travail de l’autochtone qui lui servira de GPS. La mise en scène enchaîne alors sur une succession de courts plans serrés nous présentant cet environnement fragment par fragment : des journaux en langue étrangère, des morceaux de taxis par ci, d’autres par-là, un moniteur de vidéosurveillance du trafic routier, la main d’un homme noir faisant des mots croisés, des photos de familles accrochées au-dessus d’un atelier, quelques visages, blancs, noirs, des garagistes qui s’activent en tous sens, etc. Et c’est au milieu de ce montage-mosaïque proche de l’abstraction, brouhaha visuel et multiculturel répondant au sonore, que nous est présenté Max, morceau du décor parmi d’autres. La main qui faisait des mots croisés - déjà une forme de cartographie -, c’était lui, la caméra le révèle en remontant jusqu’à son visage.


Raccord regard : son taxi rentre de la tournée précédente. Max s’y engouffre et, en professionnel consciencieux, s’empresse de nettoyer le poste de conduite avant de vérifier l’état des feux. Puis il claque la portière et les sons environnants s’en trouvent soudain mis en sourdine, comme la musique. C’est qu’à l’instar de la cellule où Nick Hathaway écoute Eagle Eye Williamson au début de Blackhat, le taxi est une bulle, environnement sous contrôle, cocon douillet que Max entretient soigneusement mais aussi, et là est tout le problème, sa prison. En témoigne ce long regard sur la carte postale des Maldives qu’il vient soigneusement de mettre en place sous le pare-soleil. Le fait est que ce cliché ambulant est sa seule véritable fenêtre sur l’extérieur, espace de projection d’une quête du bonheur toute utopique, d’évasion par les yeux et seulement par les yeux, au croisement du naïf collage de Frank dans Thief et du pensif regard de Sonny vers la mer au début de Miami Vice. Sur ce, Max met le contact et, sous la surveillance de son mirador de dispatcheur, engage le taxi vers la sortie avant de disparaître dans le troupeau en circulation. La scène se termine ainsi, sur cette rentrée dans le rang et l’image d’un horizon bouché par un mural représentant un vaquero sans tête tentant de manœuvrer une bête sauvage au lasso...


Ainsi donc, Michael Mann vient de présenter ses deux personnages dans leur rapport à l’espace urbain et tout ce qu’il peut bien représenter : l’un libre de ses mouvements mais comme en mode furtif et porteur d’un regard dont on peine à deviner la perspective ; l’autre doté d’une vie intérieure mais surveillé de près, maillon d’une chaîne cloisonné par l’organisation de l’espace de son travail et comme pris dans un certain régime d’images. Chacun est aussi mis sur la route de l’autre : deux lignes de vie qui, comme l’annonce la précédente rencontre-collision, sont appelées à se croiser, s’échauffer un temps, échanger des données, puis se séparer, irrémédiablement changées. Et ce par le fait d’un récit d’apprentissage et d’émancipation faisant de l’accident appelant l’adaptation l’embrayeur de sa narration.


The great browser hijacking


On l’a vu, Max, être dont le quotidien réglé comme du papier à musique aura fini par le rendre passif - son nom de famille est Durocher ! -, est avant tout un observateur, yeux qui analysent et interprètent les signes depuis les extensions panoramiques de son regard que constituent les vitres du taxi. Ainsi de sa rencontre avec Annie : l’apercevant d’abord dans son rétroviseur, en bon chevalier servant, il fait marche arrière de façon à placer le carrosse juste à portée de la belle. Rien qu’à sa tenue vestimentaire, il devine aussi sa profession. Et grâce à ce sens de l’observation augmenté et son professionnalisme bientôt remarqué, un dialogue se noue. L.A. revêtant sa robe du soir, entre chien et loup, la course se mue alors en ballade romantique monté sur standard soul, entre les Hands of Time de Groove Armada. Conséquence : cette rencontre est la première étape de l’émancipation de Max. De quelle façon ? En lui donnant un but : remonter le fil (d’Ariane) du lien nouvellement tissé.


Or, ce lien, c’est justement par les jeux de regards que la mise en scène le noue. D’abord impersonnels, les rapports entre Max et Annie sont dans un premier temps une affaire de contacts visuels indirects : chacun est sur-cadré dans son cadre, confiné dans l’espace dévolu à son rôle social (cliente, chauffeur), et la mise en scène d’élaborer un (faux) champ-contrechamp où les regards ne se croisent que furtivement, par la médiation du rétroviseur. Le rétroviseur qui permet donc de contourner la règle des 180°, mais aussi et surtout, dans un deuxième temps, de transformer ce qui était au départ impersonnel en véritable rapport de séduction mutuel. Impression confirmée une fois arrivé à destination, au cœur de la ville, lorsque Max se retourne vers sa passagère et, à travers la fenêtre ouverte du « parloir » où leurs regards se connectent réellement pour la première fois, lui tend sa photo des Maldives, faisant symboliquement d’elle son nouvel horizon. Ce à quoi, après un faux départ, elle répond positivement en lui donnant ses coordonnés. Traduction : Annie sera le point de fuite de la trajectoire personnelle de Max, la femme à rejoindre et sauver là où Neil McCauley finissait par l’abandonner. Le « foyer » à retrouver au retour d’une quête qui, parcours d’obstacles dans le labyrinthe de L.A., initiera d’abord Max à la liberté, « élixir » à conquérir. D’où l’entrée en scène de Vincent pour, si l’on continue à parler en termes campbelliens, lui proposer son « appel de l’aventure » (9).


À l’opposé de Max, Vincent est lui un grand dissimulateur et manipulateur. Et leur première course n’en est pas vraiment une. C’est un test à l’aveugle, relation faussée où personne ne montre son vrai visage (cf. la façon dont les deux hommes sont filmés : majoritairement de profils, une face cachée, ou bien les yeux fuyant chacun d’un côté opposé). À l’arrière : le seigneur qui, comme le dit Michael Mann, dirige une « séance de casting ». À l’avant : le larbin qui répond plus ou moins tout en ignorant qu’il est postulant. De là, une première lecture métaphorique du film pourrait consister à voir dans cette nuit où l’on tue « pour vivre » et prend en otage un honnête travailleur une véritable satire des rapports humains à l’ère néo-libérale. Ou comment, derrière la fiction de libertés multipliées tous azimuts (libre circulation et hyperconsommation à souhait), sont aussi libérées et multipliées les possibilités pour le plus fort d’exploiter le plus faible. En d’autres termes - et la mention à Darwin le confirmera plus tard -, la loi de la jungle urbaine faite système. Alors, bien sûr, rien d’aussi explicite ici, parce qu’on n’est pas dans un film à thèse. Mais le fait est que, de nouveau remarqué pour son grand professionnalisme et, plus encore, pour sa docilité, facteur d’employabilité on ne peut plus recherché dans un contexte dérégularisé, Max parait pleinement satisfaire aux critères de recrutement de Vincent.


Au seuil de cette aventure se trouve dès lors un deal, dont l’image marquante, envers du précédent échange photo / coordonnés, serait cette poignée de main à travers la fenêtre intérieure du taxi. Ou comment, par la promesse du transfert d’argent non déclaré qui l’accompagne clandestinement, de nouveau transgresser la frontière instituée entre chauffeur et client, et avec elle la scénographie de l’espace du travail (reflet de son code). Mais pourquoi faire, cette fois-ci ? Pour « signer » un contrat de mauvais augure. De mauvaise augure parce que, de fait, on le sait, le Faust de Friedrich W. Murnau est un des films de chevet et une influence majeure de Michael Mann, à tel point qu’on en retrouve la trace jusque dans son film maudit, The Keep. Or, a priori, la pire chose que puisse redouter ce libertaire acharné qu’est tout héros mannien est bien ce genre de pacte qui, sous de séduisantes apparences, engage jusqu’à mettre en jeu son âme. Et cependant, pas plus que sa relecture ici, le mythe de Faust ne saurait se résumer à cette seule dimension d’aliénation. Car après tout, et non sans une certaine ambiguïté, existe-il un meilleur initiateur à la liberté que ce gredin de Méphisto ?... Et si Max, n’ayant plus sa photo à portée d’yeux et donc de possibilité de fuir en pensées, prend bien vite conscience de la vérité de son pacte (sous la forme d’une rétribution tombée du ciel façon Shane Black), peut-être est-ce en fait un mal pour un bien.


En effet, Ramon, le cadavre volant tué par les balles de Vincent, vient de faire une première brèche dans sa bulle-prison. Ce qui, à n’en pas douter, est cette fois signe de bon augure. Et puis, si la très tentante poignée de main de l’employeur s’est dans la foulée retournée en une effrayante mise en joue de l’assassin - lequel, on le comprendra par la suite, est en fait lui-même l’employé d’un de ces connards qui pioncent tranquilles quelque part en Colombie, peut-être même le Jesus Montoya de Miami Vice... -, la transgression n’en demeure pas moins le préalable essentiel à toute émancipation. Et pour finir, la logique circulaire du récit aidant, c’est bien ce Méphisto-là, décidément jamais à cours de tours dans son sac, qui ramènera au final notre Faust sur la piste de sa Margueritte (Annie), lui donnant ainsi l’occasion de conquérir son cœur. Tagada vroom vroom, j’arrive ma mie !


Mais avant cela, et selon un parcours similaire à celui du Roger Thornhill (Cary Grant) de North by Northwest, le fils devra abandonner sa môman, le « gentil » endosser la peau du « méchant » et l’homme-enfant accoucher d’un homo novus libre et indépendant.



III. Lone Coyote and a Cab



Jam session in circulation


Ça n’a rien d’une découverte : la figure du duel est un des principaux nœuds du cinéma de Michael Mann. Et c’est autour d’elle que s’articule bien souvent l’ambiguë dramaturgie de ses films. Outrepassant bien vite la simple logique du conflit manichéen, tout l’art (et la morale) du cinéaste est en effet de substituer à l’opposition claire et nette entre deux pôles une relation de symétrie bien plus trouble. C’est en ce sens que l’on peut parler de films à cheval entre classicisme et modernité dans les cas de Manhunter et de Heat. La frontière entre les antagonistes étant à chaque fois bien conservée, mais de plus en plus en tant que structure-relique du classicisme vouée à l’érosion d’un récit en route vers la modernité, celle qui fait table-rase de presque tout ce qui la précède. Dans le premier cas, le profiler Will Graham semble ainsi bien proche du serial killer qu’il traque, comme si tous deux étaient connectés par quelques pulsions communes que l’un parviendrait à réprimer et l’autre non. Et dans le deuxième cas, le conflit est à ce point joué à contrecœur qu’il s’en faudrait de peu pour qu’il se réoriente contre la frontière elle-même, en l’occurrence la loi, devenue cet absurde axe de symétrie interdisant à deux frères d’armes de simplement coexister dans le même cadre.


Dans le cas de Collateral, l’on part non plus d’un couple de symétriques mais de stricts opposés : jusque dans son code couleur, Vincent est le parfait négatif de Max. Et la frontière dressée entre eux à l’intérieur du taxi n’est plus une frontière au sens de ligne de séparation - eux partagent le même cadre à plusieurs reprises -, mais de zone grise, espace d’échanges plus ou moins opaques et licites. D’où l’importance de la fenêtre séparant l’habitacle en deux espaces distincts tout en les mettant en contact. Fermée, cette dernière est en effet un motif récurent dans l’oeuvre mannienne, généralement l’expression d’une séparation réelle mais partielle, car laissant filtrer le regard à travers sa vitre, support de projection d’un lien de type père-fils (le parloir où Frank s’entretient avec Okla dans Thief) ou d’une proximité menaçante avec un ennemi intime (la cellule où le Dr. Lecktor prend l’ascendant sur Will Graham dans Manhunter). Ouverte, voire carrément contournée, cette même fenêtre témoigne ici d’une relation inégalitaire et abusive. Une relation tenant à la fois du premier et du deuxième modèle donc (bon père, mauvais père). Et une scénographie qui, une fois mise sur le dos puis reconduite dans la scène finale du métro, mettra enfin Max et Vincent en position de symétrie, face à face et d’égal à égal pour solder leurs comptes façon John Woo.


De là, si l’on voit bien dans quel cadre les deux personnages interagissent (sorte d’équilibrage des forces selon le principe des vases communicants), reste à savoir selon quel mode. Et comment, en une manière de réaction chimique à haut risque, chacun des termes de cette relation évolue au contact de l’autre. Comme évoqué plus tôt, il y a quelque chose du récit d’initiation dans le parcours commun du tueur et du chauffeur. Dans un premier temps, l’un est pour l’autre ce maître qui, avec un mélange de rudesse et de sagesse, de ruse et de coercition, d’ironie noire et de pragmatisme, le place sous sa coupe pour mieux le piloter tout en lui délivrant ses leçons : comment faire le ménage, passer sous le radar des flics, inspirer le respect à son patron, apprendre les bonnes manières à ceux qui ignorent ce qu’est la propriété privée et, enfin, la plus importante de toutes ces leçons, l’adaptation. Ou la capacité de réagir à l’imprévu, à composer avec le principe de réalité par soi-même et, qu’importent les dommages collatéraux, pour soi-même. L’univers environnant étant perçu à travers le prisme d’une sorte de théorie du chaos généralisé.


Puis vient la scène de visite à l’hôpital. Sur un plan psychologique et selon une modalité que les freudiens pourraient sans doute qualifier d’œdipienne, celle-ci représente un important point de bascule dans la dramaturgie du film. Et ce pour deux raisons : d’abord, elle constitue chez Max la réciproque de ce qu’était la scène du club de jazz pour Vincent. Dans cette dernière, une première percée était faite dans l’armure du sociopathe (cf. le bref plan sur sa première réaction humaine après avoir liquidé Daniel le jazzman : du remord dans ce regard ?). Or, maintenant, c’est au tour de Max de subir le même traitement. Ainsi, tout en demeurant parfaitement impuissant, voit-il fuiter une facette de sa personnalité jusqu’ici tenue au secret. Comment ? Par accident : celui que constitue l’incontrôlable flot de paroles de sa mère et par lequel, soudainement, sa vie fantasmée à la tête d’une compagnie de limousines, timeline parallèle n’existant que dans sa tête, à l’état de doux rêve entretenant gentiment son aliénation, s’échappe dans les airs pour tomber dans les oreilles tendues et perverses de son tortionnaire.


Ensuite, cette scène trouve son importance en sa qualité de point de patinage à partir duquel le récit embraye sur une deuxième phase dans les relations des deux personnages. Après le temps de l’instruction, où Max était ce témoin en charge et élève plus ou moins coopératif, vient celui de l’expérimentation, étape au cours de laquelle les antagonistes vont être amenés à confronter leurs modes de vie respectifs en échangeant leurs identités. Ce qui commence précisément par cette intrusion de l’un dans la cellule nucléaire de l’autre. Sorte de viol qui pousse Max, las de simplement faire partie du décor d’une vie dont il n’est pas maître, à s’en arracher comme pour mieux laisser Vincent prendre sa place d’éternel fils de… Mettant en pratique l’enseignement reçu (adaptation, improvisation), l’homme-enfant fait ainsi par son courageux acte de défection filiale un premier véritable choix : couper le cordon. Et ce faisant, sans le savoir, lance-t-il le processus par lequel, à mesure qu’il reconstruira plus ou moins maladroitement sa personnalité au contact de Vincent, celui-ci perdra de plus en plus en présence concrète à l’image, comme vampirisé. Et ce jusqu’à ce qu’en fin de parcours, à l’image de son attaché case désintégré dans le trafic routier, le tueur, exsangue, disparaisse dans un des flux de la cité aux mille flux.


Over my dead body


Au vol de l’outil de travail de Vincent par Max succède donc bien vite l’endossement complet de la persona du premier par le second. Travail de falsification de l’image qui, paradoxalement, ne recourt à aucun trucage ni maquillage. Pour les yeux électroniques des fédéraux, Max est Vincent, aucun doute là-dessus. Ou du moins pas plus que pour ceux qui, dans North by Northwest, voyaient en l’insignifiant Roger Thornhill un espion du nom de George Kaplan. Mais voilà, se trouve dans la planque du FBI un homme chez qui la suspension d’incrédulité ne se fait pas totalement. Depuis déjà un moment sur la piste du premier refroidi manquant à l’appel, Fanning, seul flic ayant flairé le tir groupé façon tiercé quarté quinté, ne peut en effet s’empêcher de trouver la scène trop parfaite pour être honnête. Alors comme ça, l’homme invisible, celui qui passe pour une légende urbaine tant il excelle à mettre en scène sa non-existence, cet homme-là, donc, s’arrêterait en pleine tournée pour venir rendre une petite visite à l’un de ses plus célèbres commanditaires, prenant soin au passage de montrer sa bouille aux caméras de surveillance et de se présenter en arrivant : « salut, c’est Vincent, j’viens voir Felix le grand manitou. Vous étiez sur ma route, alors j’me suis dit : ʺentre deux signatures, on va passer faire un p’tit coucou. ʺ » ? Naaaannnn, ça ne colle pas ! Fanning le repère tout de suite. Il y a comme un « pète » dans cette image, et un truc pas net derrière.


Le truc pas net, en l’occurrence, c’est le vrai tueur, habile puppet master qui, retiré dans l’obscurité, tire maintenant les ficelles d’un Pinocchio s’essayant à mimer le jeu et l’assurance de son Gepetto sans que son nez ne le dénonce. Coincé entre une figure paternaliste prête à le gronder et la faucheuse en train d’enlever le cran de sûreté, Max, désormais en première ligne, improvise alors un nouveau solo : retirant ses lunettes pour mieux revêtir le masque de l’assurance, il se met à recycler le vrai pour mieux jouer le faux. Ainsi le singe savant ayant bien retenu ses leçons bombarde-t-il son interlocuteur d’un flot de paroles piochées en vrac dans le répertoire de son mentor. Sauf que dans le même temps, sous le niveau du bluff et derrière ce qui, de loin, ressemble à l’affrontement d’un Boss de fin de niveau délivrant la clé (USB) du passage au prochain, c’est une tout autre scène qui transparaît. À savoir un véritable exercice d’affirmation de soi, nouvelle et décisive étape dans le parcours du jeune padawan.


Alors, Max aurait-il déjà achevé son processus d’individuation ? Certes non. L’une des idées-force du film étant que sa nouvelle identité se construit en réaction à celle de son passager, il s’agit d’abord d’en apprendre un peu plus sur ce dernier. Or, justement, suivant de peu la confrontation avec le parrain latino, vient une scène où, comme cela a déjà été évoqué, Michael Mann, suspendant momentanément son récit pour ne plus se concentrer que sur un événement à la fois anecdotique et surréaliste (la traversée de la route par deux coyotes devant le taxi arrêté à un croisement), semble d’une certaine façon répondre à cette question : qui est vraiment Vincent ? Aussi faut-il revenir sur cette scène, mais seulement après avoir bien spécifié qu’elle trouve son inspiration dans une authentique expérience du réalisateur lui-même (10). Et que, ne la commentant que par ces quelques mots laissés à Paul Duncan et F.X. Feeney : « Les prédateurs abondent dans la ville endormie… Incitation à l’introspection, interludes. Chacun perdu dans ses pensées, se préparant au combat. Les coyotes : ils n’ont que faire de notre présence. » (Michael Mann, Taschen, p. 174), il laisse la possibilité d’une signification plus précise à notre seule interprétation. Travail d’exégèse tout à fait hypothétique et personnel auquel les deux paragraphes suivants sont donc consacrés.


Plus tôt dans cette analyse, était avancée l’idée que l’image du coyote pouvait être perçue comme une réflexion sur la fenêtre-écran du taxi de la condition de Vincent (un peu comme John Dillinger se reconnaissant dans l’image projetée d’un gangster de cinéma lors du final de Public Ennemies). Précisons les choses : dans la tradition de nombreux peuples amérindiens et jusqu’aux fameux cartoons de Chuck Jones, Coyote, anti-héros dont les truculentes mésaventures délivrent leur sagesse par l’absurde de leurs chutes, est la figure du trickster, élément perturbateur de l’ordre préétabli et créateur d’un nouveau sur les cendres de l’ancien. Mais il est aussi, malgré toute sa ruse, celui qui se fait toujours rattraper par ses propres pièges. À partir de là, et en se rappelant la fable de Loup et Coyote, peut-on déjà retrouver certains des éléments caractérisant ici Vincent : son « pelage » tel un camouflage, sa redoutable intelligence dans l’art de tromper, son sens pratique qui, même et particulièrement dans les situations les plus folles, demeure intact, et enfin son rapport ironique à la mort, y compris et malgré lui à la sienne. Et d’autre part, l’esprit Coyote semble aussi transparaître dans l’influence qu’exerce le tueur sur l’univers routinier de son chauffeur. Influence qui paraît consister à pousser ce dernier au bord de l’autodestruction, jusqu’à ce qu’il ne manque plus qu’une petite pichenette pour foutre en l’air tout son univers et, de ses entrailles, en faire renaître un nouveau. Ou pour le dire autrement : Vincent comme pur vecteur d’entropie venant percer, telle une flèche, le taxi-bulle de Max. Comme s’il s’agissait de le ramener à la vie et à la réalité en le faisant sortir, aux forceps au besoin, de son douillet « ventre de la baleine » (11).


Ceci étant, n’oublions pas une chose : ce ne sont pas un mais deux coyotes qui passent devant le taxi. Et quand le second, de ses yeux luisants, paraît fixer Vincent dans un champ-contrechamp attestant leur lien privilégié, le premier, sorti du cadre aussi vite qu’il y était entré, semble d’abord et d’avantage remarqué par Max. Aussi peut-être ce coyote-là, plus discret, renvoie-t-il à la secrète condition de ce dernier, à son rôle auprès de celui qu’il convoie. Précisons une nouvelle fois les choses : en tant qu’animal charognard et nocturne à l’occasion, le coyote est aussi généralement associé à l’idée du passage de la vie à la mort. Son cousin le chacal, aux semblables habitudes alimentaires et crépusculaires, était même dans l’ancienne Egypte associé à Anubis, dieu conducteur des âmes qui, dans le Livre des Morts, préside à la pesée du cœur du défunt. À partir de là, peut-on faire l’hypothèse suivante : si l’un des coyotes semble renvoyer Vincent à l’absurdité de sa vie au moment où, âme en transit, il regarde l’univers défiler sous ses yeux tout en pensant à la mort (cf. ses paroles précédant la rencontre avec l’animal totem : « la vie est courte, un beau jour, tout s’arrête »), l’autre pourrait quant à lui refléter Max dans son rôle de passeur (que l’on traduit parfois par coyote en anglais). Max en tant que conducteur de l’âme de Vincent jusqu’au « serpent-rame-de-métro » qui l’avalera. Max en tant que juge de cette âme qu’il estimera plus tard dénuée du moindre « composant » normalement présent chez tout un chacun. Max en tant que bras du sort qui, armé et guidé par un deus ex machina, condamnera finalement son libérateur à errer « pour l’éternité » dans une boucle infernale, le métro, sorte de Styx des morts-vivants du monde contemporain.


Mais comme le fait le film sitôt évanouie ce bref temps de mise hors-tension propice aux divagations les plus folles, rebranchons-nous sur les fils (mèches) d’un récit en voie de surchauffe.


Wanna get rid of the grid ?


Souvent dans un film de Michael Mann, arrive un ou plusieurs moment(s) successif(s) où, à l’image du solitaire de Thief détruisant méthodiquement chacun des éléments de sa vie avant d’aller affronter son Méphisto à lui (en l’occurrence Leo), le récit en vient à se décharger plus ou moins violemment d’un trop-plein accumulé sur sa durée. Trop-plein devenu, à la jonction du deuxième et du troisième acte, ou bien du troisième et du quatrième, un poids mort ralentissant la course du film. Et le processus est organique : il est pris en charge par les agents du récit eux-mêmes, très écolos. Certains s’entretuant (comme plus ou moins tous les personnages secondaires de The Last of the Mohicans par exemple), d’autres disparaissant plus simplement hors champ (à l’instar de la famille de Jeffrey Wigand dans The Insider) jusqu’à ce qu’à l’issue d’une seule grande séquence et/ou de plusieurs petites scènes consécutives, un terme ait été mis à tout fil narratif autre que le principal. Celui-ci étant le seul autorisé à en finir avec ce que lui seul avait de toute façon initié. C’est là une question d’équilibre interne non spécifique au cinéaste mais, qu’il soit ou non à l’origine de l’histoire mise en image, une récurrence particulièrement marquante chez lui.


Dans le cas de Collateral, c’est au sortir du repère de Felix et juste avant la scène des coyotes que le taxi, vecteur du récit principal, véhicule le film vers ce genre de primo-climax. Sur un tempo musical se chargeant de faire monter l’adrénaline, un montage-séquence enchaîne ainsi plusieurs voitures armées jusqu’aux dents à la suite de la première, comme autant de nouveaux vecteurs, ceux-là supports des récits secondaires s’agrégeant l’un après l’autre au premier. Le but de la manœuvre est le suivant : après le calme de la « pause coyotes », il s’agira de déclencher la tempête qui fera le ménage dans une récit en passe de se transformer un véritable sac de nœuds. Dans la pratique, il s’agit donc de faire converger tous ces fils narratifs en un seul et unique lieu (le bien nommé Fever club) pour les y faire accumuler tension et fébrilité jusqu’au point de rupture. Seuil explosif au-delà duquel, débarrassés de tous ceux qui leur courent après, Max et Vincent seront libre de finir ce qu’eux seuls avaient commencé. Et de fait, qui mieux que le trickster de cette histoire en personne, j’ai nommé Vince le Coyote, pour orchestrer la tabula rasa commanditée par le réalisateur lui-même ?


Observons les artistes à l’œuvre : dans cet espace clos et bondé qu’est le nightclub, summum de l’immersion mannienne dans la jungle de L.A., Michael Mann, guidé par la vision-radar de son chasseur à l’affût, prend d’abord soin de situer au milieu du tumulte des corps enfiévrés chacun des cinq groupes d’intérêt sensés jouer un rôle dans la scène. Premier groupe : les deux porte-flingues de Felix chargés d’éliminer le vrai Max et faux Vincent au cas où il faillirait à sa mission. Deuxième groupe : le squad du FBI souhaitant lui aussi stopper le tueur. Troisième groupe (en fait un seul homme) : Fanning qui se la joue en solo dans l’idée de prouver que le Vincent recherché par tous est en fait un trompe-l’œil. Quatrième groupe : le duo formé par Vincent, cherchant à éliminer sa quatrième cible, et Max, qui lui serre de leurre. Et enfin, cinquième et dernier groupe : Peter Lim, quatrième cible de Vincent enceinte d’une double muraille de gardes du corps (sans compter les autres dispersés aux quatre coins de la boîte de nuit).


Autant dire que dans un tel milieu, la capacité à voir sans être vu, rendue d’autant moins évidente que certains groupes se divisent pour couvrir plus de terrain, est à la fois le principal gage de survie et l’ultime facteur létal. Darwin est donc encore une fois de la partie, et avec ceci pour conséquence : au milieu du flot humain, c’est Vincent, toujours furtif, qui se montre le plus clairvoyant. Alors que tous les autres, sans succès bien sûr, le cherchent du regard, lui, assisté par le redoutable viseur de la caméra-sniper de Michael Mann, repère bien vite sa cible et chacune des armoires à glace le séparant d’elle. De là, ne lui reste plus qu’à lancer son leurre au milieu du dance floor pendant que, de son côté, avec discrétion, méthode et férocité - et puis aussi un ou deux genoux déboités, parce que, ben ouais, on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs -, il met hors d’état de nuire chacun des obstacles dressés entre lui et son objectif.


Résultat des courses : à l’issue de la scène, par balle ou par évacuation hors champ - dans les deux cas une forme de mise à mort -, le droit de regard sur les affaires de Max et Vincent est retiré à tous… sauf à Max et à Vincent. Fanning, sitôt son enquête (et donc son arc narratif) résolue, ayant même droit à la plus cruelle de toutes ces « évacuations ». Abattu depuis le hors-champ par un Vincent reprenant sans ménagement sa place dans le cadre - un corps s’efface, l’autre reparaît pour le remplacer -, il est laissé sur le trottoir sans autre forme de regard en arrière qu’un très bref plan, sans doute là pour manifester l’espoir fauché en plein vol de Max, en état de choc.


Max qui va donc à partir de là devoir se résoudre à se confronter à cet étrange libérateur semblant ne plus vouloir lui lâcher la grappe.


N'ayant pas assez de place ici, je termine par-là : https://www.senscritique.com/film/Miami_Vice_deux_flics_a_Miami/critique/43364111

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le 26 juin 2017

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Toshiro

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