Club Zero
5.4
Club Zero

Film de Jessica Hausner (2023)

Jessica Hausner est en passe de devenir une abonnée des sélections cannoises : son précédent et assez inoffensif Little Joe était en compétition en 2019, avant qu’elle ne soit membre du jury en 2021, participant notamment à l’attribution de la Palme d’or à Sans Filtre de Ruben Östlund, un film avec du vomi qui fustige les riches, deux thématiques qui se retrouvent au programme de sa nouvelle livraison en compétition en 2023, sous les yeux du président du jury… Ruben Östlund.

Club Zero relate l’arrivée d’une nouvelle enseignante chargée, dans une école privée de prestige, d’enseigner la diététique et les comportements sains à des adolescents par ailleurs gavés de tous les privilèges. L’apprentissage d’une « alimentation consciente » va rapidement conduire à des dérives sectaires, et craqueler de toutes parts un public étrangement manipulable à loisir.


Il ne s’agit évidemment pas de trop questionner la crédibilité du récit, qui se présente avant tout comme une fable, une sorte de conte philosophique qui investirait un monde déjà saturé par la facticité : les architectures orthonormées, l’éclairage uniforme et les couleurs acidulées d’un décor évoquant le papier glacé des magazines font écho aux demeures des élèves dans lesquels des parents totalement à côté de la plaque devisent sur un monde en voie d’extinction auquel ils collaborent avec profit. La désincarnation est ainsi à considérer comme une dissolution des individus, dans un univers où le formatage est la norme, et qui peuvent aisément passer du dieu dollar à une idole new age.


Le contraste entre le décorum et la souffrance des corps peut évidemment s’avérer fertile, mais, comme pour son précédent film, Hausner ne sait pas enrichir son postulat, se contentant d’aligner les portraits satiriques éculés, même si certains ne manquent pas de charme, à l’image de la prestation d’Elsa Zilbertstein. Le recours, une nouvelle fois, à une bande originale agressive à base de percussions prétendument angoissantes a tout du cache misère, et le spectateur reste à distance d’une intrigue qui cherche par instant à le provoquer avec autant d’insistance que d’immaturité. Une façon, en somme, de déléguer au ton et à l’esthétique les manquements de l’écriture, et une méthode assez roublarde consistant à se cacher derrière ses cibles.

Sergent_Pepper
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Rumeurs Cannes 2023, Vu en 2023, Vu en salle 2023 et Cannes 2023

Créée

le 29 sept. 2023

Critique lue 592 fois

10 j'aime

1 commentaire

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 592 fois

10
1

D'autres avis sur Club Zero

Club Zero
Cinephile-doux
7

Régime strict

Ce qui est bien avec Jessica Hausner, c'est qu'elle n'a pas peur de choquer ni de susciter le dégoût, et tant pis si, à l'instar d'un Ruben Östlund, elle passe pour une poseuse et une cynique. Il est...

le 26 mai 2023

11 j'aime

Club Zero
Sergent_Pepper
4

Que la diète commence

Jessica Hausner est en passe de devenir une abonnée des sélections cannoises : son précédent et assez inoffensif Little Joe était en compétition en 2019, avant qu’elle ne soit membre du jury en 2021,...

le 29 sept. 2023

10 j'aime

1

Club Zero
Cineratu
1

Club 0/10

Club Zero est l'histoire d'une petite classe d'une école privée qui suit le cours de Madame Novak, une enseignante nutritionniste qui prêche un mode de vie et d'alimentation différent pour tout un...

le 1 oct. 2023

3 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

766 j'aime

104

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

701 j'aime

54

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

615 j'aime

53