Voir le film

J’ai l’impression que c’est un problème qui risque de se poser régulièrement.
Chaque année, les distributions de Palme, César et autre Oscar me conduisent à aller voir des films que je ne serais sûrement pas allé voir sans de telles distinctions.
Voilà une bonne chose, pourrait-on se dire. N’est-ce pas justement l’intérêt de ces récompenses que d’être capables de porter l’attention du plus grand nombre sur des pépites qui, sans cela, passeraient sûrement inaperçues ?
Dans le principe, je dirais que oui. Dans la pratique, ça me laisse davantage perplexe.


Prenons cette Anatomie d’une chute par exemple.
De Justine Triet je n’avais vu jusqu’alors que sa Victoria et j’avais trouvé ça nul et sans épaisseur. Un film symptôme de son pays et de son époque : une simple exposition que j’avais trouvée très plate et sans talent des névroses d’une bourgeoise lambda.
Dès lors, est-ce que, sans Palme d’or, je me serais risqué à aller voir cette Anatomie d’une chute ? Certainement pas. Est-ce qu’en lui attribuant la Palme d’or, le Festival de Cannes m’a permis de découvrir une œuvre qui méritait cependant le détour ? D’un certain point de vue, oui. D’un autre, non.


D’un côté, j’avoue qu’il y a dans cette Anatomie d’une chute bien plus de cinéma, de prises de parti et de prises de risque que dans Victoria. Ça c’est évident.
Ça tente des trucs. Ça cherche des images signifiantes. Ça aspire à créer une expérience de cinéma.
Tout le progrès que je vois d’ailleurs dans cette Anatomie d’une chute c’est déjà que, par rapport à Victoria, il y a une mise à distance qui est opérée à l’égard du personnage principal, Sandra. Et ça, ça change déjà beaucoup de choses.
Le simple fait qu’on aborde Sandra, dès le départ, dans une affaire de possible homicide (dont on ne sait d’ailleurs rien) ouvre d’amblée un champ des possibles ; ouvre d’amblée un espace d’interprétation
…Et cet espace, le film permet clairement au spectateur de l’investir.


Nous plaçant d’abord dans la peau de l’enquêteur, puis de celle du juge, Anatomie d’une chute incite à scruter, à capter et à boucher les espaces manquants…
C’est à la fois la meilleure idée du film mais aussi la mieux exploitée. En questionnant en permanence un moment qui se trouve être la première scène du film, Anatomie d'une chute ne cesse de nous questionner sur ce qu’on nous dit de cet événement a posteriori ; mais aussi de ce dont on se souvient.
Régulièrement, des éléments supplémentaires sont apportés par de nouveaux acteurs de l’enquête. Chacun y apporte sa part d’analyse et d’interprétation. Nous fournit-on là un regard lucide et pertinent nous permettant d’exposer une nouvelle facette du personnage central ou bien est-ce qu’on contraire, ce regard participe-t-il à biaiser et juger trivialement une situation au fond bien plus complexe qu’il n’y parait ?
Le spectateur, au fond, tel le jury, tel l’enfant, tel l’avocat, s’interroge.
Il s’interroge sur ce qu’il sait. Il s’interroge sur ce qu’il croit savoir. Il s’interroge sur ce qu’il peut ou doit considérer comme des preuves ou des signes de culpabilité. De responsabilité. De trahison.


Par ce petit jeu, Justine Triet parvient à la fois à nous interroger sur Sandra mais aussi sur le regard qu’on porte sur elle.
De ça, le film parvient à en tirer une personnalité réelle, surtout qu’il est parvenu à côté de ça à s’appuyer d’une part sur des marqueurs visuels insolites (le chalet perdu dans les Alpes ainsi que cette troupe d’acteurs à gueules atypiques) et d’autre part à mobiliser habilement les codes pourtant éculés du polar et du film de procès…
…Donc, pour tout ça, oui, merci au Festival de Cannes d’avoir su mettre ce film en lumière. Manifestement Justine Triet est en train d’évoluer dans son cinéma et ça mérite d’être observé…


Seulement voilà, d’un autre côté, j’ai beau ne pas connaître la sélection cannoise de 2023 - pas plus que je connaisse les films qui ont candidatés – mais je suis persuadé que, parmi tous ceux-là, il y avait sûrement moyen de mettre en lumière quelque chose de bien mieux fini que cet ouvrage-là…
Parce que bon, moi je veux bien avoir de la sympathie pour cette Anatomie d’une chute, mais putain qu’est-ce que c’est brouillon.


D’accord, Justine Triet tente des trucs. Mais elle en rate combien dans le lot ?
Par exemple c’est sympa d’avoir voulu tenter, en début de film, un plan-séquence entre le moment où l’étudiante venue interviewer Sandra quitte le chalet de cette dernière et le moment où elle regagne sa voiture… Mais pourquoi laisse-t-elle la porte d’entrée du chalet ouverte derrière elle au moment de partir alors qu’il fait des températures polaires à l’extérieur ? …Manque-t-elle de savoir-vivre ? …Fait-elle partie d’une guilde anti-écolo ? Bah non… Manifestement, si l’étudiante laisse cette foutue porte ouverte derrière elle, c’est juste parce qu’il fallait laisser passer le caméraman ! Sinon le plan-séquence n’était plus possible. Voilà comment en un seul plan, on rappelle l’artificialité du film qu’on est en train de voir.


Dans la foulée de ce plan-séquence, l’étudiante referme sa portière. La musique qu’on entendait jusqu’alors et qui hurlait depuis l’étage est alors étouffée par l’habitacle. On voit la scène de l’extérieur, mais on entend la musique comme si on se trouvait à l’intérieur du véhicule.
La voiture s’en va. On observe ça d’un plan général fixe. On continue d’entendre la musique de manière étouffée comme si on était à l’intérieur, mais on entend le bruit du moteur comme si on était à l’extérieur…
Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Est-ce là une intention formelle qui a un quelconque sens ? Manifestement, non. C’est juste que Justine Triet s’est visiblement foirée dans son mixage.


Et des petites audaces comme ça qu’on tente mais qu’on ne maitrise pas, il y en a l’air de rien quelques-unes.
Pourquoi ces photos des acteurs jeunes en guise de générique ? Quel lien avec l’intrigue ? Quelle signifiance ça a ? Aucune. En fait c’est juste là parce que c’est stylé.
Et cette manie de filmer quasi systématiquement en longue focale, au point que parfois les mains du protagoniste à l’écran apparaissent floues en périphérie de cadre ? C’est un parti pris esthétique ou c’est juste une absence de questionnement de la part de la réalisatrice sur cet aspect technique-là ?


Le problème c’est que cette approximation technique est généralisée. Et sitôt se met-elle à toucher le domaine de l’écriture que, pour ma part ça a commencé à m’éjecter du film.
Parce que, oui, elle a beau être ambitieuse et habile dans ses intentions cette écriture qu’en 2h40 de film – forcément – elle prend le risque d'aller à la faute.
En même temps c’était déjà presque annoncé par cette durée faramineuse. Un film de procès qui frôle les trois heures, c’est l’annonce d’un film forcément bavard. Or, quand on joue la carte – comme c’est le cas ici, et à raison – du texte à trous, mieux vaut éviter de trop en dire, de trop expliciter, au risque de faire s’effondrer tout cet espace d’interprétation libre dans lequel le spectateur est invité à s’engouffrer…
…Or ça n’a pas manqué. A force d’enchainer les témoignages, les prises de parole et les flashbacks, cette Anatomie d’une chute a fini par faire s’effondrer toute forme d’ambiguïté, sombrant rapidement dans une sorte de martèlement univoque totalement contreproductif.
Pour moi c’est vraiment ça qui tue le film sur la longueur. Et je pense que, sur cet aspect-là, on est clairement en droit de questionner les réelles intentions de Justine Triet.


Me concernant, il y a vraiment une scène qui a fait office de bascule. Elle se situe au milieu de film et c’est celle qui, du moins en ce qui me concerne, a fait voler en éclats le peu d’illusion qu’il me restait.


Cette scène, c’est celle de l’écoute en plein tribunal de l’enregistrement d’une dispute.
Elle est l’occasion d’un flashback. Elle est surtout l’opportunité de rabattre davantage les cartes et de semer le trouble et l’ambiguïté sur la nature de la relation entretenue entre Sandra et Samuel.
Pour le coup, cette scène, je la trouve vraiment bien amenée. Plus d’une fois, Sandra annonce qu’un couple c’est plus compliqué que ce qu’on en dit ; que c’est une globalité dont on ne peut extraire des moments qui ne seraient pas représentatifs ; qu’il peut y avoir parfois des disputes, de la haine, ou bien tout simplement un besoin d’accabler temporairement l’autre…
On se doute que, si elle dit ça, c’est parce que ça lui est aussi arrivée de péter des câbles de son côté. Du coup, l’annonce de la diffusion de cet enregistrement, c’est brusquement l’annonce d’une tension. Pour peu que Sandra ait hurlé, dit des horreurs, assené des coups, ça risque la mettre fortement dans le pétrin. On sait que ce ne sera pas là une preuve de sa culpabilité, mais on sait que ça va dès lors être beaucoup plus compliqué pour elle de faire comprendre la complexité de sa situation.
…Mais manque de pot, la scène est sans ambiguïté aucune.
La prison dont parle Samuel est démontée par les faits. L’ensemble de la scène corrobore de manière explicite – et à plusieurs reprises – la version de Sandra. Pire que ça, le peu de doute que pouvaient semer les bruits de coups à la fin de l’enregistrement sont tout de suite désamorcés par une expertise très claire sur le fait que ce soit bien Samuel qui se soit automutilé.
Sandra, au sortir de cet enregistrement, est une blanche colombe. Elle n’a pas frappé. Elle n’a pas tant hurlé que ça. Elle ne s’est même pas révélé castratrice, oppressive ou manipulatrice dans son couple. Bref, elle donne tous les signes de l’innocence dans toute cette histoire. Et cet enregistrement donne tous les signes d’un coup porté à l’ ego de Samuel ; lequel engendrera son suicide.
L’enregistrement joue sans aucune ambiguïté en faveur de Sandra. CQFD.
…Et c’est là que l’écriture se chie dessus. A trois reprises en fait.


Premier problème, c’est qu’en donnant autant d’éléments allant dans le sens de Sandra, la messe est désormais dite pour le spectateur, il n’a plus à se questionner sur la possible culpabilité du personnage principal. Certes, on sentait déjà que c’était le cas avant ça, mais là l’illusion ne peut plus tenir. C’est une dimension d’intrigue que le film se retire.
Deuxième problème, c’est qu’en faisant en sorte que l’avocat général reste dans la même posture accusatoire malgré cet enregistrement, l’intrigue participe à rendre sa position comme totalement bornée et absurde. Surtout que – je le rappelle – il s’agit bien de l’avocat général ! Il n’est pas là pour défendre coûte-que-coûte les intérêts d’un tiers dans cette histoire ; quitte à faire preuve de mauvaise foi ! Il est juste là pour représenter les intérêts de la société et la bonne application de la loi ! Le voir s’obstiner ainsi le rend dès lors totalement grotesque.
Et puis enfin et surtout – troisième problème – quelle lourdeur dans l’écriture ! Ah mais putain tout est dit textuellement ! Et pas qu’une fois ! Sandra et Samuel passent leur temps à s’envoyer leurs caractéristiques de fiches de perso à la gueule et – au cas où si on n’avait pas été compris – l’avocat de Sandra rajoute encore une couche derrière, pour bien être sûr qu’on ait saisi les tenants et les aboutissants qui ont conduits au suicide évident et manifeste de Samuel.


Cette balourdise d’écriture, c’est elle qui, pour moi, tue vraiment toute la démarche initiale du film.


Mais justement, était-ce vraiment la démarche initiale ?
Justine Triet cherchait-elle vraiment à générer une distanciation et une ambiguïté par ses effets d’écriture ou bien n’était-ce là qu’un autre subterfuge temporaire – un artifice de plus pour donner du style et une illusion d’épaisseur à son film – pour distraire le spectateur le temps de l’emmener jusqu’à sa conclusion ?


En introduction de cette critique, je rappelais brièvement ce que j’avais pensé du Victoria de cette même Justine Triet. Peut-être que cet aspect de mon propos a pu apparaitre aux yeux de certaines et certains comme une attaque mesquine et gratuite casée là histoire de discréditer l’autrice et son film d’entrée de jeu, mais en fait il n’en est rien.
Non, en vrai, si je me suis permis cette brève bifurcation c’était juste pour rappeler que Justine Triet ne venait pas de nulle part cinématographiquement parlant. Or c’était quelque chose dont je savais que j’allais avoir besoin pour expliquer par la suite ce qui m’a au fond le plus dérangé dans ce film…
…Et ce quelque chose, c’est cet esprit de bourgeoise lambda.


Alors oui, je sais : celles et ceux qui me lisent régulièrement commencent peut-être à en avoir marre que je ramène une fois de plus dans ma critique filmique une grille d’analyse sociologique. Mais face à ça, moi, j’aurais envie de répondre que je n’y suis pour rien si le cinéma d’aujourd’hui est devenu à ce point l’expression de la pensée et de la culture bourgeoise.
Situer au fond, ce n’est pas dénigrer. Situer, c’est parfois juste expliquer.


Or, qu’est-ce qu’exprime ici Justine Triet via les choix qu’elle a opérés dans cette Anatomie d’une chute ?
Au fond la priorité de Justine Triet n’a pas été, via ce film, de questionner nos regards, de créer un espace sensoriel d’oppression et de doute, de produire une expérience de cinéma. Et je précise tout de suite qu’en affirmant cela, je ne dis pas qu’elle n’a pas cherché à faire aussi cela. Non, je dis juste que – à mes yeux – c’est évident que ce n’était pas là sa priorité.
C’est évident parce que sitôt chacun de ces aspects que je viens de citer est rentré en confrontation avec sa vraie priorité, que l’autrice a préféré sacrifier le cinéma face à elle.
…Or la priorité de Justine Triet, dans ce film, ça me parait assez évident que ça a été de produire un plaidoyer en faveur de la cause des femmes bourgeoises.


Au fond, Justine Triet ne veut surtout pas qu’on ait de doute.
Hors de question qu’on juge son personnage. Hors de question qu’on puisse s’interroger sur le bien-fondé de sa posture.


Sandra doit être une victime de bout en bout. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté là-dessus. Elle doit pouvoir être perçue comme légitime en tout. Légitime à bosser son roman ; légitime à laisser des tâches à son homme ; légitime à découcher quand celui-ci la délaisse sexuellement… Et attention, je ne suis pas en train de dire que le personnage de Sandra n’était pas légitime à tout ça. Ce que je dis juste, c’est qu’à vouloir s’assurer qu’il n’y ait aucune ambigüité sur ces sujets-là, Justine Triet tue toute possibilité de subtilité et de puissance du propos.
Tiens par exemple, et si Sandra avait vraiment cogné Samuel lors de ce fameux enregistrement, est-ce que ça n’aurait pas été plus intéressant dramaturgiquement parlant ?
Qu’elle l’ait cogné n’aurait pas signifié pour autant qu’elle ait tué Samuel le lendemain ; voire même qu’elle n’avait pas de raison légitime de le cogner. Par contre, ça aurait vraiment troublé le jeu. Ça aurait clairement traduit cette idée que « juger un couple, c’est compliqué ».
Allons plus loin et imaginons maintenant que Justine Triet ait fait le choix d’une Sandra qui, inconsciemment aurait bien été castratrice de Samuel ; ou du moins qu’elle aurait été responsable indirectement de son malheur. Là encore, imaginons l’impact sur le procès, sur le jugement de chacun… Imaginons jusqu’à quel point le film aurait pu aller sur l’idée même du jugement d’un couple et de son absurdité à chercher des coupables et des innocents. Imaginons que le film se soit clôt sur cette idée merveilleuse : sur un acquittement parce qu’on se serait rendu compte de l’incapacité pour le jurer de désigner un meurtre et un coupable… C’est un choix qu’avait fait quelques années plus tôt l’insulte, soit dit en passant. Un choix tellement plus judicieux et intelligent selon moi…
Mais non. Pour Justine Triet il était manifestement inconcevable qu’on puisse questionner la responsabilité de Sandra, de son égocentrisme et de ses névroses dans la toxicité du couple. Samuel n’était pas méchant mais il avait tort. A 100% tort. Il s’est construit sa dépression et son mal-être tout seul. Sandra n’a pas à se poser de question. Le public n’a pas à se poser de question sur Sandra et sur ce qu’elle incarne : la bourgeoise contemporaine.
Sandra est victime. Sandra est innocente. Alors faisons le plaidoyer de toutes les Sandra. Point.


Il ne s’agit pas de questionner. Il s’agit de défendre.
Il ne s’agit pas de soulever des questions. Il s’agit d’asséner des vérités.
Il ne s’agit pas de créer des espaces de cinéma au service des spectateurs. Il s’agit de produire un plaidoyer à destination d’un public.
Et au cas où si on n’avait pas compris, le film entend nous en mettre pour presque trois heures, quitte à rajouter des scènes inutiles qui repousseront la fin de cette intrigue plus loin que de raison ; quitte à devoir faire parler un enfant comme un adulte doté de dons surnaturels pour mémoriser des conversations entières…
…Dit autrement : quitte à déstabiliser tout l’équilibre du film et toute la crédibilité de son intrigue.


Au fond, l’attitude de Justine Triet sur la scène du Festival de Cannes au moment de recevoir sa Palme d’or n’a rien de surprenant. Elle n’est que le prolongement de cet état d’esprit-là qu’elle exprime dans son film. Et je dis ça sans forcément mépriser.
Je constate juste qu’en primant Justine Triet, on a davantage primé la militante que la cinéaste. Dès lors il ne faut pas s’étonner que cette Palme fasse davantage parler pour des questions politiques et polémiques que pour des questions artistiques.


Alors OK – et encore une fois – tout n’est pas à jeter dans ce film.
Je l’ai déjà dit et je le redis : il y a des choses qui sont tentées dans cette Anatomie d’une chute et qui lui donnent une réelle personnalité. Et si effectivement pas mal de ces tentatives tournent courts, d’autres fonctionnent très bien…


J’ai par exemple aimé cette idée qu’on suive le chien pendant que le chalet était investi par la police, ou bien encore cette scène vers la fin où se superposent l’image de Samuel et la voix de son fils qui relate ses paroles. C’est peu de choses, c’est vrai, mais au moins ça permet de rompre avec la monotonie d’une réalisation qui ne tenterait rien…


…Seulement moi je pose une simple question après avoir vu ce film – et en considération de sa Palme d’or – qu’est-ce qu’il apporte en termes de cinéma ?


Avec cette Palme attribuée à cette Anatomie d’une chute, je ne peux m’empêcher de revivre mon atermoiement après celle qui avait été donnée à Julia Ducournau et son Titane.
OK, c’est chouette de récompenser des jeunes femmes dans un monde de vieux hommes. D’accord, c’est sympa de montrer à quel point les membres du jury sont progressistes à mettre en avant les thématiques de libéralisme culturel du moment, mais n’est-ce pas contreproductif de le faire au détriment du cinéma ?
Parce que bon, moi par exemple j’ai beaucoup aimé le prix de l’an dernier – Sans filtre – mais est-ce pour ces qualités cinématographiques qu’il a été primé ? On sait tous que non. Du moins on sait que ce n’est pas ce qui a primé dans ce choix…


Or le problème, au fond, il est là.
Ce fameux problème dont je parlais en ouverture et qui sera, immanquablement, amené à se reproduire…
A force de primer des films pour des sujets et pour des causes – et en négligeant de plus en plus les aspects techniques, créatifs et artistiques - on en vient à retirer toute sa dimension cinématographique au prix.
Irais-je par exemple voir la prochaine Palme d’or ? En sachant ça, pas sûr.
Après tout, je ne suis pas allé voir Koda, l’Oscar de l’an dernier. Or je n’ai vraiment pas le sentiment que j’ai loupé grand-chose. Peut-être à tort hein ! Mais avec la dynamique actuelle qui s’installe (depuis un certain temps) dans les festivals et les académies, ce n’est clairement pas l’impression que ça me donne.
Alors du coup, je repose ma question : était-ce si pertinent d’avoir palmé cette anatomie aux gros sabots ?
Eh bah à partir du moment où ça risque de ne plus porter mon attention sur des films que je ne serais pas allé voir sans ce genre de récompense, je pense que non.


Alors que le festival y pense la prochaine fois.
Oui, qu’il pense un petit peu plus en termes de cinéma.
En bout de course, je pense que c’est tout le monde qui y gagnera…

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le 24 août 2023

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