Bird Box
5.8
Bird Box

film de Susanne Bier (2018)

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Dur labeur que celui de scénariste de films d’horreur. Lorsqu’ils ne sont pas condamnés à recycler indéfiniment la même histoire de maison hantée qui séduit les nouveaux arrivants de 13 ans chaque année, les auteurs se forent la boîte crânienne à la recherche d’un petit concept qui pourra décliner une nouvelle règle d’un jeu de massacre.


Après Ne dormez pas (Freddy), Ne baisez pas (It Follows), Ne parlez Pas (Pas un bruit), voici donc avec Bird Box Ne regardez pas. Pour ce qui est de la nature du mal, on répondra plutôt à l’injonction N’expliquez pas, voire Ne montrez rien, ce qui peut s’interpréter de deux manières radicalement différentes. Dans la première proposition, dite du verre à moitié plein, on y verra un respect d’une règle fondamentale qui veut que la peur se fonde avant tout sur l’invisible et l’inconnu, notre imaginaire personnalisé se chargeant avec perversion de combler les vides ; dans la deuxième, un alibi bien pratique qui permet de ne pas pousser trop loin le boulot d’écriture.


Bird Box commence de façon assez terrible, et présage du pire : avec le genre de phrase répliques telles que « She was not talking to her mother : she died ten years ago » ou Sandra Bullock qui masturbe avec véhémence un fusil à pompe pour bien montrer qu’elle a beau être enceinte, ça empêchera pas sa candidature aux plus hautes fonctions du survival qui se prépare. Ajoutez à cela des petits flashbacks bien rances (je suis une artiste un peu isolée et cynique, mon père ce salaud, ma sœur je t’aime, vive les chevaux et Elle a fait un bébé toute seule) et la constitution d’une communauté multiculturelle bien typée dont les éliminations vont suivre un schéma pour le moins redondant, et l’affaire semble pliée.


Un petit bonus ? Une nouvelle règle, surgie de nulle part, et qui fait des simples d’esprits les élus au service du mal, qui veulent rien qu’à ouvrir les yeux des pauvres survivants. Allez comprendre.
J’aurais adoré vous faire la vanne bien trop facile consistant à dire que la survie du spectateur consiste à se bander les yeux lui-même face au film, ce que j’ai été tenté de faire à plusieurs reprises pour ne pas avoir à subir la vraie monstruosité jamais passée sous silence qu’est le travail chirurgical opéré sur son actrice principale.


Mais il faut reconnaître tout de même un certain savoir faire dans quelques séquences. L’idée d’un trajet GPS à l’aveugle est plutôt maline, tout comme cette recherche avec fil d’Arianne à la fois cordon de survie et lien vers la force maléfique, une ambiance de réclusion qui fonctionne un temps.


L’écriture, une fois encore, est la grande limite du projet. On a du mal à saisir que sur des poncifs aussi assumés, on dépasse les deux heures de métrage. Certes, l’idée d’un double récit nous indique déjà quels personnages vont disparaître, histoire d’ajouter au pessimisme ambiant, mais toute la quête finale (ce pseudo dilemme sur quel enfant choisir, ces rapides bien rapides et cet affrontement final aussi venteux qu’éventé) achève ce sentiment de balisage pesant et sans surprises qui enlisent tant de films du même genre.


Mais qu’on se rassure, les idées ne manqueront pas pour en redistribuer les principes. Suggestions aux scénaristes en mal d’inspiration : Ne courrez pas, N’écoutez Pas, Ne touchez Pas, Ne Pétez pas (ce serait marrant, les mecs mourraient bien plus vite que les femmes), Ne Souriez pas, Ne Pleurez pas, Ne Jouez Pas, et, pour finir, N’écrivez plus.

Sergent_Pepper
5
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le 23 déc. 2018

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Sergent_Pepper

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