Lucas Belvaux est un cinéaste estimable, l'un des rares en France (oui, il est belge de naissance mais cela ne change rien) dont les oeuvres sont irriguées par une forte veine sociale. Même l'histoire d'amour du très beau Pas son genre n'y échappe pas. Ses films sont cependant des fictions assumées, même si leur terreau est réaliste, avec des tentations romanesques qui trouvent leur meilleur équilibre entre ces deux pôles, chez ce réalisateur pas si éloigné de Ken Loach dans ses préoccupations. Chez nous ne surprend donc pas dans son ancrage social nordiste, dans une des régions françaises les plus touchées par une crise qui n'en finit pas de durer et un haut taux de chômage. La nouveauté du film réside dans son caractère politique avec en transparence les manoeuvres et la stratégie d'un parti politique facilement reconnaissable jusqu'à la personnification de sa chef de file. Là, c'est le militant Belvaux qui s'exprime et il faut bien avouer que, quelles que soient ses propres convictions, cette attaque "frontale" n'est plus tant du ressort de la fiction cinématographique que du documentaire engagé. D'autant que si l'on possède un minimum de culture politique, on n'apprend pratiquement rien quant à la stratégie de n'importe quel parti populiste pour séduire des électeurs. Laissons de côté les idéologies (le film a déjà été rejeté par ceux qu'ils ciblent sans avoir été vu) car c'est aussi et surtout sur sa valeur cinématographique que doit être jugé Chez nous. Le vrai sujet : comment une jeune femme se retrouve de bonne foi "tête de gondole" d'un parti sans connaître autre chose que de vagues préceptes et une opposition viscérale à la droite et à la gauche "traditionnelles", eh bien ce thème n'est pas totalement traité. Emporté par son didactisme, le film part dans d'autres directions (le portrait d'un ancien militant) qui finissent sinon par brouiller le message sinon à le charger démesurément. On enrage (un peu) de voir le film à ce point décentré au point que la fiction a du mal à suivre (voir la scène finale, plutôt ratée). Du côté de l'interprétation, très bonne note pour Emilie Dequenne, Catherine Jacob, Anne Marivin et surtout André Dussolier. Guillaume Gouix est lui exceptionnel dans un rôle terriblement compliqué. Du film ressort finalement, et malgré ses défauts liés principalement à son envie de montrer et démontrer beaucoup trop, l'aspect humain de personnages qui se débattent dans un quotidien difficile et souvent insoutenable. C'est donc bien un film de Lucas Belvaux, cinéaste de la souffrance et du désespoir au quotidien dans une époque troublée et accablante.

Cinephile-doux
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le 22 févr. 2017

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Cinéphile doux

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