Adapté du roman éponyme d’Evelyn Piper (Marryam Modell) et inspiré de « Une Femme Disparaît » d’Alfred Hitchcock, cette vision d’Otto Preminger se démarque jusqu’à se révéler complémentaire à ces œuvres. De plus, les époux John et Penelope Mortimer ont su adapter le scénario au cadre Londonien. Exit les buildings New-Yorkais et leur banlieue, place à la sérénité et le prestige de la royauté. Et pourtant, le récit a de quoi traumatiser les parents, en évoquant la plus grande peur qu’ils puissent avoir, à savoir la perte d’un enfant. Preminger nous partage ce sentiment à travers un doute, sans nous pousser à bout pour autant. Entre le la mise en scène et les dialogues, la précision est chirurgicale et la surprise est totale.


A l’image du générique d’ouverture, le cinéaste sélectionne avec soin, ce qui devra nous être dévoilé, en temps et en heure. Ce sens du timing permet de mieux gérer une narration intuitive pour enfin plonger les personnages dans un tourbillon angoissant et loin d’être innocent. La disparition d’une certaine Bunny convoque ainsi Ann Lake (Carol Lynley), une mère en manque de repère, en manque de soutien et qui confronte également ses valeurs à une culture, disséquée et qui admet des symptômes psychologiques en perpétuelle métamorphose. L’argument repose également dans la forme que l’intrigue prendra au fur et à mesure que les preuves manqueront. C’est une balançoire qui fait des allers-retours entre le thriller psychiatrique, le fantastique, le policier et le suspense. L’atmosphère est travaillée de façon à mieux percevoir les émotions qui se dégagent des personnages, ce qui est d’ailleurs un avantage certain pour un film en noir et blanc. Et ironiquement, cette dualité esthétique est représentative de la problématique du récit.


La pression est intense et l’introduction de l’inspecteur Newhouse (Laurence Olivier) offre tout de même un prolongement convenable à un premier acte qui, à peine essoufflé, repart de plus belle et avec une nouvelle intensité dans les enjeux. L’étrangeté devient plus pesante dans l’obscurité deviendra une réalité dont il faudra pouvoir fusionner esprit et corps pour enfin se réveiller. De ce fait, l’approche est celle d’un enfant et de son imaginaire angoissant. D’une porte à une autre, les obstacles s’accumulent et les empruntent s’effacent, car on les oublie, tout simplement. Il s’agit d’une affaire de détails et tout compte. Derrière, de la profondeur qui positionne l’homme vis-à-vis d’une enfance perdue et fantasmagorique, car il détient la clé de tout ce drame. Ainsi, il conditionne tout ce qu’il y a « d’enfant » chez une personne jusqu’à en extraire tout le charme et le plaisir. C’est pourquoi Ann se retrouve seule, malgré tout et malgré cette considération.


Plus qu’un amas de références et d’hommages, « Bunny Lake a disparu » fait appel à la sensibilité des scénaristes qui évoquent des traumatismes, ainsi que des spectateurs, présents pour être témoin d’un chaos à la fois glauque et poétique. L’intelligence d’Ann va de pair avec son traitement, car il s’agit d’une femme qui n’a pas besoin d’être dépendante d’un couple ou simplement d’un homme pour revendiquer son célibat, tout en sachant jongler avec ses responsabilités maternelles. A travers son combat, la vérité n’est qu’une partie mineure de notre intérêt, car tout s’oriente sur la manière de rédiger un discours et sur l’agencement d’arguments, parfois grossiers, et pourtant pertinents.

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le 24 juin 2020

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