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Que dire de ce film si ce n’est qu’il critique le fondement de notre société même. Le film raconte le procès d’une écrivaine (Sandra) après la mort de son mari dont on ne saura jamais qui en est le responsable, un suicide ou elle-même. Par-delà le simple thriller ce film est une critique libre du système judiciaire ou encore plus globalement du jugement (devenu obsessionnel dans la société contemporaine). Sandra est une des seules victimes vivantes (avec son fils) qu’il reste de cette catastrophe mais c’est elle que l’on va accuser. Si la justice n’était pas passée par là peut-être que le fils aurait appris à surmonter ce drame et à vivre sa vie malgré ses obstacles comme son père lui a dit dans la discussion dans la voiture. Sandra aussi aurait repris sa vie, un monde sans recherche de coupable mais un monde qui ne se porte pas plus mal.

Mais notre société toujours en recherche de coupable, toujours en recherche de cible responsable du malheur sur ce monde a besoin de coupables. On ne cherche plus à sauver les victimes de cette catastrophe mais on recherche des coupables.

Cet homme, inconnu du public, vivant dans un trou pommé en dehors de toute préoccupation humaine est devenu du jour au lendemain l’intérêt capital de plusieurs personnes qui ne le connaissent même pas. On entend alors retentir les cris de rage : « nous voulons que justice soit rendue !! ». Mais justice pour qui ? Le problème c’est comme l’avais écrit Girard dans La violence et le sacré, que nous avons oublié le sens premier de la justice : protéger les victimes et protéger la société en évitant la vengeance des victimes. Or nous avons oublié aujourd’hui ce principe-là, l’intérêt ne va plus vers la victime dont on se contre fou mais vers le coupable. C’est ça que l’on recherche, un coupable, pour assouvir notre besoin de jugement.

On ouvre alors un procès contre la seule personne qui peut être impliquée, mais le problème c’est que cette personne est une victime. On détruit alors moralement les victimes (je parle de Sandra mais surtout du fils qui est victime de cet accident mais qui est surtout victime de ce procès). Ainsi l’utilité première de la justice est bafouée. La justice est devenue un jeu de jugement, on y assiste comme un spectacle, on forme son opinion comme si l’on jouait au cluedo.

Cela est drôle n’est-ce pas ? Mais ça ne l’est pas forcément pour les victimes. On place ces victimes dans ce jeu sans leur consentement, ainsi Sandra est obligée de rejouer la scène du meurtre avec la même musique, ce qui crée un profond malaise chez le spectateur. Le spectateur se prête bien à ce jeu. C’est vrai, on a tendance à se questionner tout au long du film sur la culpabilité de la mère. Mais avec du recul, on a surtout envi que cette mascarade finisse. Non pas seulement qu’elle est totalement ridicule (l’avocat principal en est l’exemple), mais parce qu’elle est destructrice pour l’enfant notamment qui perd tous ces repères. Alors le procès fini et on ne recherche plus qui est coupable mais on ressent un soulagement et là alors on se demande à quoi ça a servi.


black_dune
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le 29 sept. 2023

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