De « Bernie » à « Au Revoir Là-haut », Albert Dupontel ne cesse de témoigner d’une certaine maîtrise derrière et devant la caméra, accompagnant ainsi ses récits dans ses propres méandres et sa propre réalité. Ce qu’il nous propose dernièrement effleure sans doute la simplicité, tout en embrassant quelques clichés, mais la subtilité découlera de tout ce divertissement assumé, à tel point que l’émotion viendra garnir la narration de toute sa tendresse. Il poursuit donc sa fresque historique, en s’accrochant à l’ambiguïté morale du nouveau monde, celui qui appelle à la modernité et à la révolution perpétuelle. A travers ses personnages, il fait l’état des lieux, du point de vue de ceux qui ont, malgré eux, trop vécu.
Le réalisateur ne cache pas son envie de nous faire rire, mais il ajuste la portée de son discours avec des parallèles inquiétants qui dominent les temps modernes. Entre la numérisation des institutions et l’évolution du mode de vie, il y a tout en pamphlet sur cet environnement qui change et qui domine également des travailleurs, que l’on soit marginal ou non. Quelque part, tout le monde finit dans le même panier de la convention et de l’ordre établi. JB, incarné par Dupontel, justifie allègrement ce constat car il choisit finalement de fuir la vie. Ce choix ne constitue ni plus ni moins l’envie de se détacher de l’algorithme que nous épousons instinctivement, par le biais d’une technologie qui nous possède et non l’inverse. De l’autre côté, Suze Trappet (Virginie Efira) viendra bouleverser cet univers, en s’imposant une quête légitime, malgré sa situation. Son travail la détruit et il ne lui reste plus qu’une compensation dans son cœur, celle de transmettre l’hommage et l’amour à son enfant égaré.
Le voyage ne reste pas moins fantasque et ce, grâce à une mise en scène créative, laissant place au vertige et à une forme de libération solennelle, entre un trio de victimes et l’acuité de bras cassés institutionnalisés. Et celui qui ne cessera de prendre des coups dans cette histoire, c’est bien sûr monsieur Blin (Nicolas Marié), l’aveugle de service, mais qui déborde de bonnes intentions et qui hérite d’une tendresse que Suze arrivera à parsemer tout le long de son périple enchanté. La mise en scène renforce ce sentiment à travers le cadre, voltigeant au rythme d’une héroïne en détresse. Pourtant, ce n’est pas une personne à sauver et elle ne s’accorderait plus ce privilège. Sa dernière croisade doit l’emmener vers une rédemption plus émotionnelle, qu’elle convoite depuis ses 15 ans. La perte qui en découle vient aussitôt compléter le tableau des échecs de chacun, sans pour autant forcer le mélodrame. Mais l’ingéniosité et la vivacité du metteur en scène permet des doux changements de tons, pour enfin en extirper pour leur pureté.
« Adieu Les Cons » raconte tout dans son titre et dans sa démarche cynique, mais justifiée. Dupontel se repose sans doute trop dessus à des moments où le récit se fige ou s’égare dans une problématique sociétale, où on y refuse tout écart de conduite morale et physique. Non pas que ce soit incohérent, mais il manque parfois de souplesse afin d’établir le portrait de la déviance de l’autorité, au mépris de la sécurité. Se répéter n’arrange pas les choses, mais peut-être cherche-t-il à insister sur cette réalité, indissociable de nos désirs et de la fatalité. Retenons donc que c’est dans ce même environnement que des personnages aussi déterminés et clairvoyants que nos héros voient le jour, pour en capter toute la chaleur et la noblesse d’une émancipation que jamais ils ne regretteront.