Jolie découverte en ouverture de la Semaine de la Critique à Cannes, àma Gloria s’inscrit avec tact dans la tradition des récits initiatiques filmés à hauteur d’enfant. On y suivra Cléo, qui rejoint pour un été sa nourrice au Cap-Vert, ayant dû repartir dans sa famille.


La première séquence, chez l’ophtalmo, consiste à ausculter le regard de la petite fille, comme pour se mettre au diapason d’une conscience encore dépourvue de la capacité à totalement faire le point sur la réalité qui l’entoure. Cléo exige, avec cette insolence de l’enfance, que les choses restent en l’état, allant jusqu’à reprocher à sa nourrice de chanter sa berceuse à sa petite fille qui vient de naitre. Elle évolue dans un monde dans lequel certaines béances sont longtemps passées sous silence (le destin de sa mère, par exemple), et découvre sans a priori une nouvelle culture, un autre climat dans lequel sa mère de substitution est chez elle, et non au service des blancs du monde occidental. Un environnement ensoleillé, mais aussi plus contrasté, où l’océan se fracasse au bas des falaises, et où les couleurs, plus vives, fascinent autant qu’elles intimident.


L’été donc celui d’un voyage qui n’a rien d’une parenthèse, mais s’illustre davantage comme une étape décisive, au cours de laquelle il s’agira de sortir de sa cellule protectrice, s’ouvrir aux autres, en intégrant une fratrie qui ne veut pas vraiment d’elle, et en passant le relai face à l’arrivée d’un nourrisson qui fait d’elle une enfant plus grande qu’elle ne le souhaiterait.

Une des belles idées pour illustrer cette transition consiste à illustrer par l’animation une certaine partie des immersions dans la conscience de Cléo. Des souvenirs ou des rêves, qui laissent à la dimension du dessin toute l’expansion possible, pour coller à un imaginaire débridé, et dans lequel les émotions s’expriment toute en intensités de couleurs et en vigoureuses manifestations des éléments par l’eau, les volcans ou la tempête. Autant de refuges pour accompagner, exhorter et conscientiser les épreuves du réel, où il s’agira, au bout du compte, de faire des adieux pour pouvoir grandir avant le retour au pays natal : à la nourrice, à la mère, mais aussi à cette phase de l’enfance où le panoramique très restreint autour de soi ne débouchait sur aucune zone d’ombre.


(7.5/10)

Sergent_Pepper
7
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le 31 août 2023

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Sergent_Pepper

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