Un môme de treize ans est l'énième victime d'un taré qui a fait du kidnapping l'un de ses passe-temps préférés, enlevant régulièrement des adolescents pour les faire disparaitre et leur empêcher de revoir la lumière du jour. Finney est un gamin comme un autre. Timide, victime d'une bande de p'tits bullies qui veulent lui casser la gueule après les cours dans l'Amérique des années 70. Mystérieusement enlevé par un type au masque de diable qui terrorise la ville et ses habitants depuis plusieurs mois sans jamais avoir été attrapé, Finn suit le même chemin que ses camarades... enfermé à double tour dans le sous-sol d'une baraque sans échappatoire. Sauf que le téléphone hors service accroché au mur se met soudainement à sonner... au bout du fil, des voix d'anciennes victimes qui cherchent à tout prix à lui venir en aide pour qu'il ne soit pas le prochain à y passer.


Scénario adapté d'une nouvelle venant tout droit d'un bouquin dont je n'ai jamais vu quiconque faire les éloges, je suis allé en salles sans m'attendre à grand chose, principalement motivé par la curiosité de voir une apparition d'Ethan Hawke en sadique masqué... mais aussi par la climatisation que seule une salle de cinéma peut offrir un vendredi soir.


Je ne connais rien du cinéma de Scott Derrickson, mais je suis habitué aux films Blumhouse qui me laissent bien souvent indifférent ou de marbre avec une légère impression de déjà-vu. The Black Phone ne me donnait pas l'impression d'être une exception, différent des dizaines de films d'horreurs que le studio sort tous les ans... et pourtant, j'y ai surprenamment pris mon pied comme pas souvent devant un thriller/film d'épouvante.


La première partie du film pose les bases du quotidien de nos deux personnages principaux, Finnley et sa soeur. Deux gosses au lien fusionnel qui vivent avec leur père veuf, un alcoolique maltraitant. On y découvre leur vie quotidienne, leurs petites habitudes, leurs amitiés mais aussi le visage de ceux qu'ils ne peuvent pas blairer... tout ça autour de mystérieuses affaires de disparition irrésolues. J'ai trouvé cette partie très humaine dans la représentation des personnages, surtout du frère et de la soeur que j'ai trouvés très touchants. Certains trouveront cette première partie peut-être un peu trop longue, mais je l'ai trouvé presque irréprochable et assez nécessaire puisqu'elle nous permet d'en savoir plus sur les personnages qui auront une grande importance dans le drame qui suivra. Les maltraitances dont ils sont les victimes sont dépeintes à travers des scènes parfois dures à regarder et une violence que je n'aurais pas cru apparaitre dans un tel film, encore plus avec des enfants. Le film ne dévoile pas directement son intrigue principale et la déballe à travers de premières disparitions qui commencent sur un fondu noir... avant que l'Attrapeur ne frappe et lance les premiers dès d'une course contre la montre pour Finnley.


Ethan Hawke est très persuasif dans ce que je pense être l'un de ses premiers rôles en tant que "vrai vilain". Son jeu est troublant et colle parfaitement au personnage froid, pervers et malsain qu'il incarne. Un gars tordu qui veut torturer ceux qu'il appelle de vilains garnements à travers des jeux macabres dont lui seul connait véritablement les règles. Bien souvent dissimulé derrière un masque, on regrettera de ne voir que très peu réellement son visage dans le film. C'est pour moi un défaut que certains percevront comme un point fort. J'aurais aimé en voir plus d'Hawke qui a moins de temps à l'écran que je l'aurais préféré mais qui reste marquant à chacune de ses apparitions tant ses gestes et expressions font froid dans le dos.


Mason Thames (qui joue le gamin qui se fait kidnapper) est très convaincant dans son rôle de gamin apeuré en quête de survie, mais parmi le cast junior assez diversifié, c'est bien Madeleine McGraw qui crève l'écran en tant que soeur hyper-protectrice et môme qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui prononce bon nombre de saloperies à quiconque ose l'emmerder elle ou son frère. Le personnage est foutrement bien écrit, et Gwen crève l'écran à travers ses apparitions qui ont fait rire la salle dans laquelle j'étais à de nombreuses reprises dans des moments plutôt drôles qui n'enlevaient pourtant aucune tension au film, et qui provoque l'empathie et la tristesse quand on la voit se faire malmener par son père avant de se reposer sur l'épaule de la seule personne sur laquelle elle peut réellement se reposer.


De la tension, il y en a. On peut penser savoir précisément la façon dont la fin se déroulera, à tort ou à raison. Mais l'ambiance qui règne dans le sous-sol presque vide de cette vieille baraque américaine nous donne l'impression tout le long du film que n'importe quoi peut arriver. Et c'est précisément ce qui arrive, sans qu'on puisse réellement s'y attendre.


Chaque sonnerie de téléphone attise la curiosité.


On s'attend à ce qu'il y ait un jumpscare à chaque fois que Finnley répond au téléphone et qu'il se retourne pour s'assurer que l'Attrapeur vienne le rejoindre, mais Derrickson se montre plus subtil et ne joue pas vraiment avec les jumpscares souvent surutilisés dans les films de genre. J'en ai compté trois dans le films, dont un qui m'a vraiment fait sursauter, et le reste de la salle aussi. C'est vraiment l'angoisse et l'inquiétude qui rythment ce film qui, pour mon plus grand bonheur, n'est pas un copier-coller de tous ces putain de films qui ne cherchent à briller qu'à travers une avalanche de jumpscares qu'on voit tous venir à des kilomètres.


Le téléphone est très bien utilisé à tel point qu'il devient presque à lui-même un personnage central du film. Chaque coup de fil se montrera déterminant pour la survie de Finnley qui, guidé par les voix d'anciennes victimes de l'homme masqué mais aussi par des apparitions inquiétantes, voit le temps qui lui est consacré défiler à chaque fois que son interlocuteur raccroche. Il a peur pour sa vie, et on craint autant qu'il se fasse zigouiller par l'Attrapeur qu'on imagine voir débarquer à chaque fois qu'il décroche le téléphone.


J'en ai aimé l'aspect horrifique, mais aussi l'aspect humain dépeint à travers la relation qu'entretiennent Finnley et sa soeur Gwen. Deux personnages qui permettent au film de trouver un certain équilibre à travers l'horreur que doit vivre un pauvre gamin de treize ans, et la désespération de sa soeur qui blasphème lorsque Jesus ne répond pas à ses appels.


J'ai passé un super moment comme pas souvent dernièrement en salles.


Le film n'est pas parfait et compte quelques incohérences/facilités scénaristiques qui ne m'ont pourtant pas perturbé. Les pouvoirs de la soeur, la confiance que lui attribuent les flics ou simplement l'utilisation répétée du téléphone peuvent être parus comme des façons de rendre plus simple la conclusion du film... mais ça ne m'a pas dérangé puisque j'y ai simplement trouvé beaucoup de sens. J'aurais aussi aimé avoir plus d'infos sur le background du personnage d'Hawke... mais peut-être dans un autre film ?


Black Phone fait partie de ces films que j'aimerais voir plus souvent. Des films avec un scénario original, des films qui ne comptent pas uniquement sur des jumpscares pour bien fonctionner. Black Phone est un film au scénario maitrisé, qui tient en haleine et qui dispose de tout un casting de gosses très convaincants qu'on a pas envie de zigouiller (et ça, ça arrive pas souvent). Une jolie surprise que je conseillerais de découvrir sans avoir vu le moindre trailer. Y aller les yeux bandés est le meilleur moyen de passer un très bon moment... (et évitez la VF, parce qu'elle est affreuse comme pas souvent).

Byeler
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le 2 juil. 2022

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